LA CONTREBANDE AU PAYS BASQUE EN 1932.
En 1932, le journaliste Arthur Hérisson-Laroche fait un reportage sur la contrebande au Pays Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, le
26/07/1932, sous la plume de Arthur Hérisson-Laroche :
"La vie audacieuse et périlleuse des contrebandiers Basques.
Grand reportage par A. Hérisson-Laroche.
... — Que vont devenir ces quatre chevaux saisis par la douane ?
— Pour cela, c'est simple. Les gabelous vont être obligés de les placer en fourrière chez des particuliers. Coût : 12 francs par jour et par cheval. Et je te certifie que les petiots ne vont pas prendre de la graisse.
— Que veux-tu dire ?
— Nous nous tenons tous, au pays basque, et tu devines que l'administration des douanes, comme ils disent, n'y est pas en odeur de sainteté.
— Alors, c'est l'estomac de l'innocent qui paie ?
— Ne t'énerve pas à ce sujet. Le carême de la bête ne dure pas longtemps. Dès le surlendemain de la saisie, les gabelous mettent les chevaux aux enchères, obligés qu'ils sont de s'en débarrasser coûte que coûte. Naturellement, aucun enchérisseur ne se présente.
CONTREBANDIERS PAYS BASQUE D'ANTAN |
— Alors ?
— Seul, au jour dit, paraît le contrebandier qui se porte acheteur. Alors, suis-moi bien : les chevaux que tu as vus, me reviennent à un peu plus de deux cents francs par tête, car j'ai des frais. La douane me revendra l'animal une moyenne de trois cents francs.
— En gros, la bête coûtera donc cinq cents francs ?
— Oui, mettons cinq cents. Je liquiderai, à mon tour, ce même cheval pour six cents francs environ.
— Bénéfice net : cent francs.
— Oui, mais n'oublie pas que si j'avais dû acquitter les droits d'entrée, qui se montent à trois cent soixante-quinze francs par animal, je l'eusse payé la somme rondelette de cinq cent soixante-quinze francs.
— Ce qui veut dire que, à condition de n'être pas pris sur le fait, chacune de tes expéditions constitue pour toi une affaire de tout premier ordre, car il faut se garder de perdre de vue que les chevaux, qui restent entre tes mains — et ce sont de beaucoup les plus nombreux — te rapportent quatre cents francs pièce.
— C'est vrai. Cependant, tu l'as constaté toi-même, le métier s'avère dur et n'est pas à la portée du premier venu. Vois-tu, si les droits d'entrée étaient raisonnables, mettons une centaine de francs par tête d'animal, nous préférerions renoncer à l'existence dangereuse que nous menons et verser aux guichets de l'Etat notre petite contribution. Mais...
— Voici l'ennemi, Quin-Quin. Là, devant nous, avant d'arriver au croisement.
— Nous sommes à Herboure. Bravo, tu as fort bien repéré le bureau de la douane. Nous allons stopper une seconde, car il faut, chaque fois que cela est possible, être poli envers ces gens-là."
Un douanier fit mine de s'avancer vers nous, mais n'insista pas. Un rapide coup d'oeil lui avait suffi pour se convaincre de notre parfaite innocence.
Tandis que nous repartions, mon compagnon me montra une route étroite, qui montait en lacets et que nous laissions sur notre droite.
"C'est la route de Vera et de Pampelune, par le col d'Ibardin qui délimite la frontière. Le poste de carabiniers est là-haut. Dans quelques minutes nous serons au hameau d'Olhette où nous descendrons. En attendant, si tu consens à te lever un instant, je te montrerai autre chose."
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CARABINIERS IBARDIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
A peine étais-je debout, que Cochequin déplaçait rapidement le coussin sur lequel nous étions assis, le décousait à une extrémité, en s'aidant de la pointe de son couteau, et en extrayait fièrement un béret basque magnifique, de fabrication espagnole.
"Il te plaît ? Vraiment ? Eh bien ! garde-le. Je te l'offre. Seulement, permets-moi d'ajouter que je suis très mécontent de mon élève, qui, tel un simple douanier, ne s'était aperçu de rien.
— Et de quoi ?...
— Misérable, depuis notre départ de Biriatou, tu es assis sur plus de dix douzaines de bérets et tu ne m'as pas encore félicité de ce mode de rembourrage que j'ai inventé. Economique, pratique, que sais-je ?
— Et fort confortable, le tout, bien entendu, sans garantie du gouvernement. Mon cher Quin-Quin, tu es un grand "as".
— Bah ! bah ! Tout ça, c'est des mots et des mots de la grande ville par-dessus le marché. Au lieu de parler dans le vague, examine et rends-toi compte comment cela est fait. La méthode peut toujours servir."
Les bérets, qui étaient troussés en forme de cône, paraissaient soudés les uns aux autres, tellement leur ordonnance, qui ne laissait subsister entre eux aucun espace libre, avait été réalisée par une main experte. Il y en avait ainsi trois rangées superposées qui remplissaient exactement l'épaisseur du coussin.
Le contrebandier qui me rivant d'un oeil amusé, poursuivait maintenant ses explications :
"En France, un béret, de bonne qualité, est cher. De l'autre côté, tu achètes, pour 5 ou 6 pesetas, un article d'usage et fort soigné. Pour le reste, c'est toujours la même histoire. La douane prétend prélever un droit de 8 fr. 50 sur chaque béret importé. Alors..."
Nous étions arrivés à Olhette. Ce hameau, composé de quelque fermes isolées, occupe le fond d'une vallée que traverse un ruisseau, petit affluent de la Nivelle.
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CONTREBANDIERS A OLHETTE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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