LA CONTREBANDE AU PAYS BASQUE EN 1932 (première partie)
LA CONTREBANDE AU PAYS BASQUE EN 1932.
En 1932, le journaliste Arthur Hérisson-Laroche fait un reportage sur la contrebande au Pays Basque.
CONTREBANDIERS PAYS BASQUE D'ANTAN
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La France de Bordeaux et du Sud-Ouest, dans
plusieurs éditions :
le 15 juillet 1932 :
"La vie audacieuse et périlleuse des contrebandiers basques.
Grand reportage par A. Hérisson-Laroche.
Mon vieil ami Cochequin, autrement dit Joseph-Joachim m'avait confié le mois dernier :
"Si tu es libre un de ces soirs, monte chez nous. Tu rencontreras là-haut quelques camarades et tu nous feras plaisir".
Cochequin, Basque de vieille souche, est un contrebandier de choix. Il avait douze ans à peine lorsque son frère, paysan robuste et intrépide, décida de l'initier au dur et périlleux labeur des ancêtres. Et, une nuit, à l'heure où ses camarades de classe sommeillaient paisiblement, il l'avait entraîné à sa suite à travers les sentes montagneuses que suivent, avec mille précautions, des groupes d'hommes audacieux, chargés de lourds bidons d'alcool. Dès lors, l'instituteur du village, en dépit de pressantes démarches, ne revit plus le visage éveillé et narquois du jeune Cochequin.
CONTREBANDIERS PAYS BASQUE D'ANTAN
Aujourd'hui, à défait d'une peau d'âne, pieusement encadrée et conservée, notre homme qui est à la tête d'une équipe de dix gars solides, la plus importante du pays, possède un joli magot. Comme tous ceux qui représentent une certaine puissance, il est craint, respecté et parfaitement heureux.
J'arrivai à Béhobie un peu avant quatre heures. De nombreuses voitures plus somptueuses les unes que les autres, encombraient l'entrée du pont international. La douane française et les services de gendarmerie examinaient rapidement et scrutaient avec bienveillance. Il s'agissait d'étrangers connus qui, comme chaque jour, se rendaient à Biarritz, capitale du luxe et de la gaieté, pour y passer une soirée joyeuse.
RUE CENTRALE BEHOBIE 1935 PAYS BASQUE D'ANTAN
Laissant derrière moi la frontière officielle et obliquant à gauche, je pris la route qui mène à Biriatou. C'est une promenade délicieuse qu'il convient de faire à pied.
La route, jusqu'au bout, suit le cours de la Bidassoa, rivière franco espagnole, dont elle épouse les méandres. Du côté français, d'immenses carrières de pierre en forme de cirque, où travaillent quelques hommes. Sur la rive opposée, de nombreux "carabiñeros", l'arme à la bretelle, surveillent l'eau paisible, à l'abri de leurs guérites de briques roses.
CARABINIERS FRONTIERE FRANCO-ESPAGNOLE
Au fur et au mesure que l'on approche de Biriatou, le décor gagne en grandeur. Les collines verdoyantes et plantées d'arbres, coiffées de-ci, de-là, d'allègres maisonnettes au toit incliné, font place à des massifs rocheux au flanc desquels s'accrochent les premiers troupeaux de brebis. Plus loin encore, les monts espagnols, adossés à l'horizon, dominent tout le paysage et trônent dans un halo d'ombre au reflet bleuté.
Perché sur un roc en forme d'éperon, dont la pointe extrême est constituée par sa très vieille église ceinte d'un cimetière en miniature, le village de Biriatou comprend une vingtaine de maisons agglutinées les unes aux autres. Le seul espace libre est un étroit couloir qui, de façon assez inattendue, coupe le village en deux tronçons égaux. A chaque extrémité de ce passage, s'élève un mur qui, chaque dimanche à l'issue de la grand'messe sert de fronton aux amateurs de pelote.
BIDASSOA ET FRONTIERE BIDASSOA 1929 PAYS BASQUE D'ANTAN
C'est à deux pas de là qu'habite Cochequin. La façade de sa demeure est parée de ce crépit, d'un blanc laiteux, que les maisons voisines ont également adopté. Seule, se détache au-dessus de la porte d'entrée une inscription basque, tout imprégnée de philosophie souriante : "Uste Cabea", "Sans y penser".
Cochequin ne m'attendait pas. Je fus reçu par sa fille qui m'apprit que son père était occupé à soigner quelques brebis malades.
"Venez avec moi, nous allons descendre à l'étable. Papa aura, pour sûr, une grande surprise".
Pressées les unes contre les autres, les brebis, une trentaine environ, attendaient leur tour. L'imagination aidant, on pouvait se croire à une consultation d'indigents. Assis sur le seuil de l'étable, face à la lumière, Cochequin opérait sans relâche. Aidé de son berger qui renversait et maintenait la bête blessée au sol, il s'emparait de la patte malade, ouvrait l'abcès rapidement d'un coup de canif, nettoyait la plaie et troussait un pansement imparable. L'habileté opératoire de Cochequin n'avait d'égale que l'absolue placidité de ses patientes.
"Excuse-moi. Je ne comptais pas sur toi aujourd'hui, mais tu as très bien fait de venir. J'arrive. Ganichou va me remplacer."
Et, tandis que le berger mettait à nu la lame de son couteau, Cochequin, qui s'était rapproché de moi, me glissait à l'oreille :
"Si tu es en forme, et si tu ne crains pas de passer une nuit blanche, je te montrerai ce soir quelque chose d'intéressant. En attendant, nous allons dîner. A la fortune du pot, comme vous dites à la ville. Si tu aimes la cochonaille, tu vas te régaler. Nous avons tué la semaine dernière deux de ces messieurs."
La femme de mon ami est une cuisinière remarquable. Elle avait improvisé un repas de campagne, d'une haute tenue, que nous avions accompagné d'un vin d'Espagne, lui-même une véritable merveille."
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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