L'OPÉRA LYRIQUE "GUERNICA" DE PEDRO GAILHARD ET DE PIERRE-BARTHÉLEMY GHEUSI EN 1895
L'OPÉRA "GUERNICA" EN 1895.
"Guernica" est un opéra lyrique en 3 actes, écrit en 1895 par P. Gailhard et P.B. Gheusi, avec une musique de Paul Vidal. Cet opéra a été présenté pour la première fois à l'Opéra-comique le 5 juin 1895.
DRAME LYRIQUE GUERNICA 1895
Je vous ai déjà parlé de cette chanson et de l'opéra éponyme, dans plusieurs articles : le
Voici aujourd'hui ce que rapporta au sujet de cet hymne national Basque, le quotidien national Le
Gaulois, le 3 juin 1895 :
""Guernica", l'hymne national Basque.
L'Opéra-Comique va nous donner, mercredi, la première représentation d'une oeuvre, que l'on assure très vivante et de grand mérite, due à la collaboration de MM. Gailhard et Gheusi pour les paroles et Paul Vidal pour la musique, Guernica.
Ces trois Méridionaux — nés tous trois à Toulouse — pouvaient-ils nous parler d'autre chose que de leur cher Midi ? D'ailleurs, la région basque est essentiellement pittoresque et tout là-bas, prête à la poésie. Pour être intéressants et originaux, les auteurs de Guernica n'ont eu qu'à s'installer quelques jours au pied des Pyrénées natales et à regarder les types qui se mouvaient sous leurs yeux. L'assimilation de ces "choses d'Espagne" septentrionale leur fut aisée : M. Gailhard avait longtemps habité les provinces basques et, d'ailleurs, la nature exubérante des trois artistes s'assimila l'enthousiasme espagnol.
M PEDRO GAILHARD OPERA GUERNICA 1895
M. Paul Vidal reconnaît, d'ailleurs, quelle large part revient à ses deux collaborateurs, dans l'oeuvre nouvelle :
" — Je ne sais point d'homme, me disait-il, qui possède à l'égal de M. Gailhard le sens du théâtre : il voit immédiatement tout ce que l'on peut tirer d'une situation dramatique et comment il faut en présenter les détails aux spectateurs. Sur le scénario de M. Gailhard, M. Gheusi a écrit des vers charmants, et le livret m'a tout de suite séduit."
M PIERRE-BARTHELEMY GHEUSI OPERA GUERNICA 1895
Guernica ! le nom est joliment sonore ; il chante les Espagnes chaudes. Mais dans ce curieux coin des provinces basques tient la légende basque tout entière, car le chant qui a servi à M. Paul Vidal de motif principal et est appelé "l'hymne national basque", a pris naissance dans ce petit village espagnol.
M PAUL VIDAL OPERA GUERNICA 1895
Le compositeur fut séduit par la beauté de chant qu'il avait souvent entendu là-bas, puisqu'il constitue la plus populaire des chansons basques, et nous le retrouverons dans Guernica plusieurs fois redit à l'orchestre. Il est d'ailleurs fort beau, cet hymne, et nul pays n'en possède de pareil en nul pays, le chant national n'a, à un tel degré, le don d'électriser les foules. En août 1893, se rappelle-t-on qu'il y eut, à Saint-Sébastien, de sanglantes émeutes aux accents du Guernicaco Arbola ?
"L'arbre de Guernica" fut toujours, dans le pays basque, l'objet d'un culte spécial. Il a donné son nom à ce refrain, qui prime tous les autres dans le nord-ouest de l'Espagne et que les Basques réclament toujours après l'exécution de l'hymne royal.
Car les Basques adorent leur reine, ces excellents Basques, autant qu'elle — notez que sa popularité est immense depuis qu'elle passe au milieu d'eux tous ses étés — ils chérissent leurs libertés locales.
Cet arbre fameux est planté sur le territoire de Luna, village tout voisin de Guernica, et les chroniques font remonter son existence au IXe siècle. Il y avait encore, non loin de ce chêne immortel, deux autres arbres également vénérés, celui de Malato et celui de Arechabalaga, qui se trouvaient sur la montagne au pied de laquelle dort Guernica. Le voyageur y lit aujourd'hui cette inscription curieuse :
"A cette place s'élevait le mémorable chêne de Malato, dont parlent les histoires et la cinquième loi, titre premier du Fuero, de M. N. et M. L., seigneurs de Biscaye. — An 1730."
Au pied de ces arbres, les héros basques jurèrent jadis de mourir pour leurs libertés locales, les "fueros". Ces chênes sont tous sacrés pour cette région qui a toujours gardé le culte de ses privilèges et de son indépendance.
Mais le chant la Guernica possède une histoire fort curieuse, très populaire dans le pays. La voici :
José Maria Iparaguire, poète basque et combattant espagnol, naquit à Villaréal, province de Guipuscoa, en 1820. Il s'illustra lors de l'insurrection de 1835, et après que les carlistes eurent été vaincus, il vint en France. Chez nous il se fit chanteur. Sa voix superbe lui valut de très grands succès, et à Paris il déclama la Marseillaise tant et si bien que le gouvernement impérial l'expulsa. Il passa alors le détroit, se fait applaudir dans divers concerts de Londres avec des romances espagnoles pendant l'Exposition universelle, et enfin, gracié, rentre à Bilbao aux acclamations de ses compatriotes.
JOSE MARIA IPARRAGUIRRE PAYS BASQUE D'ANTAN
En une nuit d'enthousiasme, au lendemain de ce rapatriement, il écrivait les paroles Guernicaco Arbola. Un de ses amis, le compositeur José Altuna, fort goûté à cette époque de la société madrilène, en improvisa la musique, et quelques jours après l'hymne était populaire à Bilbao. En peu de semaines il retentit dans tout la pays basque, dont il célébrait les libertés. Un journal de là-bas l'annonçait en ces termes :
"Pareil à ces mélancoliques et étranges mélopées avec lesquelles l'Arabe trompe, dans le désert silencieux, sa triste existence, aujourd'hui l'hymne à l'arbre de Guernica est un adoucissement aux douleurs du Basque et un doux souvenir de nos libertés mortes."
GUERNICACO ARBOLA PAYS BASQUE D'ANTAN
Ecoutez d'ailleurs quelques strophes de cet hymne Arbol de Guernica, en espagnol, Guernicaco Arbola, en basque :
I.
Ô arbre de Guernica, symbole aimé, béni par tous les coeurs vascongados ;
Arbre saint, étends et propage à travers le monde ton fruit sacré, car nous te chérissons !
II.
Il y a plus de mille ans que tu fus planté par Dieu, ô chêne de Guernica ;
Et depuis, tu te dresses toujours fier si tu périssais, nous péririons aussi lorsque se serait effacée ton ombre qui nous protège.
IV.
A genoux, tous ! Demandons à Dieu que ce symbole sacré vive éternellement !
Et tu vivras éternellement, ô chêne de la liberté, puisque nous le demandons à Dieu.
VI.
Ô chêne séculaire et immaculé, pareil au printemps qui toujours refleurit, tu refleuriras toujours ;
Souvenir des âges disparus, prends pitié de nous qui te chérissons, et donne-nous ton fruit sublime !
GUERNIKAKO ARBOLA
C'est en chantant cette Marseillaise que bien des Basques moururent, combattant pour leurs fueros ! Il est martial, vibrant, cet hymne-ci et je me rappelle quel enthousiasme il excite là-bas.
En septembre dernier, le jour de la fête des Espagnes, je revois les Basques acclamant à Saint-Sébastien la Reine et son Roi, leurs hôtes en ce moment, à la fin d'un concert donné, la nuit, sur la promenade, par une excellente musique. On avait joué, entre autres choses, l'Estudiantina, de Paul Lacome, et l'exquise rapsodie de ce pauvre Chabrier, España, puis l'hymne royal.
Enfin, comme la foule, après avoir longuement crié : "Vive la Reine !" réclamait son Guernicaco Arbola, un immense déluge s'abattit sur nous. Nul cependant ne broncha, et, sous une averse invraisemblable, les Basques, dans un recueillement religieux, écoutèrent leur hymne chéri, dont ils chantaient en choeur le refrain, saluant la dernière mesure de clameurs formidables qui montèrent vers le palais de Miramar, où reposaient la Reine et le petit Roi..."
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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