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vendredi 27 septembre 2024

UNE BALADE À LA GUADELOUPE À FONTARRABIE EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN 1899 (première partie)

LA GUADELOUPE À FONTARRABIE EN 1899.



Le hameau de Guadalupe, et son sanctuaire domine la ville de Fontarrabie, en Guipuscoa.




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SANCTUAIRE NS GUADALUPE GUIPUSCOA
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le mensuel La Grande Revue, le 1er mai 1899, sous la plume de 

Louis de Robert :



"Flânerie au Pays Basque.


II. Guadeloupe.



Deux coups frappés à ma porte me tirent de ma rêverie. — Entrez ! C'est Marius, le vaguemestre du Javelot qui, son courrier distribué, est libre. Il a quitté aujourd'hui son costume au col bleu et mis des vêtements bourgeois parce que nous devons aller en Espagne, jusqu'à la Guadeloupe, le petit hameau perché dans la montagne qui domine Fontarabie.


— Et quoi de neuf, Marius ?

— Rien, sinon que nous serions obligés de faire le tour par Irun. Il ne faut pas songer à traverser la Bidassoa avec si peu d'eau !



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NAVIRE LE JAVELOT HENDAYE 1905
PAYS BASQUE D'ANTAN



Il me dit aussi que Savin, le second maître du Javelot, désire être des nôtres. Nous n'aurons qu'à le siffler en traversant le pont international au pied duquel le stationnaire français est amarré. Voilà qui est entendu.



Nous avons quitté ma tourelle et gagné le jardin. Le jeune fils de Loti, Samuel, devant la maison, s'amuse à grimper le long de la corde lisse qui pend du balcon. Accroché à elle par les mains, les pieds sur le noeud qui la termine, il se laisse balancer. C'est, à présent, un grand garçon de huit ans, à la fois très remuant, très joueur et très sage. Déjà sa conversation traduit un esprit réfléchi qui étonne parfois. A table, ce matin, comme nous parlions des rêves, il nous dit : "Moi j'aime mieux les mauvais rêves que les bons rêves. — Pourquoi ? lui demande son père — parce qu'après un mauvais rêve je suis content de m'éveiller, tu comprends ; tandis qu'après un non rêve ça m'ennuie, je suis jaloux... voilà." Et cette réflexion, certes, n'est pas d'un enfant.



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SAMUEL LOTI FILS DE PIERRE LOTI



En ce moment, il tue le temps. Le train de cinq heures doit amener à Hendaye ses cousines les Tototes, et c'est une fête pour lui. Depuis deux jours, il n'est question dans la maison que de leur arrivée. C'est un gros événement. "Vous verrez, m'a-t-il dit. Elles sont un peu grandes pour moi, car Totote a douze ans et Dizé onze bientôt, ce qui ne les empêche pas de jouer tout de même avec moi. C'est Totote qui est la plus sérieuse. Mais je vous préviens que Dizé est très susceptible, et comme elle est très maligne, si vous vous mettez mal avec elle, vous n'aurez pas fini." Ainsi me voilà prévenu.



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MAISON DE PIERRE LOTI HENDAYE - HENDAIA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Pendant que Marius, pour lui plaire, imprime à la corde un mouvement plus vif, Loti qui apparaît à la fenêtre, nous crie :


— Bonne promenade.

— Alors vous ne nous accompagnez pas ?

— Non, j'ai à travailler. 



Et puis, je crois que pour rien au monde il ne manquerait la partie de pelote qu'il fait tous les soirs de six à sept et qui constitue pour lui un des attraits du pays basque.



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 PARTIE DE PELOTE PIERRE LOTI HENDAYE - HENDAIA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous voilà donc partis, Marius et moi. Nous gagnons la gare, la grande gare d'Hendaye où s'arrêtent les lignes françaises et qui prolonge jusqu'au pont reliant les deux pays un décor de wagons immobiles, poussiéreux, livrés à l'abandon, parmi l'herbe folle, d'un bout à l'autre des mornes journées d'été. Wagons qui ont porté à travers les distances l'espoir ou la détresse d'amis, de parents appelés par télégramme, l'agrément ou le souci de gens allant les uns à leurs affaires, les autres à leurs plaisirs. Vieilles caisses de bois, compartiments, banquettes, où tout un peuple de voyageurs a passé. De quels tracas, de quelles béatitudes, de quels projets, de quels rêves, de quel tohu-bohu d'idées sombres, gaies, poétiques ou terre à terre, graves, folâtres, absurdes ou raisonnables ces objets se sont-ils imprégnés ? Quelles parcelles insaisissables restent en eux de ces vies qui se sont croisées là sans se connaître, qui eussent pu s'attacher l'une à l'autre et qui se sont éparpillées selon d'imprévoyantes destinées ? Quelles traces invisibles y demeurent de tous les drames dont ils furent témoins, de toutes les aventures comiques, tragiques, singulières ou banales que, sur la surface du vaste monde, des mémoires d'êtres revivent, en évoquant le coin capitonné, le filet, l'accoudoir, la portière dont elles s'encadrèrent ? Voitures pensives, très vieilles et respectables ! Souvent, par de chauds matins, autrefois je suis venu cueillir des fougères et des boutons d'or entre leurs roues paralysées. Alors, dans ce prolongement de gare, au milieu de ces rails, de ces disques, de ces signaux, n'entendant d'autre bruit que le bourdonnement des insectes dans l'herbe, comment dire l'étrange sentiment de tristesse et d'abandon que ces vieilles choses jetaient dans mon âme sous l'accablant soleil ?...



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GARE HENDAYE - HENDAIA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous sommes à l'entrée du pont international. Voici le Javelot, tout blanc et coquet, avec ses fins cordages, sa coque légère et ses cuivres polis. Savin, qui nous y attendait, nous rejoint. Il est en tenue de coutil, casquette de marine blanche, et il lui a suffi d'enlever les galons mobiles de ses manches pour pouvoir, sans contrevenir aux règlements, franchir la frontière espagnole. Deux grands chiens, au long museau, à l'oeil intelligent raccompagnent, et comme nous nous sommes engagés sur le pont, déjà leurs folles gambades nous précèdent dans Irun, dans cet Irun si animé, si bariolé, le dimanche, et comme envahi durant la semaine par une langueur de sieste. Un petit tramway qui file sans bruit à l'ombre de ses maisons nous reçoit bientôt et nous dépose dix minutes plus tard à Fontarabie.




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NAVIRE LE JAVELOT ET PONT INTERNATIONAL HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Là, au pied de la montagne, première halte dans la cour tapissée d'herbe d'une fonda où du cidre clair nous désaltère. Après quoi, en route ! La montée n'est pas rude jusqu'à la Guadeloupe ; elle est seulement longue. Mais les chemins en lacets, les chemins jaunes et doux aux pieds en sont pleins de caprice et de variété. Des pierres les parsèment dont la pluie des siècles a usé les arêtes et arrondi les angles. Et cela, joint à de profondes ornières creusées par les roues massives des chars à boeuf provoque chez l'excursionniste toute une ingénieuse gymnastique dont je retrouve cet après-midi, après cinq ans, le charme alerte et jeune. Les chiens, devant nous, derrière nous, se poursuivent, se rattrapent, escaladent les contreforts, dévalent par les pentes, s'ébattent parmi les mousses. Une vie nerveuse, souple, agile, infatigable, circule ainsi autour de nous, entoure, ceinture, fouette et stimule notre montée. La même joie animale s'étend de ces bêtes à nous, harmonise les mêmes forces d'instinct sous la surface différente des espèces."



A suivre...



(Source : Samuel, le fils de Pierre Loti enfant habillé en marin (t - Alienor.org))







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