Libellés

dimanche 29 septembre 2024

FOUILLES ROMAINES À SAINT-JEAN-LE-VIEUX EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1966 (deuxième et dernière partie)

 

FOUILLES ROMAINES À SAINT-JEAN-LE-VIEUX.


Entre 1965 et 1975, ont eu lieu des fouilles historiques et archéologiques sur le site d'Imus Pyrenaeus, à Saint-Jean-le-Vieux, en Basse-Navarre.



pays basque basse-navarre histoire romains fouilles
FOUILLES ROMAINES SAINT-JEAN-LE-VIEUX 1966
PAYS BASQUE D'ANTAN






Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin du Musée Basque N° 34 en 1966, sous la plume de Jean-

Luc Tobie :



"Fouilles romaines à Saint-Jean-le-Vieux.



Mobilier.



La couche III n'a été prospectée que sur 6 m2, le sondage ayant surtout consisté à suivre la crête des murs sans descendre au-dessous de leurs fondations. Dans ces 6 m2, l'on a retiré plus de 40 kilos de tessons, souvent bien datables, provenant de vases, amphores, assiettes et lampes.


Grosse céramique : L'élément le plus important de la grosse céramique est un haut d'amphore présentant un col haut et large, terminé par un large bandeau sans lèvres ; les anses sont assez longues, verticales et attachées à l'épaule bien marquée. Elle s'apparente au type 1 de Dressel, d'influence italique, ce qui la rend aisément datable de la fin de la République ou du début du Haut Empire. L'on relève, en outre, une grande diversité d'anses, de pieds et de fragments de cols d'amphores ou de grand vases (une quinzaine de types), datables pour la plupart du début du 1er siècle après J.C.


Céramique moyenne : La céramique moyenne est très abondamment représentée ; une étude typologique faite dans le cadre d'une publication détaillée permettra de l'identifier avec précision. Signalons cependant des témoins de vaisselle typiquement hispanique.


Céramique fine : Dans la céramique fine, dominent les fragments de petits vases, souvent ornés, à parois minces, typiques du 1er siècle après J.C. Notons aussi un col de petit flacon allongé et une série de petites assiettes, très fines, à pâte dure (deux d'entre elles purent être reconstituées).


Lampes : (L'on suit ici la classification utilisée par M. Michel Ponsich dans son ouvrage "Les lampes romaines en terre cuite de la Maurétanie Tingitane", Rabat 1961.)





pays basque basse-navarre histoire romains fouilles
HAUT AMPHORE FOUILLES 1966
SAINT-JEAN-LE-VIEUX


pays basque basse-navarre histoire romains fouilles
LAMPE ORNEE D'UN AMOUR TIRANT A L'ARC
FOUILLES 1966
SAINT-JEAN-LE-VIEUX





C'est dans ce domaine que les trouvailles devaient être les plus spectaculaires. Deux lampes furent trouvées presque entières, l'une à volutes et bec triangulaire du type II A I et médaillon orné d'un amour tirant à l'arc, l'autre sans bec, médaillon orné d'un silène buvant, toutes deux sans anse. Mentionnons parmi un grand nombre de fragments, un médaillon orné d'une marguerite avec départ d'un bec à volutes, un fragment de médaillon représentant un enfant nu, des fragments représentant des gladiateurs, un chien, 3 becs triangulaires à volutes du type II A I, 2 becs en ogive sans volutes du type II B 3. Toutes ces lampes sont à parois fines. Le lot, dans son ensemble, s'apparente au type II de Ponsich, c'est-à-dire de la fin du 1er siècle avant et du 1er siècle après J.C.




pays basque basse-navarre histoire romains fouilles
LAMPE ORNEE D'UN SILENE A LA COUPE
FOUILLES 1966
SAINT-JEAN-LE-VIEUX



Céramique "sigillée" : la céramique "sigillée" nous donne également des indications précieuses pour la chronologie du site. En effet, sur le nombre relativement réduit de tessons (une centaine), parfois très concassés, nous disposons de trois marques de potier et de quelques formes aisément datables.



Le fait le plus important est la découverte de céramique dite d'Arezzo qui était fabriquée au premier siècle avant J.C. et au tout début du premier siècle après, dans les actuelles villes italiennes d'Arezzo et de Pouzolles. Cette céramique d'un fort beau vernis rouge brillant est décorée en relief. Un certain nombre de fragments de bols et de gobelets, dont un bol orné d'un motif ionien à la barbotine (forme Dragendorf 24/25) bien représentatif de cette industrie, ont été trouvés à Saint-Jean-le-Vieux, trouvaille relativement rare dans une fouille Gallo-Romaine.



Viennent ensuite les productions des ateliers gaulois du midi qui connurent un tel succès dans tout le monde antique qu'ils ruinèrent les officines d'Italie. Montans, tout d'abord, qui fonctionne dès 20 après J.C. De cet atelier fut trouvée une belle marque de potier F A M F sur un grand fragment d'assiette de 16 cm. de diamètre (forme OSWALD LXIV.7).



La deuxième marque en deux lignes VERE CVNDI, sur une petite assiette (13 cm de diamètre) de forme Dragendorf 17, nous donne un second jalon chronologique. Il s'agit très probablement d'une marque de Lezoux bien datée de la période Trajan-Hadrien (98-138), l'atelier de Lezoux commençant à fonctionner à la fin du 1er siècle après J.C. et gardant durant tout le second siècle le quasi monopole de la fabrication gauloise.



La troisième enfin est mutilée... T I M peut être J V S T I M de Lezoux également.



Signalons encore un fragment de bord de coupe orné "à la barbotine" (forme Dragendorf 35/36) et un beau fragment de bol orné au moule de cercles concentriques, parfaitement représentatif de la "Sigillée Hispanique" du 1er siècle après J.C.


Si l'on y ajoute un petit vase orné au moule et partiellement reconstitué (forme Dragendorf 30) l'on jugera de l'extraordinaire diversité de types et de provenances que nous offre ce lot d'une chronologie cohérente tournant autour du 1er siècle après J.C.


Céramique de tradition locale : Signalons, enfin, un bel ensemble de restes de vases de tradition locale à pâte noirâtre et grossière et à bord plat. Ces vases de forme protohistorique ont parfois un engobe rougeâtre sur leur surface externe, ornée au "peigne" dans la plupart des cas. Le grand nombre de fragments de bords récupérés a permis une classification typologique révélant 15 grands types avec de très légères variantes dans le cadre de certains types.



pays basque basse-navarre histoire romains fouilles
MEDAILLON DE LAMPE A L'ENFANT NU
FOUILLES 1966
SAINT-JEAN-LE-VIEUX


pays basque basse-navarre histoire romains fouilles
POINCON DE LEZOUX
FOUILLES 1966
SAINT-JEAN-LE-VIEUX



Le Mobilier divers nous fournit deux indications essentielles. D'abord des tuiles à décor strié provenant d'un conduit mural d'hypocauste à pilettes attestent l'existence d'un habitat évolué. En second lieu une fibule de bronze à charnière du type "cruciforme" courant entre le IIIe et le Ve siècle trouvée au contact du dallage de grès constituant le "sol II" nous porte à considérer les vestiges architecturaux qui viennent d'être mis à jour comme provenant d'une construction du Bas Empire, impression que renforce par ailleurs leur aspect rudimentaire (murs sans mortier).



Mentionnons enfin une boucle de bronze non identifiable trouvée au même niveau que la fibule, deux petits pesons de plomb et de très nombreux gros clous de charpente.



Conclusions chronologiques provisoires.


L'étude stratigraphique du mobilier nous amène à quelques conclusions provisoires :



Le sol 1 situé à —5 cm. est, pour l'instant, indatable ; les seuls indices, quelques petits tessons trouvés dans la mince couche végétale qui recouvre le pavage sont apparemment antiques ; aucun fragment de céramique vernissée (médiévale ou contemporaine) n'a été trouvé jusqu'ici sur ce sol. Il serait cependant hâtif de dater ce sol de l'époque romaine, même tardive. L'on est tenté, à cet égard, de rattacher ce pavage, souvent très usé, à la motte médiévale toute proche et située au même niveau. Nous pourrions être en présence d'une basse-cour médiévale pavée, en rapport avec la construction de la motte. Des hommes, dans l'hypothèse médiévale, auraient arasé les murs romains ruinés, puis remblayé sommairement et posé leur pavage sur ce remblai. Si l'on considère en effet, que nous avons deux états romains superposés, la rareté du mobilier contemporain du deuxième état, trouvé sous un remblai très différencié, semble démontrer qu'une occupation tardive, au Haut Moyen-Age, par exemple, ou même le seul fait que les ruines aient été laissées à l'abandon jusqu'à l'édification du pavage médiéval (au XIe ou XIIe) auraient fait disparaître d'appréciables témoins. Par contre, l'abondance du mobilier trouvé dans la couche romaine la plus ancienne et la forte couche d'incendie, parle dans le sens d'une reconstruction immédiate après une catastrophe (incendie ou dévastation), que nous devrions pouvoir situer assez précisément.



En résumé, si le mobilier (amphore de type italique, "sigillée" d'Arezzo, lampes du type II A) atteste un début d'implantation romaine à Saint-Jean-le-Vieux au plus tôt dans la deuxième moitié du premier siècle avant J.C., il nous est impossible, pour l'instant, de replacer avec précision dans la chronologie, les états romains successifs que l'étude stratigraphique semble nous indiquer. Mais bien que très limitées les fouilles entreprises durant la campagne de 1966 nous permettent de conclure dès maintenant à une apogée de l'établissement romain à Saint-Jean-le-Vieux, sous les dynasties Julio-Claudienne et Flavienne.




pays basque basse-navarre histoire romains fouilles
FIBULE DE BRONZE
FOUILLES 1966
SAINT-JEAN-LE-VIEUX


pays basque basse-navarre histoire romains fouilles
BOUCLE DE BRONZE ET PESONS DE PLOMB
FOUILLES 1966
SAINT-JEAN-LE-VIEUX



Intérêt historique du site.


La datation de cette implantation romaine à Saint-Jean-le-Vieux, pose un certain nombre de problèmes historiques et jette quelques lueurs sur une région pour laquelle nous sommes presque totalement privés de sources tant littéraires qu'archéologiques. Si l'on se réfère aux études du contexte historique immédiat, c'est-à-dire aux travaux sur l'histoire de la conquête romaine en Espagne, une première indication est fournie par l'article que consacre à cette question M. Pedro Bosch Gimpera dans l'"Histoire d'Espagne" dirigée par Menéndez-Pidal. Il écrit à propos de la fondation de Pampelune par Pompée en 75 av. J.C. : "... cette ville à l'origine poste militaire, protégeait la route qui, traversant les Pyrénées à Roncevaux, arrivait de Gaule et par où évidemment Pompée recevait ses ravitaillements"... Il faudrait donc supposer qu'à cette époque existait déjà une route, ralliant par la Gaule la Narbonnaise alors conquise, qui traversait des régions suffisamment soumises ou du moins tenues, pour que l'on se risque à y faire passer des convois de vivres.



Dans ce contexte, Saint-Jean-le-Vieux, ou plutôt Imus Pyreneus, (puisque tout semble prouver que nous tenons ce site), serait-il en rapport avec cette période d'occupation ? Poste militaire à l'origine (le camp a un aspect résolument fortifié), dans une région peu sûre, destiné à protéger la voie descendant du col de Roncevaux, il a pu devenir un véritable "cursus", station bien aménagée sur une route dont le trafic allait augmentant après que les campagnes de Crassus, en 56 av. J.C. et de Valérius Messalla en 28 av. J.C. aient définitivement pacifié l'Aquitaine.



Sous le Haut Empire avec la Pax Romana et à mesure que s'organisait la colonisation, ce "cursus" a pu prendre une certaine importance et s'étendre hors de l'enceinte. Les tuiles de canalisation d'hypocauste prouvent assez l'existence de résidences bien équipées et très différentes de celles dont nous avons retrouvé les vestiges. Ce développement peut être relié en partie à l'activité économique suscitée par l'exploitation probable de mines de cuivre et de fer à Banca et à Saint-Etienne-de-Baïgorry où l'on a trouvé les traces monétaires d'une occupation du premier siècle après J.C.7.



Si Imus Pyreneus connut les ravages des premières vagues barbares (Francs et Alamans) qui traversent la Gaule et l'Espagne entre 260 et 270, le site semble renaître de ses ruines, car on le trouve mentionné dans l'Itinéraire d'Antonin daté de Dioclétien (284-305). Par contre, si l'on perd sa trace dans la Carte de Peutinger (IVe siècle), qui mentionne pourtant Summus Pyreneus et Carasa, il est imprudent sur cette seule donnée de conclure à un effacement complet à cette époque.



Des fouilles entreprises sur la totalité du camp et étendues aux environs (nécropole déjà située et étude de la voie), devraient nous apporter des indices appréciables, utiles à la recherche historique dans une région jusqu'ici tellement défavorisée."


Nous tenons à remercier vivement Monsieur et Madame Jean Gayon, de Biarritz, ainsi que Monsieur Bruno Clochette de Bayonne, sans le concours desquels ces recherches n'auraient pu être possibles.

Nos remerciements vont aussi à Mesdemoiselles Sallaberry de Saint-Jean-le-Vieux, pour le charmant accueil qu'elles nous ont réservé.









Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 900 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire