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jeudi 5 septembre 2024

UNE FÊTE BASQUE À PARIS LE 10 FÉVRIER 1929 (deuxième partie)

UNE FÊTE BASQUE À PARIS EN 1929.


Les Basques de Paris organisent fréquemment des fêtes et ils sont nombreux à y participer.



paris autrefois fête basque
THEÂTRE MARIGNY CHAMPS ELYSEES PARIS


Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 11 février 1929, sous la plume d'André 

Levinson :



"Au Théâtre des Champs-Elysées.

Une Révélation : Les Danses Basques.



Cette Fête Basque, qui s'est déroulée au Théâtre des Champs-Elysées, devant une assistance charmée, applaudissant et riant tour à tour, de surprise ravie, il convient de la ranger parmi les événements artistiques de la saison. J'en sortis enchanté, intrigué, comblé de notations précieuses, et à un tel point envahi d'hypothèses, rapprochements, rêveries, que, pour un peu, je pourrais, en parodiant M. Prudhomme, appeler ce spectacle le plus beau jour de ma vie.



Mais soyez sans crainte : je vous épargnerai toute dissertation sur les origines, le type ethnique, le langage de la mystérieuse race cantabre et me garderai bien d'ouvrir le grand Larousse à l'article "basque" et d'y puiser des vers de Molière ou d'anciens dictons qui vantent l'agilité de ce peuple de montagnards, rompu à la marche, prompt à l'escalade ! Certains théoriciens ne font-ils pas dépendre les pas mêmes et les caractères de la danse populaire dans les différents pays de la configuration du terrain, l'Alpe, la plaine, la forêt ?



En présence et sous l'impression des réalités émouvantes, la description des faits se substitue forcément à ces discussions à perte de vue. Mais cette description n'a-t-elle pas déjà été faite, il y a un siècle et plus, par Don Juan Ignazio de Iztueta, le plus érudit des gentilshommes, dans un livre fameux ? Avez-vous lu Baruch ? Alors, vous êtes plus fort que moi ; je n'entends pas le basque et, sauf pour la musique avec ses insidieux airs à 5 temps, les Guipuzcoaco dantza restent un grimoire pour moi. Les "textes" de ces danses, recueillis par cet amateur éclairé, ont été, il est vrai, publiés en français. A comparer ce que nous avons pu tirer de cette incomplète lecture aux danses que nous présentèrent, l'autre soir, les deux équipes des Basques de France et les deux équipes des Basques d'Espagne, la tradition déjà ancienne aux temps d'Iztueta, semble s'être conservée intacte quant aux motifs, formes, rythmes et pas.


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PORTRAIT DE JUAN IGNACIO DE IZTUETA 
PAR GASPAR MONTES ITURRIOZ
MUSEE ZUMALAKARREGI


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LE LIVRE DE BARUCH
PAR BARUCH BEN NERIA



Chacun des deux "corps de ballet" rivaux se trouvait composé de deux groupes de huit hommes, à l'exclusion de tout élément féminin, accompagnés par leurs bandes de tambourineurs, tenant d'une main leur clarinette et maniant de l'autre la baguette de leur tambour. Malgré la communauté de la race et maintes affinités dans les thèmes et les accessoires, on danse différemment sur chaque versant des Pyrénées. Du côté français, chaque entrée se présente surtout comme un exercice d'agilité dont les difficultés sont enlevées avec une élégante aisance. Légèreté, dextérité gymnastique et rythmique, telles sont les vertus de ces jeux rustiques. C'est d'abord un quadrille de huit qui danse. Endimanchés avec discrétion, coiffés et ceints de rouge, vêtus uniformément de blanc avec pantalons longs et souliers plats, des flots de rubans tombant sur leurs épaules, ces jeunes hommes jouent des jambes, le torse rigide, deux bâtonnets dans les mains. Ils défilent, puis doublent les rangs et "gambillent" par couples se faisant face ; petites glissades latérales, légères torsions du genou qui font virer le bas de la jambe, c'est surtout par l'ensemble impeccable, par l'isochronie de l'accent battu simultanément par huit semelles, que plaisent ces contredanses dont les figures rappellent celles des Morris-dances anglaises.



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MORRIS DANCERS



Mais quelle différence aussi entre les grands garçons blondasses et osseux qui trottent flegmatiquement leurs scoord-dances du Northumberland ou du Yorkshire, et la distinction nerveuse et racée des Basques ! Brisant leur alignement militaire, ils se déploient en une sinueuse farandole, enchaînée par des mouchoirs de couleur ou, formant file, s'exercent à des rythmes syncopés, s'arrêtant subitement sur une croche et repartant de l'autre pied dans un mouvement modifié. Puis, ce sont deux spécialistes qui inscrivent leurs pas serrés dans les angles adjacents de deux bâtons disposés en croix à terre.



Avec le groupe des masques, nous passons à des tours d'adresse et d'équilibre basés sur une technique très développée du saut et de la batterie, technique qui confine à la maîtrise. Le pittoresque des costumes et travestissements culmine dans le personnage du cavalier portant sur les hanches des "tonnelets" ou paniers qui figurent sa monture. Chacun d'entre les masques exécute un solo sauté avec une rare prestesse autour et au-dessus d'un verre d'eau posé sur le sol et dont pas une goutte ne s'épanche. Malgré la différence entre les pas d'école et les prouesses aériennes des Basques, on ne saurait mieux décrire leurs temps sautés et croisés en l'air qu'en termes de ballet, car ils sont formés, ces temps, de jetés-battus, de changements de pied et d'entrechats plus ou moins enlevés et passés non la pointe basse, mais le pied posé à plat. Et ces danseurs populaires dominent à un tel point les contractions et détentes de leurs muscles assouplis que le "cheval" et d'autres après lui, exécutent des ronds de jambes un pied posé sur les bords du verre d'eau en véritables équilibristes. Et quels ne sont pas l'assurance et l'agrément apportés à ces acrobaties et brillantes fioritures ! Le divertissement villageois touche, par moments, aux raffinements les plus ardus de la danse théâtrale.



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ZAMALZAIN
DESSIN DE JACQUES LE TANNEUR



Néanmoins, notre saisissement est plus profond lors de la parade, du salut et de la danse des sabres de la compagnie biscayenne, arborant le gilet de laine brun et les genouillères à clochettes. Leurs danses sont des pyrrhiques, des simulacres de combat, et cette donnée primitive du drame guerrier apparaît chez eux avec la même énergie farouche qui pénètre leur saltation. Dans ce ballet martial ou, si l'on veut, dans cet assaut chorégraphique, danse et mime, gambades, tours, bottes et parades, appels de plantes et cliquetis d'ezpata, se mêlent et alternent avec une ardeur disciplinée, mais intense. Cela commence par l'exercice de la lourde bannière avec laquelle jongle le capitaine ; le maniement du drapeau est un art qui survit également à Naples et dans le Tyrol. Les pas de danse proprement dits se réduisent à l'enchaînement, spécifiquement basque, d'un rond de jambe à terre suivi d'un brusque dégagé de l'autre jambe jusqu'à la hauteur des yeux ; dans la Makil Dantza le gourdin remplace le sabre ; et la mêlée stylisée reprend avec la même ivresse contenue et le plus absolu synchronisme dans l'attaque et la riposte. Les gladiateurs de la province de Biscaye cultivent pieusement une coutume ancestrale transmise de père en fils. Les amateurs gipuskoans groupés en une Académie du baïle s'appliquent à restaurer un genre tombé en désuétude. C'est une espèce de félibrige que professent ces citadins de Saint-Sébastien ! Le combat à l'arme blanche est simulé par eux au moyen d'accessoires moins menaçants, purement symboliques, la baguette et les Palos grandes, bâtons longs ; bêches et arceaux donnent à d'autres d'entre leurs entrées un caractère idyllique et pastoral. Le gros de leur troupe ne fait que s'escrimer en mesure et jongler avec ces objets inoffensifs ; un unique virtuose, espèce de nain prodigieusement souple, prélude par une danse à ces figures de cotillon. Ce protagoniste fait preuve d'un métier très poussé ; sa manière d'enlever un pas de basque en tournant, ses tours en l'air, provoquent l'étonnement. Chez lui, toute donnée figurative disparaît ; ces pas ne représentent aucune action, mais accomplissent, plutôt, "l'acte pur des métamorphoses".



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MAKIL DANTZA
DESSIN D HOMUALK



Il me faut conclure, et je crains déjà qu'il n'en tarde au lecteur ; mais tout en ajournant l'examen raisonné de ce que je viens de décrire très sommairement, il me faut mentionner encore cette scène de la procession, jouée par les membres de la Société Saski-Naski, et où un "jongleur" portant redingote, un drapeau dans une main et son gibus dans l'autre, fait ses dévotions à saint Pierre en dansant sur la plateforme d'un brancard porté sur les épaules par ses camarades, artisans et calicots basques consacrant leurs loisirs à l'art de leur terroir. La conviction naïve que respirent les recherches de ces "clercs de la basoche" leur gagne, d'emblée, toutes les sympathies."



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DANSE KAXARRANKA
GROUPE BI HARRI



A suivre...



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