Libellés

samedi 28 septembre 2024

STRUCTURE DE LA LANGUE BASQUE EN 1938 (deuxième et dernière partie)

 

STRUCTURE DE LA LANGUE BASQUE EN 1938.


Le Basque (euskara) est  la langue d'Europe occidentale la plus ancienne in situ.

Elle était appelée aquitain, dans l'Antiquité et Lingua Navarrorum (langue des Navarrais).  




pais vasco lengua euskara academia
EUSKALTZAINDIA 1927
Par Juan San Martin — http://www.guregipuzkoa.net/photo/9758, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9773496



Voici ce que rapporta à ce sujet Georges Lacombe dans le bimensuel Revue des Cours et 

Conférences, le 15 juin 1938 :



"Structure de la langue basque par Georges Lacombe.

... Nombre. — Il y en a deux, le singulier et le pluriel. On retrouve pas la moindre trace d’un duel, pas plus dans les pronoms personnels que dans la conjugaison. Le pluriel se marque par le suffixe -k, reposant vraisemblablement sur un ki, lequel n’est pas attesté.



Genre. — En principe, il n’y en a pas (et ceci, soit dit en passant, facilite singulièrement l’apprentissage de l'euskara). Un Basque dira couramment "ce femme, il est beau", ou "Madame il est sorti". Toutefois, sous l’influence du roman, les dialectes du nord-est ont forgé un féminin dans certains cas avec l’aide d’un suffixe emprunté : c’est ainsi qu’à côté de okhin "boulanger" on aura okhin-tsa "boulangère" et de même zapatain "cordonnier" et zapatain-esa "cordonnière". Il y a également un genre dans le verbe, mais il n’indique jamais celui de la personne qui parle, mais exclusivement, dans certains cas bien définis, le sexe de l’interlocuteur ou de l’animal à qui l’on parle.



Déclinaison. — Elle s’exprime uniquement par des suffixes. Il y a des cas agrammaticaux et des cas à valeur concrète. Nous ne pouvons en mentionner que quelques-uns. Le nominatif est caractérisé par la désinence zéro : gizona dator "l’homme vient". Le vocatif n’en diffère que par l’accent. Quant à l'accusatif, il n’existe pas, le verbe basque étant conçu passivement : "le père bat l’enfant" est rendu par "l’enfant est battu par le père". Ce "par le père" est exprimé par le suffixe de l’ergatif -k, identique à celui du pluriel. Il y a deux génitifs, l’un en -en, que l’on pourrait appeler "possessif", et l’autre en -ko, que l’on pourrait appeler "relatif" (contraste entre etsea-(r)en jabea "le propriétaire de la maison" et etse-ko nagusia "le maître de la maison". Il est à noter que le premier de ces suffixes peut s’unir aussi bien au nom défini qu’à l’indéfini et que le second ne s’adjoint jamais qu’à l'indéfini. Le locatif, exprimé par -n, semble de la même origine que le -en du génitif possessif. Quant au natif, il est exprimé par le suffixe -i. Le comitatif (que l’on a nommé aussi "unitif" et "sociatif"), on le rencontre sous les formes les plus variées : -kien, -kin, -ki (et aussi -kilan -kila). Il signifie "en compagnie de" : emaztea-re-kin "avec la femme", "en compagnie de la femme". Le biscaïen possède un autre suffixe pour exprimer la même idée : -gaz ou kaz. — Nous ne pouvons que signaler divers autres cas, l’instrumental (-z), l’allatif (-ra et ses variantes), l'ablatif (-tik) et le prolatif (-tzat, -tako), etc. Ce qui est essentiel à noter, c’est que, comme dans d’autres langues, on peut accumuler les suffixes, ce qui donne au basque une très grande concision : dans une chanson populaire on trouve maitiaganik etcherakuan : ces deux mots, affectés chacun de plusieurs suffixes, signifient à eux seuls "venant de chez la bien-aimée (et) allant à la maison."



Verbe. — On a beaucoup écrit sur le verbe basque, qui a ainsi donné lieu à une foule de théories. Nous nous bornerons à quelques indications.


Le basque distingue profondément le nom du verbe, comme il arrive dans les idiomes où la caractéristique grammaticale fait corps avec le mot, et la flexion nominale diffère beaucoup de la flexion verbale. Cependant, il y a, entre le nom et le verbe, des intermédiaires : ainsi pour ebil-tz-a "la marche, le fait de marcher", car la marche est envisagée ici non comme une action, mais comme une chose. Quoi qu’il en soit, ce qui frappe quiconque étudie la conjugaison basque, c’est l’extraordinaire multiplicité des formes qu’elle présente. Mais s’il est vrai que les traitements dits "allocutifs" compliquent l’édifice verbal, on peut faire à ce sujet deux remarques : d’abord que, dans le langage des gens qui ne savent ni le français ni l’espagnol, l’auxiliaire est sous-entendu chaque fois que le sens est suffisamment clair, ensuite que la façon de noter les formes et la fréquente obscurité des éléments qui les composent sont pour beaucoup dans la croyance à cette multiplicité.


Tel qu’il existe au jourd’hui, le verbe basque est périphrastique : exemple ebiltzen naiz "je marche", où naiz signifie "je suis" et ebiltzen (nom au locatif indéfini) signifie "en marche". Mais à côté de cette conjugaison, il y a — mais elles perdent du terrain tous les jours — des flexions fortes non périphrastiques telles que nabil "je marche" qui représentent un stade plus ancien. Entre ces deux conjugaisons, il y en a une intermédiaire, composée d’un auxiliaire et d’un nom ou adjectif en principe invariable, par exemple nahi niz (dialecte souletin) "je veux" (mot à mot "je suis volonté ou voulant.")


Les auxiliaires sont en assez grand nombre et varient selon les temps et les dialectes : c’est ainsi que le biscaïen emploie egin "faire" là où le basque central et oriental se sert de izan "être". En ce qui concerne les différents temps, on en a compté jusqu’à cent quatre, mais il va sans dire qu’aucun parler ne les possède tous à la fois. Autant qu’on peut en juger, quand on a affaire à une langue connue à date aussi récente que l’euskara, on est en droit de conjecturer qu’à date ancienne il n’y avait, l’impératif mis à part, que trois temps : un présent (nator "je viens"), un prétérit (nentorren "je venais") et un futur à sens très vague (natorke "je viendrai, je viendrais, je pourrai venir"). Le contact permanent avec le latin d’abord, puis le français, le gascon, l’espagnol— car il ne faut pas oublier que les Basques cultivés ont toujours été bilingues et quelquefois trilingues — aura produit des formes périphrastiques, telles que ebili naiz "j’ai marché" et petit à petit la périphrase aura envahi le présent, le prétérit, le futur. On peut donc dire ici, mutatis mutandis, ce que MM. Sauvageot et Dumézil ont respectivement affirmé concernant le verbe finnois et le géorgien. 


Une des acquisitions les mieux établies de la linguistique basque contemporaine est celle de la passivité du verbe basque. Ainsi que nous l’avons dit précédemment, c’est à Fr. Muller que l’on doit cette découverte (Grundriss der Sprachwissenschaft, 1885). Le verbe izan s’emploie à la fois dans le sens de "être" et "avoir" dans cinq sur huit des dialectes basques. Les trois autres, à l’imitation de l’espagnol, ont adopté pour "avoir" ukan ekun", etc., qui signifiait "tenir". Nous avons là un nouvel exemple, de l’action des idiomes voisins.


Parmi les particularités de la conjugaison basque, il faut citer les traitements allocutifs. Ils sont au nombre de cinq. Il y a des formes indéfinies, respectueuses, diminutives, tutoyantes masculines et tutoyantes féminines. Il va sans dire, d’ailleurs, qu’aucun parler ne possède à la fois toutes ces façons de s’exprimer : c’est ainsi que dans les dialectes d’Espagne (sauf en salazarais et en roncalais) les formes dites indéfinies servent aussi de formes respectueuses et que le traitement "diminutif", employé surtout quand on parle à des enfants ou à des personnes qu’on aime particulièrement, a une aire très restreinte.



Conclusion. — Nous avons énuméré un certain nombre de caractéristiques de la grammaire euskarienne. Faut-il maintenant tenter de classer le basque dans un type linguistique déterminé ? Cela nous parait impossible. Toutes les classifications morphologiques sont, en effet, prématurées, car, sur les deux mille et quelques langues qui se parlent sur la surface de la terre (sans compter celles qui sont mortes), c’est à peine si le dixième d’entre elles environ ont été très sérieusement étudiées. Il faut espérer que les progrès continus de la science permettront un jour une classification plus précise que celles qui ont été proposées jusqu’à présent, encore que l’extrême variabilité des langues au cours de leur évolution, d’une part, l’arbitraire inévitable de tout classement, d’autre part, ne permettront jamais de faire entrer les langues dans des cadres rigoureusement définis."




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 900 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire