STRUCTURE DE LA LANGUE BASQUE EN 1938.
Le Basque (euskara) est la langue d'Europe occidentale la plus ancienne in situ.
Elle était appelée aquitain, dans l'Antiquité et Lingua Navarrorum (langue des Navarrais).
EUSKALTZAINDIA 1927 Par Juan San Martin — http://www.guregipuzkoa.net/photo/9758, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9773496 |
Voici ce que rapporta à ce sujet le linguiste, bascologue, Georges Lacombe dans le bimensuel
Revue des Cours et Conférences, le 15 juin 1938 :
"Structure de la langue basque par Georges Lacombe.
Il importe, avant tout, de définir ce qu’il faut entendre par "langue basque". Certes, cette expression est commode et il faut continuer à l’employer, mais elle ne correspond pas à la réalité. Il y a bien eu un temps où il existait un langage sensiblement un dont le basque ou euskara est le représentant actuel, mais aujourd'hui nous nous trouvons en présence, dans quelques cantons français et quatre re provinces d’Espagne, d’un grand nombre de parlers sensiblement différents les uns des autres, si bien qu’un Bas-Navarrais oriental du pays de Mixe par exemple ne comprend guère un Biscayen occidental. Et, cette diversité dialectale est telle, qu’il est impossible d’énoncer une phrase quelconque de deux mots seulement qui soit identique partout. Pour donner une idée de ces divergences, nous nous bornerons à quatre exemples, deux pris dans la conjugaison, et deux dans le vocabulaire. "Nous sommes" se traduit d’une douzaine de façons, et en prenant les formes qui se ressemblent le moins, nous aurons garade et gii, prononcé gi quelquefois : les deux mots n’ont de commun que l’initiale. De même "il me l'a" se dira de nombreuses manières et notamment daut (aboutissement d’un ancien daraut, attesté en vieux labourdin), alors que les plus anciens textes guipuscoans nous donnent déjà dit, forme extrêmement évoluée, usitée encore de nos jours. "Lune" se dit, suivant les localités, ilargi, argizari, goiko, etc. : ces termes n’ont rien de commun. Enfin, pour "front" nous avons kopeta, bekoki, belar, boronte et leurs variantes. De tout cela on peut conclure que l’expression "langue basque" n’a pas de sens plus précis que l’expression "patois gallo-romains" ou "langues Scandinaves".
Il est bon de constater du reste que cette absence d’unité permet d’appliquer les méthodes de la grammaire comparée et compense, dans une faible mesure il est vrai, l’inconvénient qui résulte du fait que le premier livre euskarien ne date que de 1545.
LIVRE LINGUAE VASCONUM PRIMITIAE DE BERNARD D'ETCHEPARE 1545 |
Il est impossible, dans la durée normale d’une conférence, de donner un aperçu, même rapide, de toute la structure d’une langue. Aussi nous bornerons-nous à parler d’un certain nombre de catégories agrammaticales. Nous aborderons successivement l’article, les démonstratifs, les pronoms personnels, la numération, le nombre, le genre, la déclinaison et le verbe.
Article. — Le basque possède deux articles, le déterminé et l’indéterminé. Le déterminé -a est, de nos jours, postposé (gizon "homme", gizona "l’homme"). Néanmoins, il n’en a pas toujours été ainsi : nous en avons diverses preuves : dans aurten "cette année", le -a est l’article, de même dans auri "pluie" (forme recueillie au siècle dernier à Puente-la-Reina). Ce fait (et bien d’autres) prouve que le basque n’est pas autant qu’on l’a dit une langue à suffocation : aujourd’hui encore les préfixes abondent dans conjugaison : c'est ainsi que dans nago "je suis, je demeure", le n- n'a pas plus d'autonomie que le j du français "j’aime". Cet article déterminé était anciennement -ar, vestige du démonstratif très éloigné har- < *kar < *gar. On peut signaler en deuxième lieu un second article déterminé, disparu maintenant, mais dont on trouve des traces chez les vieux auteurs, notamment dans Liçarrague (1571) : c’est -or (seme gaztenor "le fils le plus jeune"). Nous avons affaire ici à un reste d’un démonstratif moins éloigné. Quant à l’article indéterminé, c’est bat "un", qui est le nom de nombre usuel. Cependant Liçarrague emploie toujours pour indiquer cette notion le pronom indéfini, zembait.
LIVRE NOUVEAU TESTAMENT DE JEAN DE LICARRAGUE 1571 |
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