TROUBLES AUX ALDUDES EN 1830.
En 1830, la commune des Aldudes est peuplée d'environ 2 300 habitants et est administrée par le Maire M. Charles Schmarzow.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Messager des Chambres, le 22 juin 1830 :
"Sur les troubles aux Aldudes.
La commune des Aldudes est bâtie dans les Pyrénées sur un terrain indivis ou communal entre la France et l'Espagne. Les vallées espagnoles de Valcarlos, Erro et Bastan, jouissent du pacage de ce sol conjointement avec la vallée de Baïgorry. Le gros et menu bétail de ces vallées, tant que les montagnes des Aldudes ne sont pas couvertes de neige, y jouit du droit de pacage, et il existe une ligne de démarcation d'une vallée à l'autre qui sert de guide aux deux parties, les bestiaux y paissent depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, et pendant la nuit chacun se retire sur son territoire respectif. Il y a eu de tout temps des différends et des contestations entre les vallées espagnoles et celle de Baïgorry. Le motif est que celle-ci a augmenté progressivement en population et en produits de détail, et que par conséquent elle jouit de plus de pacage que les vallées espagnoles.
Il existe un traité fait en 1703, à Madrid, entre M. le marquis de Laguna pour l'Espagne, et M. le comte de Wenceslar, ambassadeur de S. M. T. C., pour la France, concernant ce territoire. Il y est spécifié que les quatre vallées jouiront des pacages de ce sol, et que leur bétail y aura le droit de parcours ; mais il ne sera permis à aucun habitant de ces vallées d'y bâtir ni des bergeries ni des maisons d'habitation. Ce terrain s'étend depuis les limites de la fonderie ou Banca, commune française, jusqu'à Heuguy, commune de la vallée d'Erro, et depuis les limites de la vallée de Valcarlos jusqu'à celles de la vallée de Bastan ; son étendue est donc d'environ six lieux communes de France de long sur trois de large. Ce pays était anciennement couvert de forêts, et aujourd'hui il n'y a que très peu d’arbres, mais un excellent et très abondant pâturage. Ce territoire nourrit environ 30 000 têtes de gros et menu bétail ; il est connu sous le nom des Aldudes ou pays Quint, ce qui signifie pays indivis.
CARTE FRONTIERE LABOURD GUIPUSCOA 1785 |
Quoiqu'il fut défendu par le traité mentionné ci-dessus de bâtir ni bergeries, ni maisons d'habitation, et qu'il n'y eût de toléré que des cahuttes pour mettre les pasteurs ou bergers à l'abri d'un coup d'orage, les Espagnols, d'accord sans doute avec les Baïgorriens, commencèrent à bâtir des maisons. Ils choisirent le terrain le plus propice à cet effet ; il existe encore aujourd'hui douze de ces maisons aux Aldudes qui y conservent les droits de sujets espagnols. Les maisons de Inda dit Percain, Laasa, etc., etc. sont connues comme des habitations dont les propriétaires sont sujets de l'Espagne. Les Baïgorriens, qui depuis 80 ans ont plus que doublé leur population, y ont bâti de même des maisons d'habitation et s'y sont établis. En 1792, on y comptait 1 600 communians et on peut affirmer que ce nombre n'a pas diminué depuis lors. Comme la masse de la population était française, les Aldudes devinrent communes françaises. Les douanes françaises et espagnoles y ont exercé alternativement ; mais on en a reconnu l'abus de part et d'autre, et il n'y en a pas plus aujourd'hui ; mais le prêtre qui dessert l'église est français et dépend du diocèse de Bayonne.
Vers 1748, quelques habitans de Burguete près Roncevaux, se permirent d’exercer des voies de faits sur les aldudiens, à cause du charbon que l'on faisait dans les forêts du pays indivis. Ceux-ci , peu endurans, se levèrent en masse, et après une affaire assez sanglante, brûlèrent Burguete ; cet acte fut suivi de représailles. Les gouvernemens de France et d'Espagne résolus de mettre un terme à ces dissensions, nommeront dix commissaires pour établir une ligne de délimitation entre ces vallées : M. le général Caro fut nommé par la cour de Madrid et M. le vicomte d'Ornano par la France. Les Aldudiens furent tellement bornés par les limites de ce traité qu'il s’éleva de nombreuses réclamations. Le nom d'Ornano est encore en exécration dans ces montagnes. Les états de la Basse-Navarre adressèrent des remontrances au parlement de Pau qui protesta formellement contre cette délimitation inconvenante, consentie par un commissaire du roi de France. Cette convention ou traité demeura sans exécution et les choses en restèrent là. Les dispositions du traité de 1703 continuèrent à être exécutées pour ce qui regardait le parcours du bétail des quatre vallées espagnoles et françaises.
GENERAL DON VENTURA CARO |
Le traité de paix signé à Bâle en 1795, entre la France et l’Espagne, mit ordre à la délimitation de Caro et Ornano.
En 1793, les Aldudiens, égarés par le prêtre Inda dit Percain, au moment de la guerre qui éclata entre les deux puissances, se soulevèrent contre la France et se déclarèrent pour l'Espagne, en venant incendier la fonderie de Banca. Ils organisèrent une compagnie franche de cent cinquante jeunes gens, qui eut pour chef le frère de ce prêtre et qui était à la solde d'Espagne. Elle fit la guerre avec la légion des émigrés français, commandée par le marquis de Saint-Simon qui vint occuper les Aldudes ; et cette commune, qui commençait à prospérer, fut anéantie en un seul jour ; toutes les maisons furent incendiées après un combat de plusieurs heures entre ce corps de transfuges français et les troupes de la république. Toute la population aldudienne qui ne fut pas massacrée interna en Espagne. Avant que la guerre fut terminée, le gouvernement français d’alors fit des tentatives pour ramener ces malheureux sur le sol natal, et ils étaient sur le point d'y revenir, lorsque le prêtre Inda fit prendre des mesures de rigueur pour les en empêcher. Cependant à la paix ces malheureux vinrent relever leurs foyers abattus, et depuis cette époque le nombre de leurs maisons a considérablement augmenté.
Comme peuple pasteur, les Aldudiens vivaient dans une médiocre aisance, lorsque, sous le prétexte de quelques contestations qui se sont élevées au sujet de la forêt de Hayra, enclavée sur le territoire Quint ou indivis, et dans laquelle on a voulu faire du charbon pour les forges de Banca, le gouvernement français a décidé fort légèrement en 1826 que le traité d'Ornano serait exécuté dans toutes ses dispositions. Cette décision a enlevé aux Aldudiens le moyen de nourrir leurs nombreux troupeaux, et les a forcés d'acheter à la vallée de Bastan le droit de pacage. L’administration a fait des représentations à la suite desquelles les cabinets des Tuileries et de Madrid ont nommé des commissaires. M. Gleize, chef de bataillon du génie, pour la France, et don Joquin Buyona, pour l'Espagne, se sont réunis à Arneguy, commune située près Saint-Jean-Pied-de-Port, entre la France et l'Espagne, pour entendre les réclamations des habitans des vallées de Cize et d’Aëllon, entre lesquels il existe aussi depuis plusieurs années des contestations sérieuses. Les Baïgorriens et les Aldudiens n’ont négligé aucun moyen pour faire entendre leurs justes réclamations à l'autorité supérieure, mais leurs plaintes n’ont pas été écoutées.
BLASON DES ALDUDES BASSE-NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans l'impossibilité où ils sont de pouvoir continuer à payer aux Bastanais ce droit de pacage, qui leur coûte depuis trois ans plus de 19 mille francs, et n'ayant d'autre ressource pour vivre que leurs troupeaux, ils ont pris le parti de prendre les armes pour soutenir leurs droits incontestables. La première démarche qu’ils ont faite a été de faire constater, par une promenade militaire, la limite jusqu'où s'étendent leurs droits de pacage, et la seconde a été de notifier aux vallées de Bastan, Erro et Valcarlos que depuis 1827, par respect et déférence pour l'autorité et pour un bien de paix, ils se sont soumis à compter de l'argent pour avoir le pacage de leurs troupeaux dans le pays Quint ; mais qu'à l'avenir ils sont résolus à soutenir leurs droits et leur propriétés aux dépens de leur vie, et de repousser la force par la force, jusqu'à ce que les gouvernemens de France et d'Espagne aient prononcé sur les contestations qui se sont élevées de part et d’autre.
La vallée de Baïgorry compte environ 4 600 hommes en état de porter les armes, 1 200 jeunes gens, dont un grand nombre ont servi, sont dans ce moment sous les armes, bien décidés et déterminés à défendre leur sol et leurs familles. De grands malheurs peuvent arriver si les autorités des deux pays ne s'entendent pas pour terminer ce différend. Le gouvernement espagnol a fait avancer des troupes jusqu'à Val-carlos (extrême frontière), et menacent de faire saisir le bétail aldudien qui se trouverait hors des limites tracées par la convention ou traité de Caro et Ornano.
Un député de la vallée de Baïgorry est à Paris depuis plus d’un an pour faire des représentations au gouvernement. Un autre député des vallées de Cize et d’Aellon se trouve aussi depuis quelque temps pour réclamer l'exécution des traités que les habitans des frontières espagnoles violent en enlevant les troupeaux français. M. le préfet des Basses-Pyrénées n'ignore rien de ce que renferme cette note.
CARTE FRONTIERE FRANCE ESPAGNE 1642 |
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