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jeudi 15 août 2024

UNE HISTOIRE DU BÉRET "BASQUE" EN 1930

UNE HISTOIRE DU BÉRET "BASQUE" EN 1930.


Le béret a une histoire très ancienne car on trouve sa trace, près de 2 000 ans avant le Christ, dans un bas-relief découvert en Sardaigne, représentant des hommes coiffés de bérets.



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BRET CHIC EL RAMUNTCHO
ROI DES PAYS BASQUES



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Temps, le 24 mars 1930 :



"Etudes et enquêtes 

L'activité de nos régions montagneuses.

Le béret basque.



Au moment d’aborder en détail l’étude économique des Pyrénées françaises, il nous est apparu que quelques notes sur une des particularités vestimentaires de ces provinces du Sud-Ouest en formeraient l’agréable prélude. La vogue croissante et pour ainsi dire universelle du béret basque, adopté par les "as" du sport, les littérateurs à la mode, les jolies femmes, les artistes, et par tous ceux qui en ont découvert la commodité et l’agrément, méritait cet honneur, car nos provinces pyrénéennes en ont su développer, jusqu’à la perfection, la grande fabrication. 



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JUANA DE IBARBOUROU



Cette coiffure, ajustée et souple, remonte à bien des siècles. Il semble qu’elle faisait partie d’un ornement sacerdotal brun ou rouge foncé, qu’au temps de saint Cyprien, évêque de Carthage, martyrisé en 258, on nommait birrhium



La racine de ce mot devrait être recherchée dans le mot grec "purron" (brun) transformé par les Latins en birrus, byrrhus, birrum, dont le bas latin fit birretum, beretum



Aux temps médiévaux, suivant le "glossaire du vieux français" de du Cange, le mot se mua en birette. D’après les savants auteurs du dictionnaire de Trévoux, si justement en faveur au dix-huitième siècle, le birrhium du troisième siècle couvrait la tête et les épaules. Quand on le rapetissa aux dimensions d’un petit bonnet, on employa un diminutif et ce serait ainsi que le birrhium devint le birretum. En tout cas la birette se trouve dans les textes français du quatorzième siècle. 



Les Provençaux, amoureux d’un verbe plus sonore, comme les Italiens, prononcèrent berreta, les Espagnols birreta, les Catalans baret et Littré, en 1874, admet les deux orthographes modernes béret et berret, en donnant la définition suivante "toque de laine, ronde et plate, qui sert de coiffure aux paysans basques". 



L’édition de 1930 du Larousse du vingtième siècle est plus explicite. Elle dit : "Espèce de toque ronde et plate que portent notamment les Béarnais, les chasseurs alpins, les étudiants, les enfants."




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CHASSEUR ALPIN AVEC BERET



Cette définition, en étendant les victoires du béret, retarde cependant déjà, car il n’est plus de catégorie sociale, en France comme à l’étranger, qui y soit demeurée rebelle. Sans qu’il soit possible de déter miner les circonstances dans lesquelles le birrum romain, alors de couleur brune, s’est implanté dans les Pyrénées pour y trouver finalement une nouvelle patrie, il faut remonter à l’an 1000 pour trouver dans notre histoire vestimentaire mention du béret, coiffure des clercs d’église durant l’été, adoptée par eux, disent les chroniqueurs, pour se préserver contre les piqûres des moustiques et l’agacement des mouches. Il faut croire qu’ils s’en trouvèrent fort bien, à ce point qu’au treizième siècle l’usage s’en répandit dans l’Eglise elle-même pour les membres du clergé. Le béret était devenu noir. Comme il s'ajustait de façon assez étroite sur le crâne, il était malcommode de l’enlever rapidement, quand le rituel l’exigeait. Alors, s’introduisit l’habitude de ménager des plis pour faciliter la prise de la main. Les prêtres italiens, avec trois coutures, eurent un béret triangulaire, et les Français, Espagnols et Allemands, ayant ajouté un pli de plus, un béret rectangulaire. On l'orna d’une houppe de peluche en son milieu et c’est ainsi que le béret rond de l’origine devint le "bonnet carré". 



Notons que la barrette rouge qui orne le chef des cardinaux n’a pas une origine étymologique différente et que Louis XI, dont le bonnet plat s’ornait de petits saints de plomb, appelait sa coiffure une "barrette". 



Ce qui est assez amusant, quand on se lance dans les recherches historiques, c’est que les antiquaires et chercheurs semblent avoir le génie de vous dérouter. 



Par exemple Lespy, dans son Dictionnaire béarnais, déclare que ses compatriotes écrivent "berret" et prononcent "bounet". Comme l’étymologie de bonnet est assez indécise, et que certains y veulent voir le qualificatif latin bonus (bon), il se pourrait qu’un "bounet berret" soit tout simplement un "bon béret". Cette interprétation est peut-être audacieuse. Les linguistes ont noté que dans les dialectes basques on dit boïna dans le pays de Soule (les fabricants espagnols emploient le même mot : boïnas) et burucoa et boneta dans le pays de Labourd pour désigner le béret. Les Basques auraient adopté, en arrivant dans le pays, la prononciation béarnaise, ce qui assurerait aux Béarnais et non aux Basques la paternité de l’invention ou, pour être plus exact, de la reprise de la tradition antique.




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PUBLICITE BOINAS ELOSEGUI



Le birrum romain aurait lui-même un autre ancêtre dans le bonnet phrygien. Les ethnologues font remarquer qu’en parcourant les Pyrénées de l'est à l’ouest on est amené à constater que les Catalans portent un béret en pointe retombant sur le côté, suivant la courbe classique. Sont-ce les Grecs, fondateurs de Marseille, colonisateurs des Baléares et de la côte espagnole, qui en apportèrent le modèle ? 




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CATALAN



Le fait que cette coiffure a été signalée comme l’insigne des esclaves affranchis donnerait plutôt à penser que le bonnet phrygien est d’origine pyrénéenne et fut rapporté à Troie et en Asie-Mineure par les hardis navigateurs hellènes. Ce qui renforcerait cette opinion est qu’en s’avançant vers l’ouest des Pyrénées, où l’influence grecque pouvait beaucoup moins se faire sentir, la forme du béret reste sensiblement la même. Dans la Bigorre, dans les vallées de Campan, de Lavedan, de Barèges, de Gavarnie, on le porte ou mieux on le portait pointu, mais avec cette différence qu’il ne retombait pas sur le côté. Ce n’est que dans le Béarn qu’il est complètement plat. Il conserve en son centre un vestige de pointe. Cet appendice, le "cabillon", est sacré. Tout béret qui a subi l’opération de l’appendice est disqualifié. Cette superstition se rattache, peut-être à la tradition musulmane suivant la quelle il doit demeurer sur le crâne le mieux tondu des sectateurs du prophète, une petite touffe de cheveux par laquelle, au jour du jugement dernier, on pourra le saisir pour le sortir de la tombe. Les influences de l’invasion maure de la péninsule ibérique ont très bien pu se faire sentir jusque dans ce détail. 



Il est d’ailleurs à noter que le fez et la chéchia ont ce même petit appendice. Au moyen âge le fez se fabriquait en France et l'on en façonnait, il n’y a pas encore très longtemps, à Nay, en Béarn. 




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SOLDAT AVEC FEZ



Dans un document, du dix-huitième siècle, il est question d’une fabrique de fez en laine fine de Ségovie, établie par les sieurs Poëy, en faveur de laquelle l’intendant d’Etugny fit voter, en 1752, une subvention de 2 000 livres pendant six ans. par les Etats du Béarn. A la fin du siècle, d’Augerot, gendre des fondateurs employait cent ouvriers et l’on estimait à cent mille livres les marchandises expédiées chaque année en Turquie. 



Peu de gens se sont douté certainement que la suppression du fez par les Jeunes-Turcs avait une répercussion dans l’artisanat français. 



Au petit béret basque, au fez et à la chéchia, il faut rattacher le béret des marins dont le pompon central, cousin du pompon de peluche du bonnet carré ecclésiastique est, comme lui, l’hypertrophie de l’appendice en queue de rat du béret béarnais. Les marins, qui, peut-être, empruntèrent leur coiffure aux Basques, navigateurs fameux du moyen âge, portent la coiffe en dehors, tandis que le béret basque, se porte retourné en dedans. 




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BERET MARINE NATIONALE FRANCE



Comment ne point rappeler les bérets portés par l'infanterie française à Marignan (1515), ceux des chasseurs cantabres de 1793, ceux des régiments écossais, ceux des miquelets espagnols de Guipuzcoa, milice spéciale aux provinces basques, dont les attributions tiennent à la fois de celles du douanier (carabiñero) et du gendarme (guardo civil). 



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MIQUELETES DE FONTARRABIE
GUIPUSCOA D'ANTAN



Le béret basque ou béarnais a été observé par tous les visiteurs des Pyrénées. Léon Godefroy, en 1644 (études historiques et religieuses du diocèse de Bayonne) le note dans l’Armagnac, la Bigorre et le Béarn. Froidour le signale à la fin du dix-septième siècle. L’intendant Tebnet indique, en 1703, qu’on fabrique à Oloron des bonnets de laine grise à l’usage des paysans du Béarn, de Guyenne et de Gascogne. Le Dictionnaire du commerce de Savary des Bruslons précise, que les "bonnets à la béarnaise" sont l'un des objets principaux du commerce de Nay, au commencement du dix-huitième siècle. Une rue de cette ville est encore, de nos jours, appelée rue des Bonnetiers. 




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PAYSAN AVEC BERET
ILLUST BERNARD JULLIAN



Un voyageur anglais A. Young, qui vint en France peu avant la Révolution, note que, sur la route de Pau à Monein, il a rencontré des hommes portant des bérets rouges comme les montagnards de l’Ecosse. Cette observation est à rapprocher de ce que nous avons dit plus haut des miquelets de Guipuzcoa. Les érudits béarnais estiment que cette couleur vive est plutôt exceptionnelle, car, en général, les bérets paysans sont "coulou de la besti", couleur de la bête, c’est-à-dire marron un peu foncé, ce qui nous ramène aux origines historiques du birrum (brun) romain. L’industrie actuelle a forcément, pour répondre à des demandes grandissantes, étendu la gamme des coloris en ne la limitant plus au brun et au bleu foncé d’usage courant. Depuis le blanc pur jusqu’au noir, les bérets basques se trouvent en beige, bleu, vert, tango, rouge avec toutes les nuances intermédiaires. 



La mode a exigé ce choix, car cette coiffure logique, commode, indéformable, qui se roule dans la poche, est devenue un des éléments favoris de la toilette féminine. 



Elle est la reine des sports d’hiver comme des sports d’été, elle brave le vent et la tempête et ne craint ni l’embrun, ni l’eau du ciel. 



Le Béarn nous envoya Henri IV, le plus populaire de nos rois, il nous donne aujourd’hui la plus populaire des coiffures."





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