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samedi 3 août 2024

L'INSTRUCTION PRIMAIRE DANS LES BASSES-PYRÉNÉES EN DÉCEMBRE 1848 (première partie)

L'INSTRUCTION PRIMAIRE DANS LES BASSES-PYRÉNÉES EN 1848.


En 1848, le Conseil Général des Basses-Pyrénées fait un point sur l'instruction primaire dans son département.





pays basque autrefois éducation basses-pyrénées
ECOLE DES FILLES BIDART 1907
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Eclaireur des Pyrénées, le 6 décembre 1848 :



"Variétés. 

Conseil Général des Basses-Pyrénées.

Rapport présenté par M. Chateauneuf, Rapporteur de la 2me commission sur l’instruction primaire, dans la séance du 1er décembre 1848


Messieurs, 



L’instruction primaire est la plus importante de toutes les parties de l’administration départementale. Sous la monarchie déchue, les intérêts matériels ont obtenu une large satisfaction : sous la République, la préférence doit être accordée aux intérêts moraux. Lorsque, dans une grande nation, la marche providentielle de la civilisation a appelé tous les citoyens à l'exercice des droits politiques, l’instruction primaire devient une dette de la société ; car cette instruction fait le citoyen éclairé. C’est à nous, mandataires du peuple, qu’a été confiée la mission d'acquitter une partie de cette dette ; nous sommes tenus de remplir ce devoir selon la mesure de toutes nos forces et dans l’étendue de toutes nos ressources.



Pour venir en aide à l’application de ce principe démocratique, votre commission a cru devoir faire passer sous vos yeux un examen détaillé des diverses branches de l’instruction primaire dans notre département.



§ 1er. — Etat général de l’instruction primaire. 



Le nombre des écoles publiques et privées, des salles d'asile et des classes d'adultes est de 940, 609 écoles sont publiques et 341 privées.



Ces établissements sont fréquentés par 46 457 élèves des deux sexes. Le nombre des garçons dépasse celui des filles de 5 088.



Les élèves payants sont au nombre de 24 426 ; les élèves gratuits au nombre de 22 031 ; ce qui constitue l’enseignement gratuit dans un état d’infériorité de 2 395 élèves.



Le nombre des instituteurs communaux est de 588 ; celui des postes vacants est de 38. Dans ce dernier nombre est comprise l'école primaire supérieure de Bayonne, dont la réorganisation vient d’être votée par le conseil municipal de cette ville.



Il existe dans le département 161 communes dont les ressources spéciales affectées à l’instruction primaire sont inférieures à 100 fr., 203 dont le revenu est inférieur à 50 fr., et 52 dont les revenus sont au-dessous de 25 fr.



Parmi les instituteurs, 111 ont un traitement inférieur à 300 fr. et 31 seulement ont un traitement supérieur à 600 fr. , par conséquent, 446 instituteurs reçoivent des traitements qui varient depuis 300 jusqu’à 600 fr.



Le nombre des communes et réunions de communes tenues d’entretenir une école communale est de 552 ; il n’y en a que 251 qui aient des maisons d’école complètes.



Pour l’exercice courant, les dépenses nécessaires pour l’entretien de toutes les écoles communales du département s’élèvent à 163 674 fr. dont 74 816 fr. 38 c à la charge des communes et 88 857, fr 62 c. à la charge du département et de l’état.



§ II — Progrès de l’instruction primaire



C’est avec un vif regret que votre commission a constaté le peu de progrès qu’a fait l’instruction primaire dans notre département. Le nombre des élèves est stationnaire. Les écoles supérieures et les classes d'adultes ont même éprouvé un mouvement sensible de décadence. Le seul progrès assez important pour être signalé, c’est le rétablissement de l’école supérieure de Bayonne.



Et pourtant les dispositions de la population sont favorables à l’enseignement ! Les pères de famille sont désireux de procurer l’instruction élémentaire à leurs enfants, et particulièrement aux garçons. Quelles sont donc les causes de ce fâcheux état de choses ? La pauvreté des pères de famille, leur impuissance à payer les livres et fournitures d'école, et peut-être avant tout la situation pénible et si digne d'intérêt des instituteurs des communes rurales. 



§ III. — Condition et moyen d’existence des instituteurs communaux.



La situation pécuniaire des instituteurs communaux est vraiment déplorable. La plupart d’entr’eux ne reçoivent qu’un traitement inférieur au salaire du plus pauvre manoeuvre. Les détails statistiques que nous avons résumés ci-dessus démontrent que 52 communes ne peuvent concourir à l’entretien de leur école que pour une somme inférieure à 25 francs, et que 200 autres communes n’y peuvent contribuer que pour des sommes inférieures à 50 francs.



Et pourtant la plupart des instituteurs communaux sont pères de famille : sur 588, il y en a 420 qui sont mariés. Pour vivre même dans la misère, ils sont réduits à la nécessité de cumuler avec leurs fonctions d’instituteurs celles de secrétaires de la mairie, de chantres à l’église, d’arpenteurs pour les particuliers. Le temps consacré à l’exercice de ces diverses professions est un temps ravi à l’enseignement : le peuple perd en instruction ce que l’instituteur gagne en salaires.



Cet enseignement populaire ainsi tronqué, avili, déserté, est-il digne de la grande nation que vient de fonder le gouvernement des hommes libres et forts dans la civilisation ? La monarchie déchue avait fait souvent des promesses qu’elle n’a pu ou qu’elle n’a pas voulu réaliser ; la révolution de février a posé aussi des engagements que sans doute elle saura exécuter. Déjà un décret de l’Assemblée nationale assure aux instituteurs un minimum de traitement, qui n’est pas encore en rapport avec les besoins de leur situation ; la loi projetée sur l’instruction primaire complétera, il faut l’espérer, l’œuvre de réparation.



§ IV. — Gratuité de l’enseignement. 



La gratuité de l’enseignement, c’est la démocratie s'instruisant elle-même : c’est le peuple se préparant à l'exercice de ses droits par la connaissance de ses devoirs.



La vérité de ce principe démocratique est d'une évidence si lumineuse, que déjà par sa force seule elle s’infiltre et pénètre dans les couches les plus épaisses de la société. Depuis quelques mois, on a vu un grand nombre de communes, même entre les plus pauvres, tenter bien des efforts pour appliquer dans leurs écoles primaires la gratuité de l'enseignement ; mais la pénurie de leurs ressources les a presque toujours contraintes à se borner à un mince progrès par l’augmentation du nombre des élèves gratuits.



L’idée est en marche ; l’argent lui fait obstacle. C'est l’heure où la société doit intervenir avec toute la puissance de son organisation politique pour payer sa vieille dette.



§ V. — Des instituteurs laïques et des congrégations religieuses. 



L’esprit religieux, il faut l’avouer à sa louange, a devancé l'esprit politique ; il a introduit dans l’enseignement primaire le principe de la gratuité. Mais notre impartialité nous force à le dire à son désavantage, il n’a pas su fertiliser le sol où il avait déposé un germe si fécond.



Notre département ne compte que quatre écoles dirigées par des frères de la doctrine chrétienne ; elles sont établies à Bayonne, Salies, Pau et Hasparren. Celle de Bayonne est la seule qui soit communale de droit : celle de Salies n'a que le titre d'école privée, mais en réalité elle est entretenue à l'aide de fonds provenant de la fontaine salée ; celle de Hasparren est soutenue par des dons charitables, et celle de Pau par une société de souscripteurs.



pays basque autrefois éducation basses-pyrénées
ECOLE ST-FRANCOIS AUX CAPUCINS BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



L’école de Salies est la mieux dirigée ; ses études, sans être très fortes, sont supérieures à celles de l'école communale de cette ville. Dans les autres localités, l’enseignement des frères de la doctrine chrétienne est faible, incomplet, peu raisonné ; il ne peut lutter contre la supériorité de l'enseignement donné par les instituteurs laïques.



pays basque autrefois éducation basses-pyrénées
GROUPE SCOLAIRE ET PLACE DU TEMPLE
64 SALIES-DE-BEARN
BEARN D'ANTAN



Les écoles de filles ne présentent pas cette différence entre les deux enseignements. Les institutrices religieuses et les institutrices laïques ont rivalisé de zèle et de bonne conduite ; mais la tenue matérielle des établissements est toute à l’avantage de congrégations religieuses.



Le clergé, dans ses rapports avec l’enseignement laïque, reste indifférent et froid, mais sans hostilité. Il semble garder encore le souvenir des luttes passées, où la science attaqua sans mesure les dogmes religieux ; un sentiment de défiance paraît encore leur inspirer une situation toute de réserve et de froideur. Depuis ces temps de lutte, l’esprit du siècle a marché vers la conciliation ; la science et la religion se sont unies pour conduire les peuples dans les nouveaux progrès de la civilisation, et la démocratie reconnaît son propre enseignement dans ces paroles du Christ : Laissez venir à moi les petits enfants."



A suivre...



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