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vendredi 2 août 2024

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE" D'APRÈS PIERRE LOTI EN OCTOBRE 1909 (deuxième partie)

LA PIÈCE DE THÉÂTRE "CHIQUITO" EN 1909.


Cette pièce de théâtre, en 4 actes, représente une scène de la vie basque.

A partir d'un livret d'Eugène Henri Cain et avec une musique de Jean Nouguès, cette pièce est représentée pour la première fois, à Paris, au Théâtre de l'Opéra-Comique, le 30 octobre 1909.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PIECE "CHIQUITO, LE JOUEUR DE PELOTE" 1909
M FRANCELL "CHIQUITO" ET MME MARGUERITE CARRE "PANTXIKA"



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Comoedia, le 31 octobre 1909, sous la plume de Louis 

Schneider : 



"... La mise en scène et les décors.



Il est superflu de répéter qu'à l'Opéra-Comique une pièce est présentée dans des conditions exceptionnelles, chaque fois surprenantes. C'est là un lieu commun, un cliché devenu banal, élimé. Et l'on a épuisé sur ce sujet tout l'arsenal des épithètes flatteuses, toute la phrasologie laudative.



Chiquito ne se compose pas seulement de décors. M. Albert Carré a su imposer à cette œuvre une atmosphère. Ce n'est pas de la lumière qui est transportée sur la scène, c'est du soleil. Tous les tableaux successifs ont été étudiés sur place ; la vision en est transportée sur la scène avec une sincérité, avec une puissance d'évocation qui tiennent du prestige.



théâtre pays basque autrefois loti pelote chiquito
PHOTO D'ALBERT CARRE PAR NADAR
Par Archivio Storico Ricordi, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=92268130



Le premier décor est de M. Jusseaume. Ce n'est un bois "de théâtre" que cet aperçu de la forêt d'Olette ; c'est une clairière avec des herbes, c'est comme une fenêtre ouverte sur la montagne. Ce décor fait respirer au spectateur des senteurs agrestes ; et l'on voudrait errer à travers ces futaies odorantes en compagnie des deux petites chèvres blanches qui apparaissent presque au lever du rideau. Le bois laisse apercevoir un coteau où la végétation est plus âpre. Au tronc d'un chêne séculaire la piété des paysans basques a placé une Vierge dans une petite guérite. Il se dégage de tout cela un ensemble de poésie et de vérité qui sont d'une séduction très prenante.




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VIERGE OLHETTE URRUGNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les autres décors, qui sont de feu Jambon et de M. Bailly, son gendre et successeur, laissent moins de place au rêve et sont des cadres d'un réalisme plus accentué.



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PHOTO DE MARCEL JAMBON
PAR L'ATELIER NADAR



Le deuxième acte nous montre la place principale du village, un dimanche, avant la partie de pelote. Au fond et à droite, l'église regorge de monde et les fidèles ont été obligés de se tenir sous le porche. En face est le café d'Etchemendy (que le décor, je ne sais trop pourquoi, appelle "café Etchevery"), avec son rideau de fil écru pour garantir les clients des mouches. Au premier plan à droite on aperçoit le mur du fronton où tout à l'heure se jouera la tragique partie de pelote. Le village se profile avec des maisons que dore le soleil jusqu'au bois d'Olette.



Mais il n'y a pas que du décor dans cet acte-là : il y a des costumes du pays, d'une étonnante exactitude ; les bérets bleus et rouges, les pantalons blancs, les "taillols", cette large ceinture de couleur qui cambre la taille des jeunes gens comme un corset, tout cela paillette le paysage d'une bigarrure pittoresque. Les jeunes filles ont le mouchoir sur la tête, les vieilles ont la grande cape des béguines du Nord. Et dans un instant cette foule fera cercle autour de la "Aurescu" dont les couples gracieux évolueront sur la place.



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DANSE AURRESKU
PAYS BASQUE D'ANTAN



Au troisième acte, c'est dans la ferme des Etchemendy, la salle commune avec sa haute cheminée, avec ses provisions de charcuterie appendues (cela c'est un effet de lard). Une fenêtre laisse pénétrer les derniers rayons du soleil ; et par la grille de bois la lumière entre, inondant le jardin, éclairant docilement cet intérieur rustique et familial. A la fin de l'acte, avec la nuit qui blêmit le paysage, c'est l'envahissement de la maison par la foule escortant le maire et les gendarmes qui viennent arrêter Eshkerra réfugié dans la chambre du haut.



Nous voici enfin dans le couvent. En une salle claire, blanchie à la chaux, repose sur un lit Pantchika. A gauche un autel en bois sculpté. Par la fenêtre on aperçoit la campagne et les montagnes estompées en une atmosphère vaporeuse. Puis le soleil se couche et rosit toute la scène ; c'est le dernier flamboiement du jour ; c'est la derrière lueur d'une existence qui s'éteint.


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La Soirée (par Georges Talmont)



Le soir tombe sur le bois d'Olette... Le soleil à son déclin "rôtit" à l'horizon les pentes pyrénéennes... Dans la mélancolie de l'heure crépusculaire, un chevrier chemine, poussant ses bêtes devant lui, au son de sa gaïtea... Sous le couvert d'un grand chêne qui porte, à son tronc, une Vierge antique, Chiquito s'est étendu dans la verte fraîcheur des fougères. Il guette, le beau pelotari, celle qui, chaque soir, à cette heure, foule, de ses pieds menus, la mousse du chemin. Il tressaille soudain, au bruit des feuilles froissées. D'un bond, il se relève. Pantchika paraît à la crête du talus, souriante, si poétiquement blonde, si gracieuse, avec, dans ses bras jolis, une éblouissante gerbe de fleurs. Posant un doigt sur ses lèvres, à pas menus, elle va s'agenouiller devant le petit autel suspendu au flanc du gros chêne, jonche le-sol de sa moisson parfumée et murmure une courte prière. Derrière sa petite amie, Chiquito courbe la tête, retire doucement son béret et s'incline devant la Vierge... Puis ils se disent leurs espoirs et aussi leurs angoisses. Et la petite basquaise éclate en sanglots. Son frère, à la veillée, ne lui a-t-il point affirmé qu'il ne fallait pas croire en l'amour de Chiquito, que, grisé par ses succès dans tous frontons du pays, l'heureux pelotari se laisserait tenter par d'autres caresses... Mais Chiquito la rassure. Son cœur n'a point changé depuis qu'ils ont échangé le grand serment d'amour... C'était un soir de Mai... Il y avait, à l'auvent de sa porte, des roses et des chèvrefeuilles... Et ils parlent d'avenir, très doucement... S'il le faut, elle se révoltera contre le refus maternel... Et ils fuiront aux Amériques... Et, plus tard, riches à leur tour, ils reviendront au pays natal, et sur l'auvent de leur porte on lira :

Ave Maria !

Chiquito, du village d'Hasparren a bâti cette maison pour y vivre avec Pantchika, son épouse.



Mais l'heure passe... Pantchika rassénérée remonte, lentement, le talus et d'un geste joli appuie ses doigts sur ses lèvres, tandis que de la main Chiquito envoie à sa petite amie un adios passionné. Longtemps, le pelotari suit du regard la forme adorée qui s'éloigne... s'éloigne... disparaît... Alors, il ramasse sa veste restée dans les bruyères, la jette sur son épaule, et ramenant son béret sur ses yeux, il s'en va, souple et silencieux, par le sentier de mousse, tandis qu'au loin la gaïtea du chevrier chante encore, doucement, une chanson d'amour...



Le village, illuminé par les chauds rayons du soleil, a pris un air de fête... Ce ne sont que des rires et des cris joyeux... Du vieux porche de l'église les fidèles sortent, par flots pressés, au son de l'orgue et des cantiques... Les hommes s'en vont boire du cidre d'Espagne au cabaret tout proche, qui ouvre, derrière des platanes, un auvent prometteur au-dessus duquel un "linteau" porte en relief l'inscription : Café Etcheverry : les femmes, par la route ensoleillée, regagnent leurs maisons si blanches sous leur couche de chaux, si hautes d'étage, avec leurs grands balcons de bois ; les jeunes gens, le béret enfoncé sur les yeux, ont revêtu le pantalon de toile blanche maintenu par une large ceinture de laine et le "gerico" qui découvre largement la chemise de cotonnade ou le léger maillot de fil ; les jeunes filles portent la jupe courte, aux couleurs claires ; autour du chignon est enroulé le foulard de soie chatoyante ; un étroit fichu court autour de la nuque et enserre les tailles rondes ; les vieux, appuyés sur leur "maquila" évoquent les souvenirs du temps passé, parlent de "blaid" et de "rebot", content les parties fameuses que vit le vieux fronton dont les derniers gradins s'étagent sur la place.



Cependant, la "gaïtea" résonne et aussi le "tamborlllero". L'"Auresku" se forme tout aussitôt : les filles mi-courbées dansent en agitant leurs mouchoirs ; puis, c'est le tour du "fandango" et les jeunes gens entrent dans la danse ; l'un devant l'autre, sans s'enlacer, mais conservant toujours une égale distance, garçons et filles évoluent ; les bras tendus s'agitent dans l'air, s'élèvent et s'abaissent dans une cadence harmonieuse qui suit les oscillations des corps ; voici enfin l'"arin-arin", une sorte de quadrille que quatre gars musclés dansent éperdument, dans un mouvement qu'alentour l'on rythme d'un claquement sec des doigts semblable au bruit des castagnettes...



Mais l'heure arrive où les pelotari vont mesurer devant le vieux mur leur force et leur adresse. Les joueurs "gantent" le "chistera" que des lanières de cuir tiennent étroitement attachée à leur poignet vigoureux. Ils chaussent les espadrilles aux semelles de cordes, nouent autour de la cheville les rubans de couleurs, confient leur veste à leur petite amie, et comme le crieur fait entendre le cri traditionnel que longuement il psalmodie. "Hay ! hay!", ils rentrent dans le fronton dont le mur de fond bientôt se garnit, en grappes serrées, de petits Basques, pelotaris en herbe, qui se précipiteront pour se disputer l'honneur de ramasser les balles égarées."





A suivre...





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