LE COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE BAYONNE EN 1794.
A partir d'octobre 1793, le Comité Révolutionnaire sévit à Bayonne, en Labourd.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin N° 3 de janvier 1929 de la Société des Sciences, Lettres,
Arts et Etudes Régionales de Bayonne, sous la plume de René Cuzacq :
"I. — L'Arrêté du 12 Pluviôse An II. — 31 Janvier 1794.
... L'arrêté affirme nettement les efforts du Comité révolutionnaire à la veille de sa chute pour utiliser des dissensions — qu'il nie fort mal. Rusés et habiles, les membres du comité ont cherché à les exploiter de leur mieux. Plus particulièrement, Pinet prend soin de montrer la concordance complète de ses efforts et de ceux de Monestier ; cet ancien chanoine de Saint-Pierre de Clermont, poursuivant le catholicisme de la haine farouche du défroqué, est l'une des figures de l'Auvergne montagnarde aux côtés de Couthon ou de Romme ; violent et emporté, il a fait preuve d'un caractère mobile et influençable : Pinet, comme ses camarades du Comité, ne le savent que trop ; c'est le premier qui sortira vainqueur de la lutte. En revanche son arrêté ne dit pas un mot de Cavaignac qui signe pourtant à Orthez avec Monestier, le 14 Pluviôse, l'approbation la plus complète des mesures du 12. C'est qu'à Paris la Terreur continue de déferler avec violence ; il faut, pour bien des raisons, que l'unité de vue des représentants paraisse complète. Quels que soient les mobiles secrets qui les poussent, tous suivent Pinet aîné et celui-ci remporte une facile victoire.
PORTRAIT DE JEAN-BAPTISTE CAVAIGNAC |
Cependant, ses rapides lueurs que projette sur les débuts de l'an II à Bayonne l'arrêté du 12 Pluviôse pourraient paraître bien faibles et bien incertaines à elles seules, qu'il s'agisse de la physionomie du Comité révolutionnaire ou bien plus encore des discordes internes des Représentants en mission. Or, voici que Pinet a été appelé lui-même à juger son oeuvre.
Petit bourgeois de Bergerac, de famille protestante, ayant eu à Bordeaux de vagues velléités de commerce, il est élu maire, administrateur de son district périgourdin, puis député de la Dordogne à la Législative d'abord, à la Convention Nationale ensuite. Par l'orgueil de sa race, la violence froide et concentrée de son caractère, la parfaite lucidité de son énergie farouche, l'âpreté de ses convictions révolutionnaires, il est bien le fils de la terre périgourdine qui compta toujours au nombre des régions avancées du pays français. Durant près d'une année, il reste attaché à la région bayonnaise, plus encore que Cavaignac ou Monestier, qui furent à Bayonne les deux autres représentants en mission les plus actifs et le plus souvent présents. Dans ce pays inconnu où son orgueil se froisse bien vite, il se trouve aux prises avec de nombreux obstacles ; sa politique répressive, sa politique militaire, sa politique espagnole dressent devant lui des ennemis redoutables. Après Thermidor, il doit rentrer à Paris. Alors Cavaignac sépare bruyamment sa cause de la sienne et se rallie aux vainqueurs de Robespierre ; alors Tallien essaye de la faire arrêter après le suprême soubresaut jacobin du 1er Prairial an III — 20 Mai 1795 ; l'amnistie votée par la Convention expirante le fait sortir de sa cachette ; mais son rôle politique est fini. Régicide, proscrit par la Restauration, il se réfugie finalement en Suisse dans le Canton de Vaud. C'est là qu'il apprend, en 1824, que de nouveau les historiens d'une Galerie des hommes illustres reprennent les accusations anciennes de cruauté et de tyrannie ; il écrit aussitôt le manuscrit de ses "Mémoires", d'une plume alerte et vive, en vue de sa défense devant la postérité.
Le ton en est volontairement indigné ; de son passé, Pinet ne renie rien ; à chaque ligne, il défend sa sincérité et sa loyauté ; n'y cherchons point un portrait trop poussé de Dartigoeyte ou de Monestier ; au fond de lui-même, il néglige ces hommes violents ou lubriques qui ne sont point à la hauteur de son intelligence. En revanche, Pinet s'attache à se défendre contre des imputations dont il dénonce en Cavaignac la source : alors que tous leurs actes ont été "communs", celui-ci ose dire encore qu'il a signé les arrêtés de son collègue par crainte. Peut-être aussi avait-il d'autres raisons qu'il convient de dévoiler. Or, le 11 Octobre 1793, constitué depuis un jour à peine, le Comité Révolutionnaire de Bayonne arrêtait le riche et célèbre Dominique Cabarrus, banquier, puis directeur des finances de Charles III d'Espagne, finalement disgracié par le roi catholique ; sa fille Teresia, alors Madame de Fontenai, plus tard à Bordeaux, maîtresse (puis femme) de Tallien, bientôt "Notre-Dame de Thermidor", dans une histoire fameuse, sut intéresser déjà Cavaignac à la cause paternelle. L'intraitable Pinet refusa toute libération, d'où aigreur, rancunes et colères. L'on explique du coup aussi bien celles de Tallien après Thermidor.
PORTRAIT DE THERESA TALLIEN PAR FRANCOIS GERARD VERS 1804 |
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