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dimanche 4 août 2024

LA DESTITUTION DU COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1794 (troisième partie)


LE COMITÉ RÉVOLUTIONNAIRE DE BAYONNE EN 1794.


A partir d'octobre 1793, le Comité Révolutionnaire sévit à Bayonne, en Labourd.




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COMPAGNIE FRANCHE DE BAYONNE 1793
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin N° 3 de janvier 1929 de la Société des Sciences, Lettres, 

Arts et Etudes Régionales de Bayonne, sous la plume de René Cuzacq :



"I. — L'Arrêté du 12 Pluviôse An II. — 31 Janvier 1794.



... L'arrêté affirme nettement les efforts du Comité révolutionnaire à la veille de sa chute pour utiliser des dissensions — qu'il nie fort mal. Rusés et habiles, les membres du comité ont cherché à les exploiter de leur mieux. Plus particulièrement, Pinet prend soin de montrer la concordance complète de ses efforts et de ceux de Monestier ; cet ancien chanoine de Saint-Pierre de Clermont, poursuivant le catholicisme de la haine farouche du défroqué, est l'une des figures de l'Auvergne montagnarde aux côtés de Couthon ou de Romme ; violent et emporté, il a fait preuve d'un caractère mobile et influençable : Pinet, comme ses camarades du Comité, ne le savent que trop ; c'est le premier qui sortira vainqueur de la lutte. En revanche son arrêté ne dit pas un mot de Cavaignac qui signe pourtant à Orthez avec Monestier, le 14 Pluviôse, l'approbation la plus complète des mesures du 12. C'est qu'à Paris la Terreur continue de déferler avec violence ; il faut, pour bien des raisons, que l'unité de vue des représentants paraisse complète. Quels que soient les mobiles secrets qui les poussent, tous suivent Pinet aîné et celui-ci remporte une facile victoire.




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PORTRAIT DE JEAN-BAPTISTE CAVAIGNAC 



Cependant, ses rapides lueurs que projette sur les débuts de l'an II à Bayonne l'arrêté du 12 Pluviôse pourraient paraître bien faibles et bien incertaines à elles seules, qu'il s'agisse de la physionomie du Comité révolutionnaire ou bien plus encore des discordes internes des Représentants en mission. Or, voici que Pinet a été appelé lui-même à juger son oeuvre.



Petit bourgeois de Bergerac, de famille protestante, ayant eu à Bordeaux de vagues velléités de commerce, il est élu maire, administrateur de son district périgourdin, puis député de la Dordogne à la Législative d'abord, à la Convention Nationale ensuite. Par l'orgueil de sa race, la violence froide et concentrée de son caractère, la parfaite lucidité de son énergie farouche, l'âpreté de ses convictions révolutionnaires, il est bien le fils de la terre périgourdine qui compta toujours au nombre des régions avancées du pays français. Durant près d'une année, il reste attaché à la région bayonnaise, plus encore que Cavaignac ou Monestier, qui furent à Bayonne les deux autres représentants en mission les plus actifs et le plus souvent présents. Dans ce pays inconnu où son orgueil se froisse bien vite, il se trouve aux prises avec de nombreux obstacles ; sa politique répressive, sa politique militaire, sa politique espagnole dressent devant lui des ennemis redoutables. Après Thermidor, il doit rentrer à Paris. Alors Cavaignac sépare bruyamment sa cause de la sienne et se rallie aux vainqueurs de Robespierre ; alors Tallien essaye de la faire arrêter après le suprême soubresaut jacobin du 1er Prairial an III — 20 Mai 1795 ; l'amnistie votée par la Convention expirante le fait sortir de sa cachette ; mais son rôle politique est fini. Régicide, proscrit par la Restauration, il se réfugie finalement en Suisse dans le Canton de Vaud. C'est là qu'il apprend, en 1824, que de nouveau les historiens d'une Galerie des hommes illustres reprennent les accusations anciennes de cruauté et de tyrannie ; il écrit aussitôt le manuscrit de ses "Mémoires", d'une plume alerte et vive, en vue de sa défense devant la postérité.



Le ton en est volontairement indigné ; de son passé, Pinet ne renie rien ; à chaque ligne, il défend sa sincérité et sa loyauté ; n'y cherchons point un portrait trop poussé de Dartigoeyte ou de Monestier ; au fond de lui-même, il néglige ces hommes violents ou lubriques qui ne sont point à la hauteur de son intelligence. En revanche, Pinet s'attache à se défendre contre des imputations dont il dénonce en Cavaignac la source : alors que tous leurs actes ont été "communs", celui-ci ose dire encore qu'il a signé les arrêtés de son collègue par crainte. Peut-être aussi avait-il d'autres raisons qu'il convient de dévoiler. Or, le 11 Octobre 1793, constitué depuis un jour à peine, le Comité Révolutionnaire de Bayonne arrêtait le riche et célèbre Dominique Cabarrus, banquier, puis directeur des finances de Charles III d'Espagne, finalement disgracié par le roi catholique ; sa fille Teresia, alors Madame de Fontenai, plus tard à Bordeaux, maîtresse (puis femme) de Tallien, bientôt "Notre-Dame de Thermidor", dans une histoire fameuse, sut intéresser déjà Cavaignac à la cause paternelle. L'intraitable Pinet refusa toute libération, d'où aigreur, rancunes et colères. L'on explique du coup aussi bien celles de Tallien après Thermidor.




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PORTRAIT DE THERESA TALLIEN
PAR FRANCOIS GERARD VERS 1804



Sur le point plus précis qui nous occupe, Pinet écrit : "Le Comité était composé d'intrigans, d'ambitieux, de perturbateurs, de faux patriotes. Il était le fléau des citoyens honnêtes et paisibles. Nous fûmes obligés de le dissoudre." A de nombreuses années de distance, les passions soulevées en train de s'apaiser, Pinet ne faisait que répéter, à peu de choses près, les termes mêmes de son arrêté du 12 pluviôse an II — 31 janvier 1794. Mais déjà à cette date les caractères de chacun des proconsuls de Bayonne, Pinet, Cavaignac, Monestier, avaient donc trouvé l'occasion de s'affronter dans des dissensions dont il ne faut ni exagérer, ni sous-estimer l'importance, tandis que trente ans plus tard, la mémoire fidèle de Pinet aîné reproduisait les mêmes accusations d'autrefois contre le Comité révolutionnaire.



En résumé, le Comité de Bayonne offre l'exemple de l'un de ces Comités qu'il fallut destituer pour incivisme et prévarication. Le cas s'explique sans peine par la nature même des éléments qui le composaient. Il affirme du même coup les sympathies girondines de notre cité et la vive répugnance qu'y rencontrait le régime jacobin, à l'heure où la Bidassoa était forcée par les Espagnols du côté de la forte position de Biriatou, commandant Hendaye et le pays environnant. Pour être rare, cette destitution d'un comité révolutionnaire est loin d'être isolée : comme beaucoup de comités normands, ou du Vaucluse, plus près de nous comme celui de Moissac que le représentant Paganel dut aussi destituer, le Comité de Bayonne rentre dans la catégorie de ces institutions imposées de Paris à des gens et à des pays qui étaient fort loin de connaître la fougueuse poussée révolutionnaire se manifestant sur tant d'autres points du territoire.



Mais l'arrêté du 12 pluviôse prend encore une autre signification. Il marque la fin d'une période de la Révolution bayonnaise et les débuts du règne victorieux de Pinet. Après la période incertaine des origines de la Terreur bayonnaise, arrive en Octobre 1793 le député de la Dordogne ; d'octobre 1793 à janvier 1794, il tâtonne quelque peu sur la marche à suivre ; à partir de janvier 1794, il va désormais droit au but. C'est une histoire qui se déroule en connexion étroite avec celle du Comité révolutionnaire qu'il nous reste maintenant à reconstituer. L'arrêté du 12 pluviôse se trouve à l'intersection de ces deux tendances.



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COMITE SURVEILLANCE REVOLUTIONNAIRE


II. — Essai de reconstitution de l'histoire du Comité révolutionnaire de Bayonne.



Au surplus, la Terreur bayonnaise n'est ici comme ailleurs que le résultat d'un long aboutissement. La vivacité même des résistances rencontrées ne fit que pousser davantage encore Pinet aux mesures violentes selon un rythme sans cesse accéléré et aussi suivant les impulsions parisiennes. Cherchons donc à déterminer ce que fut la part du Comité révolutionnaire durant la période montagnarde de la vie de notre cité aux diverses phases de la Révolution violente à Bayonne.



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GUILLOTINE SOUS LA TERREUR



Origines.



Ville de bourgeoisie commerçante, port de mer actif à côté de Bordeaux ou de Nantes qui connurent elles aussi au 18e siècle la plus belle époque de leur histoire, Bayonne accueillit avec enthousiasme les débuts de la Révolution. Pourtant l'action du député Garat enleva à Bayonne, au profit de sa ville natale d'Ustaritz, le titre de chef-lieu d'un district destiné à englober la majeure partie des populations basques ; le 8 Février 1790, alors qu'au centre du département Navarrenx en devenait le chef-lieu, Pau, Orthez, Mauléon, Saint-Palais, Oloron et Ustaritz étaient placés par la Constituante à la tête des districts des Basses-Pyrénées. En fait le Directoire d'Ustaritz, formé surtout de notaires et d'hommes de loi, dut tenir ses séances à Bayonne et non pas dans le gros bourg dont il portait le nom.



Bientôt la crise économique déclenchée par les troubles intérieurs, les conséquences de la guerre sur le commerce largement touché, la révolte de Saint-Domingue aux Antilles portèrent une grave atteinte aux intérêts de notre cité. De tout coeur cependant, les "matadors du commerce", comme dira Pinet aîné, virent dans l'accès au pouvoir du parti girondin en 1792 le triomphe de leur classe et de leur groupe social ; celui qui les représenta plus spécialement à la Convention, le député des Basses-Pyrénées Armand Meillan, refusa de voter la mort de Louis XVI, comme d'ailleurs tous ses collègues du département.



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MORT LOUIS XVI
21 JANVIER 1793



Mais à Paris la chute des amis de la bourgeoisie bayonnaise dans les journées tragiques des 31 Mai et 2 Juin 1793 marque la victoire du parti jacobin ; Meillan est au nombre des proscrits qu'une odyssée tragique mène en Normandie, puis, par l'entremise d'un bateau, jusqu'en Gironde ; il se sépare de ses compagnons, va se cacher dans le Pays Basque et tandis que court le bruit de sa mort, sa famille se trouvera en butte aux persécutions du Comité révolutionnaire.



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COMITE SURVEILLANCE REVOLUTIONNAIRE


Sans aller jusqu'à la révolte ouverte comme leurs frères les Bordelais, les Bayonnais ressentirent amèrement l'avènement de la Montagne parisienne. Leur maire, Basterrèche, est un gros négociant qui ne dissimule pas ses sympathies girondines ; les "patriotes effervescents" ne sont qu'une minorité d'étrangers ; les émigrés y rentrent librement d'Espagne alors que, depuis le 22 octobre 1792, la peine de mort les attend à leur retour sur le territoire français ; le 6 juin 1793, le représentant Ysabeau écrit que "les habitants n'ont pas de coeur à la chose publique" et le 9 juin il lui faut destituer la municipalité de Cambo qui favorise ouvertement le culte réfractaire. Quant au discrédit de l'assignat il est complet. Dans ses Mémoires, Pinet aîné déclare qu'à son arrivée en octobre 1793 une partie de la population est hostile à la Convention et à la guerre avec l'Espagne ; il ajoute même textuellement que "quelques députés qui étaient avant nous, étaient presque retenus en détention". Un fait grave s'était produit entre temps : le 10 juillet 1793, un incendie suspect avait détruit une partie du Château-Neuf et de ses munitions tandis que la menace espagnole se précisait au sud ; dans l'émoi général de la population, le 16 août 1793, les députés Féraud et Garrau proclamaient la mise en état de siège de la ville malgré les protestations qui se firent jour..."



A suivre...















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