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vendredi 21 février 2025

L'ÉGLISE DE SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE (septième partie)

  

L'ÉGLISE DE SAINT-JEAN-DE-LUZ.


L'église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-de-Luz est renommée pour son retable du 17ème en bois doré et pour y avoir vu y célébré le mariage du roi Louis XIV le 9 juin 1660.

L'église est classée au titre des monuments historiques par arrêté du 7 mars 1931.




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INTERIEUR EGLISE SAINT JEAN-BAPTISTE
SAINT-JEAN-DE-LUZ D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le bulletin de la Société des sciences, lettres & arts de Bayonne, du 

1er juillet 1932, sous la plume de Pierre Dop : 



"IV. — L'Eglise actuelle.

La nef et son chevet.



... Nous retrouvons des données en 1664 et les retirons des comptes de Haraneder de Monségur, ainsi intitulés : Comptes de la recepte que jay faict pour la construcion de leglisse neuveu et de la distribussiou. 


La recette se monte à 4 332 l. 08.



Quant aux dépenses, dont le total est de 8 441 l. 10, elles nous permettent de savoir qu'on éleva les murs au-dessus de la porte du côté nord, faite l'année précédente, qu'on travailla à la grande porte du côté du midi et à la construction de divers arceaux.


En 1665 on bâtit le grand arceau qui s'ouvre sur le choeur, et celui du grand autel. Ils furent l'oeuvre des entrepreneurs Lespinette et Barthe, le premier de Bayonne, le second, de Bidache. On avait traité avec eux, moyennant la somme de 6 000 l., pour la construction de cinq arceaux, suivant contrat passé par-devant Me Bereau, notaire. 


Cependant la Communauté trouvant que les travaux traînaient en longueur. L'obligation que souscrivit, le 27 Janvier 1666, le clavier Haraneder de Monségur nous donne à l'entendre. Celui-ci s'y engage à "faire continuer la construction de la nouvelle esglize en telle sorte quil la fer couvrir et mettre en estat convenable pour y pouvoir celebrer la sainte Messe pendant le jour de la Noël prochain." Il sera dédommagé de ses avances par la perception de la moitié de tous les droits sur le vin, tant de ceux qu'on avait coutume de lever que de ceux que la Communauté avait votés en supplément "pour faire advancer au plustot la batisse de la nouvelle Esglize."


De plus, comme il est prévu que la perception de ces droits ne sera pas suffisante, soit pour le rembourser des frais de l'entreprise, soit pour liquider son compte d'administration des années précédentes créditeur de 1 272 l. 19 d., on lui affecte les sommes à provenir "des donations aumones et "charités", faits par les personnes qui acquerraient des sépultures dans l'intérieur de l'église.


Certainement la messe de Noël 1666 ne fut pas célébrée dans la nouvelle église, comme l'exigeait le contrat dont nous venons de parler. Car un nouveau marché fut passé le 30 Décembre 1669 avec Lespinette et Barthe devant Me Moleres, notaire, pour la construction de deux arceaux et la continuation de la muraille du côté nord. Entre temps le dernier arceau vers le fond de l'église avait été construit par les maîtres-maçons de St-Jean-de-Luz. Par le même contrat du 30 novembre 1669, les entrepreneurs bayonnais se chargèrent aussi "d'abatre et desmolir sur ce quils ont déjà faict, la voute de lentien coeur, avec les fondemens de la vieille muraille".


Le clavier Haraneder de Monségur resta en fonctions jusqu'en 1672. Sa gestion souleva de graves critiques. Ses comptes sont épluchés minutieusement. Chaque article, passé au crible, est sévèrement discuté. Le document est couvert de notes, inscrites en marge par un vérificateur.


Il n'avait réussi à faire couvrir qu'une partie de l'église. Les journées payées de ce fait aux ouvriers sont jugées exagérées.


Il avait fait donner de plus vastes proportions au retable du grand autel. La dépense lui est laissée pour compte, à titre de "charite faite a leglize", son contrat ne l'autorisant pas à en faire d'autres que celles qui concernaient la couverture du nouveau bâtiment.


Il avait fait ouvrir une grande porte en remplacement de celle par laquelle passa Louis XIV. L'initiative est fortement critiquée. La porte est regardée comme "inutile et incommode".




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PORTE MUREE
EGLISE ST JEAN-BAPTISTE
64 SAINT-JEAN-DE-LUZ


Nous retrouvons dans cette affaire l'écho de la grande rivalité entre deux factions qui divisaient la cité vers le milieu du XVIIe siècle.


Jean de Casabielhe était à la tête de l'une de ces factions. Il avait rempli les fonctions de bayle de 1654 à 1658. Sous son administration fut bâtie la maison commune. La façade du château Lohobiague qui regardait la rivière s'en trouva masquée, et l'affaire déchaîna une violente querelle avec la puissante famille qui en était propriétaire. En 1670, le parti adverse était au pouvoir, avec le sieur Dolabaratz comme bayle. Il en profita pour intenter un procès à Jean de Casabielhe, maître de la maison Chahatchenea, à propos de la possession par cette maison d'une "sepulture ou monument eslevé qui est au cimetière devant la grande porte de l'esglize parroissiale". Dolabaratz et ses partisans prétendaient que ce monument n'était autre que l'ancienne tombe du seigneur de St-Jean-de-Luz, et que de précédents maîtres de Chahatchenea, les sieurs Dansogarlo et Dirrentzou se l'étaient appropriés, alors qu'ils étaient bayles et tenaient, leur charge "en afferme" du chapitre de Bayonne. De leur côté, Casabielhe et ses amis poursuivaient un procès contre la Communauté devant le Parlement de Bordeaux pour la nouvelle "distribution des sépultures" à la suite de l'agrandissement de l'église, et "le rang daller a loffrande".



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CHOEUR NEF ET CHAIRE
EGLISE ST JEAN-BAPTISTE
64 SAINT-JEAN-DE-LUZ


En 1672, Jean de Casabielhe fut élu bayle à la pluralité des voix, mais son élection fut contestée en raison d'un nouveau règlement qui statuait qu'elle devait être faite par le sort. Jean de Casabielhe, ainsi que les deux jurats élus en même temps que lui, Joanis de Haraneder, sieur de Joanotenia, et Martin de Souhare, furent appréhendés par la communauté réunie en corps et menés de force à l'église où on les obligea à prendre les places de bayle et jurats et à prêter serment entre les mains du Curé.


Le peuple attendait de ses élus qu'ils remédient "aux necessitez peubliques et particulièrement à la continuation de louvrage de lagrandissement de leglise quy est ouverte de tous costez et ou les banqs (vents) et la pluye entrent en telle sorte que le service divin ne sy peut faire quavecq grande incommoditté ce quil déchargera la communautté des levées extraordinaires quon a mis de nouveau sur le vin et boucherie".


Jean de Casabielhe fut nommé marguillier en même temps que bayle. Grâce à lui, le gros oeuvre de la nouvelle église fut mené à bonne fin.


Quand il entra en fonctions, la nouvelle nef était inachevée dans la partie voisine de la tour. De ce côté, l'ancien toit subsistait, présentant l'inconvénient d'un manque de jonction avec le nouveau qui était d'un niveau plus élevé. Le lendemain de la Pentecôte de 1672 "pendant la Messe, deux bois et quelques thuiles "tombèrent" de lentien toit de leglise sans neanmoins avoir blessé personne par une faveur particulière du Ciel".


Dans cette même partie, entre l'ancien mur septentrional et le nouveau, restait une brèche. Le premier soin de Casabielhe fut "de fermer la dicte ouverture et empescher par le moyen dicelle l'entrée du Bétail et vents et pluye dans ladicte église", et il s'inquiéta de pousser les travaux pour l'achèvement de la nouvelle nef.


Sur les deux arceaux que les entrepreneurs Lespinette et Barthe s'étaient engagés à construire ainsi que leurs contreforts, un seul était fait. Des difficultés financières avaient empêché la construction du second. Cependant aux dépenses de ces travaux était affectée une taxe spéciale sur les vins. Mais le rendement en était insuffisant.


Dès sa nomination de bayle, J. de Casabielhe supprima "ladicte imposition quy avoit esté establie pour ladicte eglise le peuple ne la pouvant souffrir et ayant remis la levée des droits de vin suivant l'encien usage, il fit exécuter malgré cela le second arceau et versa les fonds nécessaires au fur et à mesure des travaux.


Du côté septentrional, on démolit la partie de l'ancien mur qui existait encore, et ses matériaux servirent à en bâtir un autre à l'aplomb extérieur de celui qui était déjà fait, mais on lui donna une épaisseur moindre par ce qu'il n'avait pas d'arceau à soutenir. On fit également à l'ouest, vers le porche et la tour, la construction nécessaire pour fermer l'angle nord-ouest du nouvel édifice.


Du côté méridional et à l'angle sud-ouest, on éleva l'ancien mur de façon à lui donner la même hauteur que du côté nord. De plus, on refit toute la partie qui se trouvait au-dessus de la nouvelle porte. Cette porte elle-même n'était pas terminée. Il n'en existait que l'extérieur. On la termina à l'intérieur.


Nous retirons encore de la lecture des comptes, que les maçons construisirent les degrés du porche et ceux des portes nord et sud.


Enfin la couverture de l'église fut achevée par les charpentiers, et ce travail représentait le tiers de la toiture tout entière. Ces mêmes ouvriers procédèrent ensuite à la réfection complète des galeries, avec l'obligation d'y faire rentrer tous les matériaux utilisables à retirer des anciennes. Dans le fond, ces galeries, au nombre de 4, furent appuyées sur 2 petites colonnes en pierre. Sur les côtés, elles furent montées sur des piliers en bois. La décoration n'y fut pas poussée comme dans d'autres églises du pays basque, dont quelques-unes possèdent de vrais chefs-d'oeuvre de ce genre. Seul, l'extrémité des poutres fut ornée de sculptures. Un certain Joannillou en était l'artisan.


Bien que fort avancé sous l'administration de Jean de Casabielhe, le parachèvement de l'église devait demande quelques années encore. C'est ce qui appert de deux mémoires adressés par les bayle et jurats de Saint-Jean-de-Luz à Lespès de Hureaux, subdélégué par l'Intendant de Guyenne pour la vérification des dettes communales.


Dans l'un, daté de décembre 1675, on relève le passage suivant : "Il est remarquable que les suppliants comme il est de notoriété publique s'étant épuisés et ayant même engagé les revenus de la communauté pour la bâtisse de leur église paroissiale qui a cousté jusqu'à présent plus de 60 000 l. sans que led. sr Syndic (du chapitre de Bayonne) y ait de rien contribué..." Les mots jusqu'à présent nous font entendre que l'on n'était pas encore au bout de l'ouvrage. Et le second mémoire, postérieur au premier, nous en donne confirmation en parlant de "la grande et excessive dpense que lesd. suppliants ont exposée et qu'il leur faut encore faire pour mettre la fabrique de leur église paroissiale en sa perfection".


Il manque, dans les Archives de St-Jean-de-Luz, les comptes de marguilliers des années 1673 à 1684. Ces documents nous auraient sans doute renseignés avec quelque précision sur la suite des travaux.


Retenons des deux mémoires que nous venons de citer le chiffre de 60 000 l. dépensé jusqu'alors mais ne représentant pas le total de la dépense. Le plus gros des ressources fut fourni par les dons des particuliers, les impositions spéciales, les avances généreuses des marguilliers, et les revenus ordinaires de l'église. Un contingent appréciable fut fourni aussi par les droits sur les sépultures, justement en raison de l'agrandissement de l'édifice..."




A suivre...







Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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