Réfléchissant sur l'étendue du devoir que la Convention Nationale leur a imposé, en leur confiant par la loi du 14 Frimaire, qui établit le gouvernement révolutionnaire, l'épuration des autorités constituées et sur la terrible responsabilité que cette mission aussi honorable pour eux qu'utile et importante pour la chose publique, fait peser sur leur tête.
L'heureux terme de la Révolution, le triomphe des patriotes, le bonheur du peuple, la paix intérieure et la tranquillité de la République dépendant en quelque façon de la manière dont ils composeront les autorités constituées, ces autorités qui réunissant entre elles une si immense étendue de pouvoirs, peuvent, soit en agissant séparément, soit encore mieux en se coalisant, porter, si elles sont formées d'aristocrates, d'intrigans et d'ambitieux, les coups les plus terribles à la liberté et à l'égalité.
Considérant que cette épuration importante, qui doit mettre un terme aux machinations de la chose publique, demande d'être faite avec ce sang-froid, cette sagesse, cette prudence, cette fermeté et cette énergie, base des grandes mesures révolutionnaires qui jusqu'à présent ont sauvé la république du précipice dans lequel on a si souvent tâché de l'entraîner...
Considérant que sur les débris de l'aristocratie, du royalisme, du fédéralisme, et du fanatisme, sur les ruines de la noblesse et du clergé, il s'élève actuellement une classe d'hommes, plus misérable peut-être, du moins aussi dangereuse, une classe d'hommes sans moeurs, sans probité, sans vertus, intrigans par caractère, vicieux par principe, patriotes par intérêt, qui se sont jetés dans la Révolution par système et dont l'ambition vise à toutes les places qu'ils s'efforcent d'obtenir, en chassant par leurs vociférations qu'ils appellent dénonciations patriotiques, ceux qui les occupent, semblables à ces insectes auxquels les eaux croupissantes d'un marais impur ont donné naissance, nés comme eux dans la fange et dans la bassesse. Tels sont les hommes qui se mettent aujourd'hui sur le chandelier, qui parlent des grands services qu'ils prétendent avoir rendus à la Révolution, qui calomnient les vieux patriotes, égarent souvent les citoyens par leurs cris, détournent l'attention d'eux et cachent, sous le voile spécieux de l'amour du bien public, leur immoralité et leur vie passée.
Considérant que ces hommes dangereux, plus dignes de l'exécration publique que les patriotes forcenés, doivent être démasqués, écartés de toutes les places, enchaînés même ; que si la contre-révolution était possible, c'est par leur moyen qu'elle pourrait être opérée ; que les patriotes les mieux prononcés ne peuvent voir qu'avec douleur et indignation des hommes impurs, des intrigans et des ambitieux occupant des places qui ne sont dues qu'à la vertu, qui devroient être remplies exclusivement par des citoyens dont la moralité et la probité ont toujours été sans tâche, dont la pureté des moeurs est intimement liée à cet amour ardent de la liberté et de l'égalité qui ne peut exister dans un coeur vicieux et corrompu.
Considérant que les autorités constituées ne peuvent remplir dignement et utilement les fonctions considérables qui leur sont confiées qu'en s'environnant du respect, de l'estime, de la considération et de la confiance de tous les citoyens ; que plus l'autorité qui leur est dévolue est grande, terrible, imposante, plus les mains qui en sont dépositaires doivent être pures ; que ces organes de la loi, impassibles et incorruptibles comme elle, doivent marcher entre la terreur qu'ils inspirent aux méchants et la confiance et la sécurité qu'ils font naître dans le coeur des hommes vertueux.
Considérant que ce sont surtout les Comités de surveillance, qui doivent fixer l'attention et la sollicitude des représentants du Peuple appelés par plusieurs lois et notamment par celle du 14 frimaire, sur le gouvernement révolutionnaire, à l'honorable et importante fonction de concourir d'une manière particulière à détruire le royalisme, l'aristocratie et le fédéralisme, enchaîner la malveillance et anéantir le fanatisme et la superstition, à surveiller, à déjouer les intrigans, les ambitieux ; les Comités de surveillance revêtus, pour l'utilité de la République, du plus grand, du plus terrible des pouvoirs, celui de priver les citoyens de la liberté, doivent commander le respect et l'estime ; il faut sans doute qu'à côté de la massue d'Hercule qui repose entre leurs mains, toutes les vertus publiques et privées assurent aux bons citoyens la tranquillité et le bonheur dont ils doivent jouir.
COMITE SURVEILLANCE REVOLUTIONNAIRE
Considérant que beaucoup de ces citoyens en patriotisme, de ces républicains du 31 Mai, sortis de ces tripots et des mauvais lieux, ont bien pu, pour quelques instants, surprendre la confiance de quelques représentans du peuple qui, marchant sur un sol qui leur était étranger, manquant de renseignements assurés, et s'abandonnant à la pureté de leur coeur, ont pris pour leur véritable visage le masque imposteur qui les couvrait ; mais l'oeil sévère de l'homme intègre, perçant bientôt le voile épais dont l'intrigant et le fourbe s'environnent, le moment où l'abus qu'on a fait de sa confiance frappe ses regards, est pour ces hommes faux et dangereux, le dernier moment de leur existence.
Considérant que la convention nationale a, par mesure de prudence et de sûreté générale, rejeté de son sein des gammes appartenant aux nations avec lesquelles nous sommes en guerre, qu'elle a également voulu qu'ils fussent éloignés des fonctions publiques ; qu'il serait souverainement dangereux de ne pas adopter et suivre rigoureusement cette mesure de sagesse, de fermer les yeux sur son exécution et surtout dans un pays frontière où les relations avec nos ennemis peuvent s'établir facilement, que ce seroit manquer tout à la fois à son devoir et à la prudence.
Considérant que le comité de surveillance de Bayonne renferme dans son sein, trois classes d'hommes que la sollicitude des représentants du peuple ne leur permet pas d'y laisser plus longtemps, des citoyens revêtus de ces fonctions dont l'incompatibilité est prononcée par la loi, des étrangers et des émigrans ; que l'existence de ces derniers surtout dans le comité est un scandale pour les patriotes qui gémissent avec raison de voir l'autorité qui leur est confiée, cette autorité qui ne devroit être terrible qu'aux méchans, menacer indifféremment leurs têtes et celles des aristocrates, au gré des passions de certains hommes qui ont pris pour règle de leur conduite toute autre chose que la justice.
Considérant que ce comité a commis les fautes les plus graves, qu'il s'est non seulement permis d'enlever à leurs fonctions et de mettre en état d'arrestation des autorités constituées, avant que les représentans du peuple eussent prononcé leur destitution, ce qui est contraire à la loi et à l'intérêt public ; mais qu'il a pris même sur lui de les remplacer et qu'à tous ces actes illégaux il a joint un procédé plus étrange encore, celui de garder là-dessus un profond silence auprès des représentans du peuple.
Considérant qu'instruit une première fois d'une conduite aussi extraordinaire que coupable, le représentant du peuple Monestier se transporta dans son sein et après avoir mis sous les yeux des membres du comité, en père, qui veut corriger des enfans chéris, leurs torts, il sortit persuadé qu'ils ne tomberoient plus dans la même faute ; que cependant ces actes scandaleux se sont répétés depuis, ce qui prouve d'abord que ce n'étoit pas par ignorance qu'ils péchoient, puisqu'ils récidivoient, après l'instruction paternelle de Monestier ; ensuite le peu de cas qu'ils faisoient de l'autorité des représentans du peuple dont ils osoient se jouer ainsi.
JEAN-BAPTISTE-BENOÏT MONESTIER
Considérant que ce comité voulant sans doute éluder la loi qui lui défendoit de prononcer sur le sort des détenus, droit réservé aux représentans du peuple, et se procurer, par des vues détournées, la faculté de mettre en liberté ceux qui auroient trouvé, n'importe comment, les moyens de l'intéresser en leur faveur, s'est permis de faire des attributions aux tribunaux, ce qu'il ne pouvoit se permettre sous aucun prétexte, et ce qui lui a parfaitement réussi pour le citoyen Lesca.
Considérant que, par une suite coupable de sa conduite, le comité a osé suspendre astucieusement la bonne foi des représentans du peuple ; qu'il a abusé de leur confiance pour leur faire signer la mise en liberté de la municipalité coupable d'Hasparren.
Considérant que ménagé encore, après un tel oubli de ses devoirs, les représentans du peuple qui auroient dû le casser sans balancer, se contentèrent de le tancer fortement, et de lui ordonner de faire sur le champ mettre de nouveau en état d'arrestation la municipalité d'Hasparren.
Considérant que le comité au lieu de s'empresser d'exécuter cet ordre et de tâcher de faire oublier par là ses torts multipliés, a osé y désobéir et a forcé les représentans du peuple de prendre pour le faire rentrer dans son devoir, l'arrêté du 6 de ce mois ;
Considérant qu'en prenant cet arrêté, qui ne prononce pas la cassation de ce comité qui l'a mérité à tant de titres, les représentans du peuple n'ont pas prétendu se lier les mains ; qu'en suspendant un moment la foudre qu'ils ont fait gronder sur leurs têtes coupables, ils n'ont pas entendu conjurer l'orage pour des hommes indignes de toute indulgence ; qu'ils sont loin d'avoir promis de ne pas les frapper ; qu'ils se doivent à eux-mêmes, qu'ils doivent à la Convention nationale et au peuple, pour le bonheur duquel ils travaillent, de faire partout justice de ces hommes qui n'ont d'étonnant que leur effronterie et leur immoralité ;
Considérant qu'en recevant l'arrêté des représentans du peuple, du 6 de ce mois, qui les rappelle à leurs devoirs avec sévérité sans doute, mais avec beaucoup plus de ménagemens qu'ils ne méritoient, quelques membres du comité ont eu l'imp(r)udence (sic), au lieu de se rendre auprès des représentans du peuple, qu'ils avoient forcé de sévir contre eux, et de s'efforcer d'effacer de leur esprit, par l'aveu sincère de leur faute et les expressions de leur repentir, l'impression défavorable que leur conduite y avoit faite, de mettre en délibération s'ils ne députeroient pas auprès de la convention nationale pour dénoncer cet arrêté, et que la crainte seule du châtiment sévère que la convention elle-même auroit fait tomber sur leurs têtes, les a retenus.
COMITE SURVEILLANCE REVOLUTIONNAIRE
Considérant qu'en renonçant à cette démarche, ils ont cependant l'effronterie d'envoyer sur le champ un d'eux vers Monestier à Orthez, dans l'espoir sans doute de faire détruire par lui ce qui avoit été fait par ses collègues, de faire rapporter leur arrêté, d'opposer autorité à autorité, d'élever autel contre autel et de se faire de lui un rempart à l'abri duquel ils puissent continuer leurs manoeuvres coupables.
Considérant qu'une pareille audace ne peut rester impunie, qu'elle est pour Monestier dont les principes sont les mêmes que ceux de ses collègues et qui est lié avec eux par l'amitié la plus étroite, un outrage sanglant ; qu'il faut apprendre aux intrigants qu'ils ne parviendront pas à désunir des vieux patriotes, de francs et vigoureux montagnards.
Considérant que le comité a eu l'inconcevable audace de créer des membres dans son sein, de déléguer à un individu de son choix l'autorité qui lui avoit été confiée, que cette prévarication téméraire et odieuse ne peut être trop promptement et trop sévèrement punie.
Considérant que les membres coupables de ce comité ont fait mettre en liberté des hommes suspects ; qu'ils font journellement des parties de plaisir avec les femmes des détenus.
Considérant que certains membres du comité se faisant un jeu, et de l'autorité dont ils sont revêtus, et de la liberté des citoyens, avilissent cette autorité terrible et respectable par la manière dont ils en font l'usage, se permettant dans les caffés, sur les places publiques, à la comédie, de menacer ceux qui leur déplaisent de les envoyer coucher dans la maison de réclusion ;
Considérant que quelques uns de ces hommes coupables se sont permis de dire qu'ils ne reconnaissoient pas l'autorité des représentans du peuple, qu'ils ne leur devoient et ne leur rendoient aucun compte.
Considérant qu'il est temps enfin que tant d'audace soit réprimée ; qu'il est temps d'apprendre à ces hommes misérables, destinés à la nullité — et devenus quelques chose par le concours des circonstances fortuites ; qu'ils ont beau se croire des géants, la représentation nationale les brisera comme un verre et les fera rentrer dans la poussière dont ils n'auroient jamais dû sortir ; qu'il est temps qu'un acte de sévérité et de justice en traçant aux autorités constituées leur devoir, mette sous leurs yeux le châtiment qu'elles encourront si elles se permettent d'en sortir ; Arrêtent :
Article Premier. — Le Comité de surveillance de Bayonne est destitué."
A suivre...
(Source : Wikipédia)
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