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vendredi 14 juin 2024

SAINT-JEAN-DE-LUZ "PETIT PARIS" EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1660 (deuxième et dernière partie)

SAINT-JEAN-DE-LUZ "PETIT PARIS".


En 1660, les membres des cours de France et d'Espagne vont résider à Saint-Jean-de-Luz, à l'occasion du mariage du roi Louis XIV et de l'infante Marie-Thérèse d'Espagne, le 9 juin 1660.




pays basque autrefois mariage royal labourd
MARIAGE DE LOUIS XIV ET DE MARIE-THERESE D'ESPAGNE
9 JUIN 1660




Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 23 mai 1929 :



"Saint-Jean-de-Luz "pétit" Paris.



Il y a quelques jours nous analysions la première partie d une intéressante étude consacrée par M. P. Dop. dans Gure Herria, à Saint-Jean-de-Luz, à la visite du roi Louis XIV et du fameux dicton : Saint-Jean-de-Luz "pétit" Paris, Bayon, il est ses écuries... 


On a vu que tout le monde fut enchanté du séjour dans la curieuse petite ville d’alors et sur la Côte Basque... Tout le monde, excepté Mazarin. Citons encore aujourd'hui quelques pages de cet attachant article : 



N'est-il pas vrai que l’impression faite sur nous par un pays dépend beaucoup des dispositions physiques et morales que nous y apportons ? Or, Mazarin souffrait de la goutte. Un accès plus violent le confina chez lui, les huit premiers jours de son arrivée. L'éloignement de la Cour, le souci des affaires, les difficultés dans l'élaboration du traité, l'ennui de continuelles et incommodes allées et venues entre St-Jean-de-Luz et l'île de la Conférence, sur une route qui était, parait-il fort mauvaise, contribuèrent certainement à gâter ses impressions sur le pays. Se modifièrent-elles durant son second séjour ? L'entourage de la Cour, la satisfaction des difficultés politiques vaincues eurent peut-être une influence heureuse à ce propos. En s'installant cette fois-là à Ciboure, dans la maison de M. d'Echeto qui était sur le quai, Mazarin avait fait choix d'une demeure mieux ouverte que la précédente au grand air et à la lumière, d'où l’on jouissait d'une vue agréable sur le bassin, la ville de Saint-Jean-de-Luz, les montagnes. Cependant, la maladie le retenait souvent. On rapporte que, dans une de ses crises, recevant un jour la reine-mère, il se leva, et, découvrant ses jambes, il lui dit : "Madame, voici les jambes du Cardinal Mazarin, de cet homme autrefois si bien fait, dont la chronique scandaleuse a dit tant de mal et publié tant de faussetés." 



Depuis près d’un an, la Cour avait quitté Paris, et menait une vie errante à travers le Midi de la France. Louis XIV s’était figuré que les négociations de paix seraient rondement menées, et que son mariage avec l'infante s'ensuivrait rapidement. On s'était mis en route dès la fin de juillet c'est-à-dire peu de jours après le Cardinal, et, par étapes, on avait gagné Bordeaux, où les souverains et leur suite s’installèrent, attendant les événements. Mais les négociations traînant en longueur, au mois d'octobre, on se rabattit à petites journées sur Toulouse. Puis, malgré la conclusion du traité, le roi Philippe IV qui devait accompagner sa fille à la frontière se refusant, à cause de sa santé, à voyager pendant la mauvaise saison, il fut décidé qu'on irait passer l’hiver en Provence. 



C'est ainsi qu’habituée depuis de longs mois à des résidences qui manquaient presque toujours de confort, la Cour ne se montra pas difficile pour les logements qu'elle occupait à Saint-Jean-de-Luz



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GRAVURE D'OZANNE
PORT DE SAINT-JEAN-DE-LUZ 1776


On était dans la belle saison. Volontiers on se tenait dehors, et on se plaisait à se promener sur le bord de la mer, ce qui constituait la grande attraction. 



A cette époque, la ville n’avait pas encore été forcée d’opposer aux envahissements de l’Océan le puissant mur qui le sépare de nos jours. Ses rues débouchaient directement sur la plage, et, tandis que de brillants cavaliers se livraient sur la grève à de folles chevauchées, des carrosses chargés de dames suivaient avec lenteur la ligne du rivage, qui se continuait alors devant la ville à la hauteur des rochers supportant aujourd’hui l'établissement des bains de Ciboure



La plage était vite devenue le rendez-vous favori de tout ce beau monde. 



Les bains de mer n'étaient pas encore à la mode, encore moins les bains de soleil. On sait d'ailleurs que le "bain tout court" était fort peu en honneur du temps de Louis XIV, l'eau étant redoutée pour les coiffures artistement bouclées, les visages savamment fardés et piquetés de mouches. 



Les dames quittaient leurs carrosses, les seigneurs leurs montures, et on se contentait de deviser galamment et de potiner au bruit cadencé des vagues venant mourir sur la grève. 



Sans doute, appartenaient-ils au pays, les trois fort bons nageurs, dont parle l’abbé de Montreuil, qui, s’étant fiés à la marée, se noyèrent à la vue de la Cour, un soir, celui de la Fête-Dieu. Ce spectacle mit en grand émoi les dames qui se promenaient sur le bord de la mer. Mais notre conteur ajoute qu'une certaine d’entre elles les fit rire, quand, sur la fin de cette aventure, elle se mit à genoux sur le sable, faisant un ex-voto à saint Antoine de Padoue, avec la même hardiesse que si elle eût été le mieux du monde avec lui. 



Les évêques (il y en avait douze, réunis à Saint-Jean-de-Luz) venaient aussi sur la plage en compagnie des aumôniers du roi et d’autres abbés. 



Un jour, nous empruntons l'anecdote à François Abbadie qui l'a tirée de la "Vie de Daniel de Cosnac", par l’abbé de Choisv, l’évêque d'Orléans, l’abbé Le Camus, depuis cardinal, l’abbé de Bonzi, Daniel de Cosnac, évêque de Valence, et quelques autres, se promenaient sur le bord de la mer, quand l’un d'eux qui avait quelque grief contre Mazarin, commença à s'exprimer plus que librement sur son compte. L’évêque de Valence l’imita, puis l’abbé de Bonzi. Enfin, chacun à son tour fit de même. Tout à coup, l’évêque de Valence, coupant court à ce dangereux entretien, prit son chapeau, ses gants et son manteau, dont il s’était débarrassé pour être plus à l'aise, et dit à ses compagnons : "Messieurs, je vous donne le bonsoir ; je me retire et vais conter à M. le Cardinal tout ce que j’en ai dit et tout ce que vous en avez dit, car j’aime encore mieux pour vous et pour moi qu’il en soit informé par mes soins que par ceux de l'abbé de Bonzi, qui ne manquerait pas de lui en rendre compte." L’abbé de Bonzi était un favori du Cardinal. 




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PIERRE DE BONZI
CARDINAL-ARCHEVÊQUE DE NARBONNE
Par Didier Descouens — Travail personnel, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w



Des menus épisodes de ce genre nous aident à reconstituer l’aspect de cette Cour de Louis XIV, transportée un beau jour dans la petite cité, et y transportant avec elle, en même temps que ses beaux atours et ses équipages, sa frivolité galante et son badinage, ses mille intrigues et ses petites rivalités. 



Cependant, sous l’influence d’une nature charmeuse comme celle de notre pays, certaines âmes laissant vagabonder leur imagination, s’abandonnaient à la rêverie, et se laissaient imprégner de mélancolie. 



C’est ainsi que Mlle de Montpensier et Mme de Motteville se mirent à ébaucher à Saint-Jean-de-Luz tout un plan de retraite semi-religieuse, semi-mondaine. que, pendant un an ou deux, elles s'amusèrent à développer dans une correspondance mutuelle. 


pays basque autrefois mariage royal labourd
PORTRAIT PRESUME DE LA DUCHESSE DE MONTPENSIER
Par Beaubrun, Henri et Charles (atelier de), peintre — https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-presume-d-anne-marie-louise-d-orleans-duchesse-de-montpensier-dite#infos-principales, CC0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=131145587


Je vais laisser parler Mlle de Montpensier. 


"Un jour, je regardais par une fenêtre de M. le Cardinal, par laquelle on voyait la rivière et les Pvrénées. Mme de Motteville, qui était avec moi, me donna occasion de lui parler de la solitude des déserts, et nous moralisions sur la vie heureuse ou on y pouvait mener, débarrassées des fatigues de la Cour, et au-dessus des injustices que l’on y recevoir ; que cela mettoit les gens en état de ne vivre que pour soi-même. Cette conversation avait un grand champ de morale ; pour peu qu’on eut eu envie d’y mêler du christianisme, nous ne nous serions pas si tôt séparées ou tues ; mais la reine était sortie pour aller à la comédie, je l’accompagnai jusqu'à la porte, et m’en allai promener sur le bord de la mer, où il me passa bien des idées dans l'esprit sur le plan d’un vrai solitaire." 



Ce plan, Mlle de Montpensier nous en donne l'aperçu suivant. Il vous fera certainement sourire : 


"Il seroit bon, dit-elle de concerter tous ensemble du lieu de l'habitation et de délibérer si l’on choisiroit les bords de la Loire ou ceux de la Seine. 


Quelques-uns aimeroient mieux les bords de la mer. Pour moi, qui naturellement n’aime pas l'eau, j'aimerois mieux la vue de la mer et des rivières en éloignement, et que ma maison fût située dans le voisinnage d'un grand bois et que l'on y arrivât par de grandes routes où le soleil se feroit voir à plein en plein midi. Je la bâtirai de la plus agréable manière que je pourrois l'imaginer. Les dedans seront de même fort propres, et point magnifiques, non plus que les meubles : car il ne convient pas quand on méprise tout, que l’un veut paroitre au-dessus de toutes les choses, d'avoir la faiblesse de s'attacher à la superfluité. Dans ce désert, ou plutôt dans cette cité mystique, il y auroit un couvent de carmélites, bâti sur le modèle de celui d’Avila : ce seroit dans leur église qu’on iroit prier Dieu ; il y auroit aussi d'habiles docteurs, chargés de prêcher la parole divine ; ceux qui aimeroient leurs sermons iroient plus souvent, les autres, moins, sans être contrariés dans leur dévotion... Enfin, tout seroit disposé à souhait pour mener une vie parfaitement morale et chrétienne de laquelle les plaisirs innocents ne seroient point bannis." 



Laissons ces deux grandes dames à leurs rêves ingénus de Thébaïde dorée — on les voit d'ailleurs s'en dégager facilement — et retrouvons la Cour, qui, avec la promenade et la conversation, recherchait le plaisir dans ses divertissements habituels : le jeu, le spectacle, le bal."






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