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mardi 14 mai 2024

SAINT-JEAN-DE-LUZ "PETIT PARIS" EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1660 (première partie)

SAINT-JEAN-DE-LUZ "PETIT PARIS".


En 1660, les membres des cours de France et d'Espagne vont résider à Saint-Jean-de-Luz, à l'occasion du mariage du roi Louis XIV et de l'infante Marie-Thérèse d'Espagne, le 9 juin 1660.




pays basque autrefois mariage royal labourd
MARIAGE DE LOUIS XIV ET DE MARIE-THERESE D'ESPAGNE
9 JUIN 1660




Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 8 mai 

1929 :



"La Petite Histoire. 

"Saint-Jean-de-Luz pétit Paris Bayon, son lécurie" 

Au temps du Grand Roi. — On admirait déjà la Côte et le Pays Basque. 

(D'après une conférence de M. Dop).



On entend souvent citer le dicton populaire, fameux dans notre région : 

"Saint-Jean-de-Luz, pétit Paris, 

Bayon, son lécurie  

Et Ciboure, son poissonnerie." 



Ce dicton a-t-il quelque chose de péjoratif pour Bayonne ?... On l’a cru parfois dans cette ville. On y veut voir une pointe de moquerie. Il paraît que c’est là une erreur et la "petite histoire" régionale, en marge de la grande, nous apprend qu’il n’en est rien. 



Bayonne, écurie de Saint-Jean-de-Luz ?... 



Oui, au temps que le roi Louis XIV, le cardinal Mazarin et sa cour l’habitèrent, à cause des négociations avec l’Espagne et avant le mariage royal. On était débordé de toutes parts à Saint-Jean-de-Luz ; la cavalerie, notamment, était nombreuse : il fallut en envoyer la majeure partie à Bayonne



Quant à Ciboure, port de pêche important dès ce temps-là, il approvisionnait en poisson toute la cour. 



Dans son dernier numéro, "Gure Herria" publie le texte d’une récente et intéressante conférence faite par M. Dop, au Grand Séminaire, sur "Louis XIV et sa cour à Bayonne". Après avoir rappelé le dicton que nous citons en commençant et ce qu’était alors Saint-Jean-de-Luz, il dit :


"Louis XIV arriva à Saint-Jean-de-Luz le 8 mai 1660.  


Harangue des magistrats à l’entrée de la ville, milice en armes formant la haie le long des rues, foule curieuse et agitée encombrant les voies, garnissant les croisées, maisons tendues de tapisseries, arcs fleuris jonchés de verdure, bruit du canon, son des cloches, acclamations, tout cela ou à peu près, s’était vu dans les villes déjà traversées par le souverain. Mais ce que Saint-Jean-de-Luz mit de particulier à sa réception, outre, je le pense bien, l’enthousiasme inégalable, l’exubérance de sa population, ce furent les douze danseurs et leur chef, dits "crascabilaires", du mot basque "koskarabilla" (grelot), qui se placèrent en tête des chevaux du roi.  


Copieusement chamarrés, couverts de rubans aux couleurs blanche et bleue, coiffés de bonnets d’écarlate où nous pouvons voir l’ancêtre du béret rouge, sinon le béret rouge lui-même, gantés, la jambe gainée dans des bas d’étamine blanche, les danseurs s’avançaient, exécutant le saut basque, bondissant avec aisance et légèreté, sans se départir d’une certaine gravité, tintant de tous les grelots cousus à leurs vêtements, accompagnés de violons et de tambourins.  


La face amusée des dames et des seigneurs, penchés aux portières de leurs carrosses, prouvait le plaisir qu’ils prenaient à ce spectacle inattendu. 


Le cortège, ainsi égayé, débouchant par la route qui alors suivait la côte, descendit la grande rue et passa sans s’arrêter devant l’église, sur la porte de laquelle, entouré d’un nombreux clergé, attendait le curé, qui s’inclina profondément et envoya une bénédiction au passage. Il se disloqua devant le château Lohobiague où avaient été disposés les logements du roi, tandis que ceux de la reine-mère étaient aménagés à Joanoenia, demeure de l’opulente famille de Haraneder, et ceux du duc d’Anjou, frère du roi, chez le bayle, Martin de Haraneder, dont la maison m’est inconnue. 



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MAISON DE L'INFANTE SAINT-JEAN-DE-LUZ
PAYS BASQUE D'ANTAN


Il faut se représenter à l’extrême l’encombrement de Saint-Jean-de-Luz pendant le séjour du roi. 



En plus des gens de la cour, qui l’avaient suivi dans ses déplacements — et l’on sait ce que comprenait le bagage d’une cour à cette époque, jusqu’à des lits, des ameublements — tous les jours, des personnages nouveaux arrivaient. Et ce monde débarquait avec une suite imposante de courtisans, de secrétaides, de serviteurs, etc...  


Comment finit-on par se caser ? Les habitants eurent beau se serrer tant qu’ils purent, de façon à laisser le meilleur de leurs appartements à des hôtes dont ils étaient fiers, beaucoup de seigneurs durent se contenter de logements dont, en temps ordinaires, ils n’auraient pas voulu pour leurs valets. On construisit des baraquements pour les équipages nécessaires au service journalier. Le reste fut envoyé à Bayonne.  



De là évidemment le fameux dicton populaire qui prit naissance par la suite et dont les Bayonnais, on le voit, auraient tort de se formaliser. 



Mais M. P. Dop, ajoute encore : 


"Malgré beaucoup d’incommodités, la petite ville fit bonne impression sur ses hôtes. 


Sans doute, se laissèrent-ils prendre au charme basque, comme tant d’autres de nos jours. Les danses originales qui accompagnaient le cortège, la bonne humeur, la gaîté de la population avaient favorablement disposé les esprits dès le premier contact. Les séductions du site firent le reste." 



Il en est encore de même aujourd’hui, auprès d’autres visiteurs qui ne peuvent s’y soustraire.



M. Pierre Dop poursuit ainsi : 


"Les souverains apprécièrent sûrement la vue dont ils jouissaient des fenêtres ou galeries de leur logis : au premier plan, le port, que limitaient le quai de Ciboure, dont le pittoresque n’est pas encore tout à fait disparu, et le grand pont de bois qui reliait les deux bourgades voisines en s’appuyant sur une pointe de l’île des Récollets. Il était garni d’une quantité de bateaux pavoisés, au milieu desquels se balançait la belle galiote couverte, merveilleusement ornée, construite pour le service du roi à l'instar de celles du roi d’Espagne, servie par seize marins portant des hauts de chausse en toile boucassine bleu, coiffés de bonnets d’écarlate — encore le béret rouge — et ornés eux aussi de multiples rubans de couleur blanche et bleu "aux bonnets collets soulliers". Plus loin, tel ou à peu près que nous le voyons de nos jours, la ceinture verte de collines boisées, et, dans la fond, la ligne harmonieuse des montagnes, dominées par la Rhune, qu’assombrissaient ses forêts aujourd’hui disparues. 



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GRAVURE D'OZANNE
PORT DE SAINT-JEAN-DE-LUZ 1776



Aucun document ne nous révèle l’impression personnelle du roi. Mais nous connaissons celle des membres de son entourage, qui devait être à l’unisson. 


"Saint-Jean-de-Luz est un village très agréable, dit Mlle de Montpensier. Les maisons y sont propres." 



Relevons en passant cet hommage rendu à la propreté traditionnelle des Basques. 



L’abbé de Montreuil est plus enthousiaste encore. 


"Nous sommes dans le plus beau village du monde, excepté La Haye, en Hollande", écrit-il à Mlle de Hautefort. En toute impartialité, j’ajouterai que Mazarin avait manifesté une impression très contraire, lors de son premier séjour dans le pays. Il trouva la ville ennuyeuse, le climat malsain. Ecrivant à Le Tellier le 14 septembre 1659 que le traité pourra être signé dans huit ou dix jours, il ajoute : "Après quoy vous pouvez bien croire que je ne ferai pas long séjour en ce païs-ci, si ce n’est que je voulusse emploier quelque temps là apprendre le basque et à sauter comme ils font, ou je misse en teste de ne m’en retourner pas, que je n’eusse pu prendre une baleine." 



Il est vrai que M. de Mazarin était incommodé de la goutte ! Que n'a-t-il connu le Saint-Jean-de-Luz de maintenant. Il y serait certainement resté et s’y serait guéri."



A suivre...







Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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