LES ABUS DU STYLE BASQUE EN 1929.
Dans les années 1920, le "style basque" est à la mode, que ce soit en matière d'habillement ou de construction.
Voici ce que rapporta le quotidien La Petite Gironde, le 5 août 1929, sous la plume de Maurice
Martin :
"Les abus du style basque.
La mode est parfois une redoutable fantaisiste. En matière d'habillement les pires excentricités ne sont, en somme, que relativement fâcheuses car elles ne durent que l'espace d’un ou de quelques costumes à peine. Le snob est une manière d'innocent, de jouet, aux mains d'habiles psychologues qui ont tout intérêt à flatter ses goûts pour le "nouveau quand même".
Mais en matière architecturale, la fantaisie est plus grave, car elle demeure. Toute une génération pour le moins y est engagée.
Loin de nous la pensée, puisque nous voulons parler du style basque de plus en plus envahissant, d'attribuer cet envahissement à un snobisme comparable au snobisme vestimentaire.
Il n’en demeure pas moins, de l'avis l'un grand nombre d'architectes contraints la plupart du temps d'obéir aux exigences résolues de leurs clients, et de l'avis aussi de beaucoup de Basques authentiques qui, après avoir été au début flattés de tant d’attentions pour leur race et leurs demeures, commencent à trouver qu'on abuse un peu trop d'une individualité ethnique dont ils sont, à juste titre, très fiers. Il n'en demeure pas moins, disons-nous, qu'on abuse vraiment trop du style basque architectural. C'est trop souvent au mépris des règles les plus élémentaires le l'adaptation au milieu.
Il en va de même à propos du béret basque, qui perd du reste de plus en plus de son vrai gabarit régional, puisque le vrai béret basque comporte à l'avant un surplus d'étoffe permettant un replis triangulaire destiné à lui donner plus d’allure et à mieux préserver du soleil, alors que, de nos jours, on voit des jeunes gens se coiffer d'une espèce de calotte d'enfant de chœur parfaitement inesthétique et pour le moins inconfortable contre les ardeurs solaires.
BERET EN VELOURS NOIR LA FEMME DE FRANCE 21 JUILLET 1935 |
Aussi bien, voyez des Basques de tout repos ou de grands admirateurs du pays basque tels, par exemple, que Fernand Forgues, le fameux sportman bayonnais, et constatez le respect qu'ils ont de la pure coiffure basque.
FERNAND FORGUES RUGBY AVIRON BAYONNAIS |
Pourquoi ne pas admettre que les bérets landais et béarnais ont, eux aussi, dans leurs milieux respectifs, leur joliesse esthétique. Figurez-vous un instant nos chasseurs alpins, si crânes avec leur large béret au rebord rabattu sur l'oreille, figurez-vous-les un instant coiffés du béret basque, surtout du béret fabriqué au compte goutte, si l'on peut dire, de la calotte noire en question, et vous serez forcé d'admettre que cet air crâne si magnifiquement français, ils le perdraient en grande partie.
CHASSEURS ALPINS DU 158EME 1906 SAVOIE D'ANTAN |
Autre chose est un vrai Basque coiffé chez lui, dans son magnifique pays, de sa propre coiffure ancestrale qui si bien lut sied.
JEUNE HOMME PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il en va de même également en art, en peinture. Jadis, dans les salons — ceux des expositions et ceux des bourgeois particuliers — on nous avait sursaturés de paysages et de scènes bretonnes, de pardons et de landes armoricaines. Aujourd'hui, les palettes et les toiles se saoûlent de basque. La mode ! La mode !
PUBLICITE POUR AUTOMOBILE LA SALLE DE GENERAL MOTORS 1929 |
Il en va encore de même en art décoratif, en mobilier. Le style basque, plutôt très lourd et très sévère, presque monacal, si logique sous Le ciel euskarien français, proche de l'Espagne, frontière des deux côtés de laquelle, d'ailleurs, le pays basque est historiquement et géographiquement à cheval, ce style basque s’insinue sans mesure en des architectures et des atmosphères naturelles où il apparaît comme un évident non-sens.
Mais revenons au fait le plus grave parce que le plus irrémédiable de par les fantaisies d’une mode qui, demain, passera, peut-être bien, à un autre exercice, en laissant cette fois des traces profondes : l'architecture.
Il est regrettable, dans l’intérêt même du visage de la France, fonction importante de sa richesse en ces temps de tourisme sans cesse grandissant de voir nos réglons naguère si caractéristiques, si religieusement fières et respectueuses de leur passé, de leurs traditions, s’estomper de plus en plus dans la banalité de leurs aspects extérieurs.
Les décors naturels, notamment les arbres, sont, hélas ! l’objet de déprédations souvent bien criminelles ; mais que dire de cette méconnaissance absolue des adaptations de styles architecturaux !
On nous signalait récemment certaine bourgade périgourdine où un propriétaire, esclave pitoyable de la mode, édifie une construction basque qui, dans le pays basque, serait un joyau de plus, mais qui, en ce cadre, n'est qu'une verrue.
Mats c'est surtout dans les pays forestiers que sévit avec le plus d’erreur de jugement et, disons-le, de manque de goût, ce style de montagne, de plein air, à ouvertures étroites, voire la plupart grillagées, à toit incliné d’un côté, etc.
VILLA STYLE BASQUE 33 ARCACHON GIRONDE D'ANTAN |
Dans une forêt, à l'ombre des sous-bois, quelle hérésie de vouloir pour habitat une telle demeure ! Les Landes, notamment par leur proximité du pays basque, tombent beaucoup trop fréquemment dans cette erreur. On ne peut que le déplorer.
VILLA STYLE BASQUE 40 HOSSEGOR LANDES D'ANTAN |
Certes, au sud de l'Adour, à l’ombre les Pyrénées — simple image poétique — les maisons basques ont un grand charme. Ce sont autant de taches claires et séduisantes au flanc des coteaux. Mais, voyez l’absurdité des concepts actuels en matière d’architecture, le pays basque, par contre, est lui-même de plus en plus profané, souillé par des constructions nouvelles prétentieusement inadéquates à ce milieu pourtant si respectable. On a même vu construire récemment, dans un des centres les plus fréquentés de la côte, dans un de ceux les plus riches en évocations euskariennes, un édifice public, verrue monumentale de forme et de couleur sur laquelle mieux vaut ne pas insister, tellement elle est une gageure effrontée au regard du pur esprit basque.
En résumé, les diverses régions françaises tendent à se fondre les unes dans les autres dans leur visage, alors que les étrangers admirateurs de la France la considéraient jusqu’ici comme un jardin de beauté où chaque parterre avait sa note, son coloris spécial.
Il est donc extrêmement urgent de mettre un frein à un tel débordement d'uniformité, de banalité dans l'ensemble du décor, de perte des caractères régionaux.
Le régionalisme est heureusement à l'ordre du jour en littérature. Pourquoi ne le serait-il pas en architecture !
Quel magnifique spectacle qu’une mosaïque nationale faite d'une pure Normandie, d'une pure Provence, d'une pure Bourgogne, d'un pur Béarn, d'un pur pays basque, d’un pur pays landais, d’une pure Bretagne, etc. !
A cela, il n'y a qu'un moyen. C'est une idée déjà ancienne que nous soumîmes jadis à notre grand, à notre expert Touring-Club de France, et que nous venons récemment de renouveler sous forme d'un vœu adopté à l’unanimité au Congrès des Fédérations de Syndicats d'initiative réuni à Bordeaux en la présence des hauts dirigeants du Touring-Club.
AFFICHE TOURING CLUB DE FRANCE |
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