SUR LES CHEMINS DE SAINT-JACQUES DE COMPOSTELLE.
Le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle a été créé et instauré au début du 9ème siècle.
Le pèlerinage de Compostelle est un pèlerinage catholique dont le but est d'atteindre
le tombeau attribué à l'apôtre Saint Jacques le Majeur, situé dans la crypte de la cathédrale de
Saint-Jacques-de-Compostelle, en Galice, en Espagne.
Deux itinéraires passent par le Pays Basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque,
le 23 février 1938, sous la plume de René Cuzacq :
"Un célèbre pèlerinage du Moyen-Age.
Sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle.
Décidément, cet homme du Nord n'est pas toujours tendre pour notre Midi. Les choses s’aggravent même à propos de l'abbaye bénédictin de Saint-Jean-de-Sorde (l'un des points où l'annotation de Mlle Viellard demeure insuffisante). Les bateliers de Sorde font passer le gave dans un simple tronc d'arbre évidé, le cheval tenu par la bride, suivant en arrière à la nage. Si un naufrage survient (ce qui est évidemment fréquent), les bateliers dépouillent les morts. Et chacun sait aussi qu’il convient de "passer" les pèlerins sans payer ; la coquille de Saint-Jacques ne suffit-elle à leur montrer quelque fraternel abri ?
DE JEANNE VIELLIARD |
Les choses se gâtent encore en arrivant au Pays Basque. Notons d’ailleurs que dans l'idée de notre pèlerin la "gasconia" est aussi la terre des Basques, telle la Vasconie du haut Moyen-Age débordant de la montagne à la plaine :
"De Saint-Michel (d'Estérençuby) sur le versant gascon, après avoir franchi la crête du Mont de Cize, on atteint l'hospice de Rolland, puis la ville de Roncevaux". Mont de Cize a ici le sens de col, comme dans le Mont-Cenis ou le Mont-Genèvre des Alpes, le point d'où on arrive au sommet de la montée. Notons surtout comment à l'écart de la route d'aujourd'hui, le chemin de Saint-Jacques passait par la Nive d'Estérençuby.
Aux alentours du fort de Cize se trouve la terre des Basques, "tellus Baschorum", Bayonne est situé, au bord de la mer, vers le nord".
CARTE DES CHEMINS DU PELERINAGE DE ST JACQUES DE COMPOSTELLE |
L'on voit que la géographie de notre auteur demeure un peu incertaine quant à Bayonne, cité fluviale et non maritime.
"Ce pays, dont la langue est barbare, est boisé, montueux, pauvre en pain, vin, aliments de toute sorte ; mais on y trouve en compensation des pommes, du cidre, et du lait."
C’est par cidre, en effet, que nous n’hésitons pas à traduire le mot "sicera", et non par pois chiches, comme le fit Mlle Viellard. Car les dictionnaires "ad hoc" donnent le sens ce boisson fermentée, et le cidre était courant au Pays Basque. De même, dans notre premier article, à propos du pays landais, le terme de "grugnis" a donné lieu à diverses difficultés, bien avant l'interprétation de Mlle Viellard, il nous a paru préférable de le traduire par "gruau", pâte ou farine de grain.
Mais notre pèlerin se perd en récriminations contre les exactions qui leur faut ici subir : les péagers qui extorquent l’argent à coups de bâtons, en "fouillant jusque dans les culottes".
"Gens féroces, aussi hostiles et sauvages que les forêts". Et il en est de même à l'égard des marchands. On agit ainsi, à Ostabat, à Saint-Jean-Pied-de-Port, à Saint-Michel, pour le compte au roi d'Aragon, de Raymond de Soule (?), de Vivier d'Agramont (sans doute de Gramont), d'Armand de Guinia (peut-être de Guiche ou Guissia). Que dut devenir la riche dame Gerbega qu'accompagnait, en pèlerin confiant, le prêtre Aimery Picaud...
"La route franchit un mont remarquable, le fort de Cize. Ce mont est si haut qu'il paraît toucher le ciel" (exagération évidente). De là haut, on voit trois pays, Castille, Aragon et Gaule. Là, se dresse la croix de Charles, où Charlemagne pria Saint-Jacques. Chaque pèlerin y plante une croix. Il y en a près de mille. A côté, se trouve le Val Carlos : "C’est par là, que passent ceux qui ne veulent pas franchir la montagne". Donc, la route actuelle par le Val Carlos existait aussi. Mais il est non moins certain que la route de Saint-Michel d'Estérençuby aboutissait également, comme le dit Picaud, au fort de Cize au col d'Ibañeta.
PELERINS ESPAGNOL ET ALLEMAND RONCEVAUX PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais notre pèlerin reprend ses récriminations contre les indigènes : "chevauchant les pèlerins comme des ânes, avant de les faire périr". Et quel n’est pas le portrait des Navarrais qui nous est tracé ! Mal habillés, mangeant et buvant mal, ils ont des vêtements noirs et courts à la mode écossaise. L’origine commune des Ecossais et des Basques... à la façon du Moyen-Age. Jules César envoya trois peuples faire la guerre en Espagne, les Nubiens, les Ecossais, les gens de Cornouailles. Ceux-ci, venus par mer, ne respectèrent que les femmes dévastant "tout le pays de Bayonne" (ceci a été ajouté sur certains manuscrits seulement, lorsque Bayonne fut devenue ville anglaise, après 1152 !.
Et c’est de cette façon que naquirent des enfants "non vrais" ou "navarrais" (on voit le jeu de mots : non verus) ; de là aussi, le nom de Naddaver ville convertie paraît-il par Saint-Mathieu.
PELERIN ST JACQUES DE COMPOSTELLE |
Oh ! les beaux romans d’aventures du Moven-Age !
Mais revenons au portrait de nos Navarrais : leur langue rude, rappelle l'aboiement du chien. Ils appellent Dieu Urcia ; la mère de Dieu, Andrea Maria ; le pain, orgi ; le vin, ardum ; la viande, arragui ; le poisson, araign ; la maison echea ; le maître de la maison, iaona ; la maîtresse, andrea ; l'église, elicera ; le prêtre, belaterra, ce qui veut dire belle terre ; le blé, gari ; l’eau, uric ; le roi, erreguia ; Saint-Jacques, Joana donne Jacue (le "dominus" latin rappelle ici le "don" espagnol).
Les souliers des Navarrais sont dits "lavarcas" (abarcas !), dont le cuir, non préparé et encore muni de poils, attachés avec des courroies, protégeant la plante du pied en laissant nu le dessus. Ils ont des saies (saia), manteau de laine sombre, tombant jusqu’au coude, frangés, avec une sorte de capuchon. Tous, hommes, femmes, serviteurs, mangent à même la marmite, gloutonnement et vilainement.
"Le Basque ou Navarrais (notre auteur les confond, il a plus loin des notions confuses sur Alavais ou Biscayens), porte une corne suspendue à son cou. Il tient habituellement à la main, deux ou trois javelots, dits "auconas". Quand il entre dans sa maison, il siffle comme un milan ; s'il est au guet, il imite le loup ou le hibou".
Ces détrousseurs de pèlerins portent pourtant pain et vin aux autels ; mais bien vite, l'âme noire d’Aymeri Picaud reprend ses invectives : "Noir, laid, méchant, débauché, cruel, corrompu, ivrogne", reprend notre pèlerin en furie. "Ennemi de notre peuple de France, s’il le peut, le Navarrais ou le Basque tue le Français (Gallicum) pour un sou". O, lointain souvenir des luttes Aquitaine contre le Franchaï !
PELERIN RONCEVAUX NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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