GRÈVE À BILBAO EN MAI 1947.
A partir du 1er mai 1947, des milliers d'ouvriers se mettent en grève, à Bilbao.
La tradition du premier mai revendicatif des travailleurs remonte au Premier Mai 1886.
Cette année-là, les syndicalistes américains organisent des actions collectives le premier mai en
faveur de la journée de huit heures.
Certains travailleurs obtiennent satisfaction mais 340 000 d'entre eux doivent faire grève
pour avoir eux aussi gain de cause.
Le 3 mai 1856, une manifestation est violemment réprimée par la police et il y a trois morts
parmi les grévistes.
Une marche de protestation a lieu le lendemain et au moment de la dispersion, une bombe
explose.
Il y a une quinzaine de morts parmi les policiers.
Trois syndicalistes anarchistes sont jugés et condamnés à la prison à perpétuité.
Cinq autres sont pendus le 11 novembre 1886 malgré des preuves incertaines.
Ils seront réhabilités plusieurs années après.
En souvenir de ce drame va être instauré chaque année une "journée internationale des
travailleurs" ou "Fête des travailleurs", appelée plus communément "Fête du Travail".
Voici ce que rapporta l'hebdomadaire communiste La France nouvelle, au sujet de ces grèves en
Pays Basque Sud, en mai 1947 :
"A la manière des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, en Mai 1941 :
La grève héroïque des travailleurs de Bilbao.
Au cours des premières semaines de mai, plus de 50 000 ouvriers ont quitté les usines, les ateliers, les fabriques de la région industrielle de Biscaye. C'est la plus importante manifestation antifranquiste depuis la guerre civile. Les grèves locales, les protestations, les actions des guérilleros n'ont cessé depuis la prise du pouvoir par Franco de témoigner d’un courant extrêmement vivant de résistance au fascisme espagnol, malgré les odieuses répressions, la prison, les tortures, les exécutions. L’ampleur de ce mouvement de grève de Biscaye, en dépit des précautions prises par Franco, a un retentissement dans toute l’Espagne et au-delà des frontières. L’action des travailleurs basques éveille une sympathie agissante pour tous les Espagnole opprimés, elle stimule les énergies résistantes au fascisme espagnol ; elle renforce les espérances de la chute prochaine de Franco et de la renaissance de la République espagnole.
Le développement de la grève.
En accord avec les trois organisations syndicales basques de l'intérieur, l'U.G. T., la C. N.T. et la Solidarité des travailleurs basques, le gouvernement banque avait décrété la cessation du travail le 1er mai dans les usines et les chantiers de Biscaye. La décision n’affectait ni les commerces ni les transports publics. Des tracts avaient été distribués à profusion.
Avant le déclenchement de la cessation du travail, le gouverneur civil avait donné ordre aux patrons de licencier les ouvriers ne se rendant pas ce jour-là dans les ateliers.
Avec un esprit de discipline magnifique, le 1er mai, 70 à 80 pour cent des ouvriers chômèrent. Les contremaîtres et les ouvriers spécialisés furent les premiers à s’abstenir. Dans les ateliers de la Compagnie Euzkalduna, à la Construction naval, à l'entreprise "Earle", l’arrêt a été complet.
COMPAGNIE EUSKLADUNA BILBAO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le gouvernement franquiste, par l’intermédiaire du gouverneur civil, prit une série de mesures coercitives. La répression a commencé par une phase administrative.
"Ceux qui ont essayé de rappeler les coutumes passées, disait le 2 mai le gouverneur civil, se verront soumis aux mesures suivantes" :
1° Leur contrat collectif de travail sera annulé.
2° Dans un délai de 10 jours, ils devront demander à nouveau leur réadmissions individuelle dans leur ancienne entreprise.
3° Les entreprises enverront ces demandes d'embauche à la préfecture pour enquête.
4° Les "producteurs" réintégrés perdront leurs droits d'ancienneté dans l'entreprise.
5° A partir de ce jour, toute entreprise avant d’embaucher du personnel, devra exiger de celui-ci un certificat de son ancien patron, qui établira, s'il a été puni ou non, en vertu de ces dispositions.
Dans la matinée du lundi 5 mal, le nombre des renvois atteignait 14 000.
Les organisations syndicales décrétèrent alors la grève dans toutes les usines où les renvois avaient été effectués. Plus de 25 000 travailleurs se trouvèrent alors en grève.
Très rapidement la grève s’étendit. Les ouvriers des transports, du bâtiment et les boulangers se minent en grève par solidarité.
Cependant, la répression franquiste entrait dans une phase policière.
Les arrestations se sont multipliées. Des patrouilles ont parcouru les rues, des mitrailleuses furent mises en batterie. Les éléments phalangistes ont adopté une attitude provocatrice. Au lendemain du 1er mai, déjà une centaine d'ouvriers étaient incarcérés. Tous ceux qui jouissaient de liberté provisoire, conditionnelle, ont été convoqués pour savoir s'ils avaient participé au mouvement. Il y en avait plusieurs milliers.
Les patrons qui n’avaient pas agi conformément aux ordres du gouverneur civil étaient arrêtés, emprisonnés, frappés de lourdes amendes.
Les cachots des commissariats de police, la prison de Larriniga furent rapidement pleins. Le 8 mai, plus de 6 000 personnes, hommes et femmes, étaient détenus aux arènes de Vista Alegre.
ARENES VISTA ALEGRE BILBAO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les patrons eux-mêmes ont accusé le gouverneur civil Riestra, de maladresse et de cruauté. "Au-dessus des intérêts particuliers et industriels de la Biscaye, a répondu le gouverneur à une délégation patronale, il y a les intérêts de Franco et de son régime."
Alors que le travail a repris, emprisonnements, déportations de grévistes, arrêtés le plus souvent au hasard, se poursuivent. Les intérêts supérieurs de Franco et de son régime exigent les souffrances des camps de concentration franquistes en Afrique, les tortures, les massacres.
Une action de masse contre Franco.
La tyrannie fasciste espagnole, la terreur semée dans les provinces par les éléments phalangistes, les recherches policières, les emprisonnements, les menaces et les coups n’ont pas empêché une manifestation de masse puissante, un cri de révolte viril, qui retentit dans toute l'Espagne, et dont le monde entier recueille les échos.
C'est précisément cette tyrannie franquiste, cet asservissement du peuple sous le joug fasciste qui est la cause première et profonde de la rébellion. La grève de masse des travailleurs basques est la première vague puissante d'une tempête qui gronde. L'unité du peuple espagnol se forge dans l'oppression, dans la souffrance. C'est l’action de masse qui balaiera Franco.
La grève des ouvriers de Biscaye résulte aussi des conditions économiques dans lesquelles se trouve l’Espagne tout entière. C’est le franquisme qui a plongé la péninsule dans des difficultés alimentaires très graves. Ouvriers et paysans ont souvent eu, au cours des siècles, une existence misérable, étant exploités par les propriétaires terriens et par les industriels. Les capitaux étrangers lèvent une dîme sur le sueur des ouvriers espagnols. Bien que la guerre n’ait pas ravagé l’Espagne, la situation alimentaire du pays demeure extrêmement précaire et rien n'est entrepris par le régime qui règne sur le peuple, contre le peuple, malgré le peuple.
La grève a réussi parce que les courants de haine contre Franco se sont rassemblés, unifiés, au lieu d’éclater en manifestations sporadiques et fréquentes réprimées avec sauvagerie. Les colères des travailleurs ont soulevé cette fois la masse du peuple de Biscaye, comme elles soulèveront demain la masse entière du peuple espagnol.
La grève a été soigneusement préparée par les organisations syndicales, en accord avec le gouvernement basque. C’est une des raisons de son succès. La secrétaire générale du parti communiste espagnol "La Pasionaria" insistait, au troisième congrès du parti communiste espagnol sur l’importance de la préparation des actions de masse.
DOLORES IBARRURI "LA PASIONARIA" |
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