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vendredi 10 mai 2024

QUERELLES ENTRE L'INSTITUTEUR ET LE CURÉ À BIDARRAY EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1912

QUERELLES ENTRE L'INSTITUTEUR ET LE CURÉ À BIDARRAY EN 1912.



En 1912, la commune de Bidarray, en Basse-Navarre compte un peu moins de 1 000 habitants et est administrée par le Maire Jean Cédarry, puis par Dominique Etcheverry.




pays basque autrefois église basse-navarre religion école
EGLISE DE BIDARRAY BASSE-NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le bi-mensuel La Grande Revue, le 10 juillet 1912 :



"Comme suite à notre récent article sur la Guerre à l’Ecole, un abonné nous communique les faits suivants, destinés, dit-il, à montrer comment "la neutralité n'est qu'un prétexte pour justifier une campagne dont le but et les procédés sont essentiellement politiques".



Les faits se passent dans la commune basque de Bidarray. L’instituteur et l’institutrice actuels n’y sont installés que depuis sept ou huit mois. Arrivés dans le courant de l’année scolaire, ils ont gardé les livres scolaires en usage avant leur nomination. Parmi ces livres se trouvèrent deux ouvrages d’histoire — j’entends deux exemplaires seulement, un dans chaque classe — défendus par les évêques. Deux élèves seulement, sur une centaine, en pouvaient être munis. Cela suffit.



Un samedi de l’hiver dernier, le curé rassemble ses paroissiens, leur signale les terribles dangers courus par l’âme de leurs enfants, et leur fait prêter un nouveau serment du Jeu de Paume (la réunion avait lieu justement dans un trinquet). L’effet fut immédiat. Sur 103 enfants présents aux écoles le samedi, 24 seulement rentrèrent le lundi suivant. Voilà 79 recrues pour l'école buissonnière. Notez ce détail, qui ne manque pas de saveur : parmi les 24 écoliers restés fidèles à la laïque se trouvaient les deux détenteurs des manuels interdits ; aucun des déserteurs n’avait même de livre d’histoire.



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GRAND PONT ET NIVE BIDARRAY 1912
BASSE-NAVARRE D'ANTAN


La situation reste stationnaire pendant plusieurs mois. Les réfractaires ne rentrent point. L’instituteur et l’institutrice ne bougent pas, ne répondent pas aux injures du journal clérical de l’endroit.



Viennent les élections municipales. La liste du maire sortant, aux convictions politiques assez flottantes, est en lutte contre une liste franchement cléricale, inspirée par le curé. La bataille est vive. Le curé et le vicaire savent que la partie, pour eux, est décisive. Ils n’hésitent pas à donner de leur personne pour le succès de la bonne cause.



Dès l’ouverture du scrutin, ils étaient à la porte de la mairie, avec quatre électeurs dévoués, qui s’installèrent au bureau. Afin d’être libres, ils avaient dit la messe plus tôt que de coutume. La grand’messe devait être célébrée par un confrère voisin, d’ailleurs électeur dans la commune. Le vicaire fut nommé secrétaire du bureau. Le curé, à la porte, distribuait les bulletins et surveillait les opérations.



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VUE GENERALE BIDARRAY BASSE-NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ni l’un ni l’autre n’assistèrent à la grand’messe. Seul le curé prit part à la procession qui la précéda.



Ni l’un ni l’autre n’assistèrent aux vêpres : et notez que c’était le premier dimanche du mois de Marie.



Enfin, tandis que le curé, voyant sans doute que tout marchait à souhait, consentit à quitter son poste quelques minutes pour prendre son repas, le vicaire, lui, ne broncha pas de toute la journée et se restaura, avec ses collègues du bureau, dans la mairie. A la guerre comme à la guerre, pas vrai ?



Un zèle si ardent méritait d’être couronné de succès. Il le fut. La liste cléricale était, le soir, élue tout entière. Quelques jours après, l’instituteur était, sans plus de forme, révoqué de ses fonctions de secrétaire de mairie, et remplacé par le vicaire. Monsieur le curé avait dans sa paroisse réalisé le rêve de théocratie caressé par Hildebrand.



Mais, le triomphe acquis, point n’était besoin de maintenir la population au degré d’excitation favorable à la campagne électorale. D’un autre côté, depuis trois ou quatre mois que leurs enfants polissonnaient dans les rues, les parents commençaient à se lasser. Car il n’était pas possible d’ouvrir une école libre et payante. Les électeurs basques donnent volontiers leurs suffrages, mais ils ont peu d’argent à gaspiller, même pour des œuvres pies. Que faire ? Le curé triomphant — tel un roi à son avènement — remit leurs peines aux prisonniers, ferma les yeux sur les crimes de l’école laïque : il permit aux enfants d’y rentrer. Pas à tous, non. Aux garçons seulement. L’institutrice, plus coupable — il paraît qu’elle avait affirmé l’existence de douze dieux ! — devait encore faire un temps de purgatoire. Mais ne doutez pas que l’absolution ne lui soit donnée à son tour...



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DOUANIERS BIDARRAY 1916
PAYS BASQUE D'ANTAN



Je pourrais indiquer bien d’autres faits analogues. Nombre de maîtres ont vu littéralement leurs écoles désertes. Ils espèrent qu’après le vote de la R. P., le budget, les vacances parlementaires, la journée de 10 heures, le Maroc, le programme naval, et une vingtaine d’autres affaires évidemment plus urgentes, le gouvernement républicain daignera s’occuper d’eux. En attendant, la "pierre angulaire" branle.



Agréez, Monsieur le Directeur, l’expression de mes sentiments dévoués."








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