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lundi 27 mai 2024

LE CHÂTEAU DE LUXE-SUMBERRAUTE EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (deuxième et dernière partie)

 

LE CHÂTEAU DE LUXE-SUMBERRAUTE.


Le château des seigneurs de Luxe date du 11ème siècle et le château de Luxe lui a succédé à une date inconnue, remis en état et agrandi au 18ème siècle.




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VUE D'ENSEMBLE ET CHÂTEAU
LUXE-SUMBERRAUTE BASSE-NAVARRE D'ANTAN





Voici ce que rapporta à son sujet le Bulletin du Musée Basque N°2 de 1931 :


"... Le château de Tardets, habité par les Luxe depuis cette époque, a disparu depuis longtemps. Cependant on ne saurait se dispenser d'en faire mention, ainsi que des événements auxquels fut mêlé Charles de Luxe, car plusieurs des seigneurs dont il sera question dans la suite y joueront, eux aussi, un rôle important.



Charles de Luxe hérita non seulement des biens de son père, mais de sa politique et de ses défauts. Quoique fixé en Soule, il continua à être un ferment de troubles et de discordes dans tout le pays et il faut dire qu'il fut bien servi par les circonstances.



Lorsque Jeanne d'Albret introduisit le protestantisme dans la Soule, elle se heurta à une résistance demi-politique, demi-religieuse et, parmi ses adversaires les plus acharnés et qui lui résistèrent par les armes, il faut citer Luxe, Armendaritz, Domezain, Uhart et Echaux.



Un premier soulèvement se produisit en 1567. Les ligueurs se réunirent à Saint-Palais, enlevèrent le pasteur Tardets d'Ostabat et l'emmenèrent prisonnier. De là, ils se dirigèrent vers Garris qu'ils assiégèrent et, après l'avoir pris, ils firent prisonnier son châtelain Lalanne d'Ispoure. Mais ces opérations n'eurent pas de suite, car les populations restèrent indifférentes à ce qui se passait. Aussi, lorsque le futur Henri IV, envoyé par sa mère, parut dans le pays, il y fut bien accueilli et les rebelles n'eurent d'autre ressource que de prendre la fuite.



L'année suivante, en 1568, la reine Jeanne se rendit à Saint-Palais pour l'ouverture des Etats de Navarre ; elle fit condamner et pendre quelques-uns des acteurs secondaires de ces troubles. Quant aux meneurs, ils se rendirent un peu plus tard à Pau sur l'ordre de la reine, pour "faire leur soumission et hommage et obtenir leur pardon". D'Echaux fut le seul à tenir son serment et, peu de temps après, la guerre civile recommença.



Les événements qui suivirent sont trop connus pour qu'il y ait lieu de les raconter en détail. Qu'il suffise de rappeler que Charles IX, profitant de ce que Jeanne d'Albret avait rejoint, en 1568, le prince de Condé chef du parti protestant, envoya Terride pour rétablir le catholicisme dans les états de cette reine. Ce fut le prétexte, pour ce chef de bandes, de mettre le pays à feu et à sang ; mais, à peine arrivait-il à Orthez, que, surpris par Montgomery à la tête d'une armée plus nombreuse, il dût fuir et que le résultat cherché ne fut pas atteint.





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GABRIEL 1ER DE MONTGOMMERY



En même temps qu'il donnait à Terride cette mission, le roi de France écrivait à Luxe dont il connaissait le peu de fidélité à sa souveraine, pour lui ordonner "de se saisir et de mettre en sa main les terres, villes, places, châteaux et seigneuries appartenant à la dite Reyne et estans du ressort et juridiction du roy".



Charles de Luxe partit donc en guerre une seconde fois contre la reine de Navarre, avec les mêmes alliés que précédemment, sauf Echauz. Il s'empara des châteaux de Garris et de Mauléon, bien que ce dernier fut défendu par son beau-frère Jean de Belsunce ; mais il n'eut pas le temps de profiter de ces avantages car l'arrivée de Montgomery l'obligea, lui et ses partisans, à se réfugier dans les hautes vallées de Soule et dans les montagnes.



Après le départ du chef huguenot, Charles de Luxe tenta une dernière opération qui n'eut pas plus de succès que les précédentes. Après avoir réuni quelques partisans à Barcus il marcha sur Oloron ; mais le baron d'Arros, lieutenant général de Jeanne d'Albret, l'obligea à retourner dans le pays basque où ses partisans se débandèrent et d'où lui-même passa en Espagne.



Vaincu et fugitif, ayant perdu son influence et son prestige, Charles de Luxe sollicita son pardon de la reine de Navarre qui le lui refusa. Il se fixa alors à Ochagavia avec sa femme et quelques-uns de ses partisans. Après la mort de Jeanne d'Albret seulement, en 1572, il obtint l'autorisation de revenir à Tardets, où il termina, le 18 Juillet 1604, une existence pleine de déboires pendant laquelle, s'il fit un peu de bien, il causa sûrement beaucoup de mal.



Ses biens passèrent aux Montgomery par sa fille aînée Charlotte-Catherine qui avait épousé, en 1593, Louis de Montmorency-Bouteville. En 1671, François-Henri de Montmorency les vendit au comte de Troisvilles et ils échurent aux Montréal dans les circonstances que l'on trouvera indiquées dans l'article concernant le château d'Eliçabia.




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CHÂTEAU DE TROIS-VILLES SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN


On ne sait rien du château de Tardets. On ignore l'époque de sa construction aussi bien que ses dispositions. Tout ce que l'on peut dire c'est qu'il couronnait le sommet du mont Gaztelugain qui domine le village de Sorhulu et le bourg de Tardets appelé autrefois Villeneuve-les-Tardets. Entièrement reconstruit par Charles de Luxe, ce château disparut vers la fin du XVIIIe siècle.



Les gens qui se distinguèrent par une grande bonté ou une grande méchanceté donnent souvent lieu à des légendes. Les Luxe entrent dans la seconde catégorie. Il faut leur savoir gré cependant d'avoir enrichi, bien à leur insu, la littérature basque d'une de ses plus jolies poésies "la chanson de Berteretch". Aussi, en terminant cette notice peu flatteuse pour leur mémoire, n'est-il peut-être pas sans intérêt de montrer un des aspects sous lesquels ils ont frappé l'imagination populaire.



La chanson de Berteretch est le récit d'un meurtre autrefois attribué au comte de Troisvilles qui, en réalité, marque un épisode des luttes entre les Gramont et les Luxe. C'est ce qui résulte d'une étude de M. de Jaurgain au Congrès de Saint-Jean-de-Luz en 1897, opinion confirmée par M. Gavel dans une communication à la Société des Sciences, Lettres et Arts de Bayonne en 1924.



D'après ces deux critiques, les faits ont dû sans doute se passer entre 1434 et 1449, époque pendant laquelle la lutte était particulièrement violente. Les meurtres et les violences contre les personnes étaient journaliers.



Tantôt c'est un bourgeois, Jean de Licq, dont la porte est enfoncée pendant la nuit et qui est mis à mort dans son lit .



Un autre jour un nommé Rutigoïti, en revenant de Licq, tue sans raison un idiot qui coupait de la fougère. Un peu plus tard, ce même Rutigoïti agit de même à l'égard du potestat Cazenave de Suhare de Barcus et du seigneur de Laxague "sans nul merci et sans qu'il ait fait déplaisir ou dommage à homme du monde".



Ces exemples montrent dans quel état était la province de Soule quand se produisit le meurtre poétisé par la chanson.



Berteretch était un riche Souletin qui mettait son influence au service des Gramont. Le châtelain de Mauléon, Louis de Beaumont, parent des Luxe et favorisant leur parti, voulut se débarrasser de cet adversaire gênant, ou tout au moins, se saisir de sa personne. Dans la nuit de Pâques, il se rendit à Larrau où habitait Berteretch, frappa à sa porte et le pria de sortir pour lui parler. 



Cette démarche, à une heure semblable, éveilla les soupçons de Berteretch et il fit part de ses appréhensions à sa mère. Cependant, il se rendit à l'appel de Beaumont ; mais, à peine était-il dehors qu'il était appréhendé et que la petite troupe reprenait le chemin de Mauléon. Que se passa-t-il en route ? Berteretch chercha-t-il à s'échapper ? La chanson ne le dit pas. Rien d'anormal ne se produisit au commencement, mais, arrivé à un carrefour près de Tardets, il fut tué et la fille de la maison d'Espeldoy, en sortant, le matin, trouva son cadavre tout sanglant. Une pierre tombale marque encore aujourd'hui l'endroit du meurtre, comme il est d'usage dans le pays basque.



Tel est le motif de la chanson dont ci-dessous la traduction :


Chanson de Berteretch.



famille soule pays basque autrefois menditte
BLASON FAMILLE BERTERECHE DE MENDITTE
PAYS BASQUE D'ANTAN



L'aulne n'a pas de moëlle

Ni le fromage d'os ;

Je ne croyais pas que les gentilshommes disaient les mensonges.



La vallée d'Andoce

Oh ! la longue vallée !

Trois fois elle m'a fauché le coeur sans arme.



Berteretch, du lit

A la servante, avec douceur

"Va, et regarde s'il paraît des hommes".



De suite la servante

Comme elle l'avait vu, 

Que trois douzaines vont et viennent d'une fenêtre à l'autre.



Berteretch, de sa fenêtre

Complimente le seigneur comte

Il lui offre cent vaches avec leur taureau à la suite.



Le seigneur comte aussitôt

Comme un traître :

"Berteretch, viens à la porte, tu retourneras de suite".



"Mère, donne-moi la chemise

Peut-être celle pour jamais !

Qui vivra se souviendra du lendemain de Pâques."



Oh ! la course de Marie Saintz

A la descente de Bustemendia !

Elle est entrée dans la maison de Bustonaby de Lacarry en se traînant sur les genoux.



"Jean Bustanoby

Mon frère bien-aimé,

S'il n'y a de secours de toi, mon frère est perdu !



Soeur tais-toi,

Je t'en prie, ne verse pas de larmes,

Ton fils s'il vit encore, est peut-être arrivé à Mauléon."



Oh ! la course de Marie Saintz

A la porte du seigneur comte !

"Aie ! Aie ! Seigneur, où avez-vous mis mon galant fils ?"



"Avais-tu toi de fils

Autre que Berteretch ?

Il est aux environs d'Espeldoy, mort, relève-le vivant !"



Les gens d'Espeldoy

Oh ! les gens dénués de sentiments !

Qui avaient un mort si près d'eux et n'en savaient rien.




La fille d'Espeldoy

Se nomme Marguerite

Elle ramasse le sang de Berteretch à pleines mains.



La lessive d'Espeldoy

Oh ! la belle lessive.

Des chemises qui étanchèrent le sang de Berteretch.

Il y en a, dit-on, trois douzaines..."








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