LE CHÂTEAU D'ELIÇABIA À TROIS-VILLES.
Cela fait plusieurs mois que je vous présente divers châteaux du Pays Basque.
Aujourd'hui, c'est celui de Trois-Villes, en Soule.
Je vous ai déjà présenté les châteaux suivants : Urtubie (Urrugne), Arcangues, Maytie (Mauléon),
Bidache, Haïtze (Ustaritz), Beraün (Saint-Jean-de-Luz), Artigaux (Moncayolle), Lacarre,
Irumberry (Saint-Jean-le-Vieux), Ahetzia (Ordiarp), Ruthie (Aussurucq), Cheraute, Ahaxe,
Charritte et Menditte.
Voici ce que rapporta au sujet du château Eliçabia, à Trois-Villes, J. Nogaret, dans le Bulletin du
Musée Basque N°8 de 1934 :
"Le château d'Eliçabia est de construction relativement récente ; il date du 17ème siècle et peut être donné comme un type très pur de l'architecture du style Louis XIII. Son premier propriétaire n'était ni d'une ancienne noblesse, ni d'une vieille famille du pays. Il n'en eut pas moins une existence intéressante à rappeler, car son nom est encore aujourd'hui, bien connu du public.
Très rares en effet sont les personnes qui n'ont pas lu le célèbre roman d'Alexandre Dumas "les Trois Mousquetaires", mais ce que beaucoup ignorent, c'est que les quatre héros de cet ouvrage ont bien existé et ne sont pas une pure fiction. Plusieurs auteurs, notamment M. de Jaurgain, dans une étude très complète ayant pour titre : "Trois-villes, d'Artagnan et les trois mousquetaires", en ont donné une biographie détaillée et parfaitement exacte.
LES MOUSQUETAIRES DU ROI CLICHE PATHE |
Les trois mousquetaires et leur ami, d'Artagnan, cadet dans la compagnie des Gardes, n'appartenaient pas au Pays Basque. Ce dernier était gascon, les trois autres béarnais ; mais leur chef, le capitaine-lieutenant des Mousquetaires, le point de mire de tous les jeunes gens nobles allant chercher fortune à Paris, était du Pays Basque quoique d'origine béarnaise. C'était, on s'en souvient, M. de Trois-villes, appelé à la cour, Tréville, qui, revenu en Soule, à la fin de sa carrière, fut la cause d'événements qui valent la peine d'être rapportés tant à cause de sa personnalité que des conséquences qu'ils eurent pour les habitants.
CHÂTEAU DE TROIS-VILLES SOULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il était petit-fils d'un modeste tailleur de pierre appelé Peyrer ; mais son père, dénommé Jean de Peyrer, ayant fait d'excellentes affaires dans le commerce avec l'Espagne et acquis une assez grosse fortune, fut qualifié d'"honorable homme et marchand, puis de bourgeois de la ville d'Oloron" qu'habitait la famille depuis une époque inconnue. Retiré des affaires il pensa à acheter la seigneurie de Trois-villes qui était mise en vente dans les circonstances suivantes.
PORTRAIT DE JEAN-ARNAUD DE PEYRER COMTE DE TREVILLE Par Frères Le Nain — Derived from Private collection, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=58227034 |
Ce domaine était un des anciens biens nobles du pays de Soule et il est probable qu'avant le château actuel, il existait au même emplacement ou ailleurs, une belle habitation. On n'a aucun renseignement à ce sujet avant l'année 1546, lorsqu'il passa, par le mariage de son héritière, dans la maison d'Ahetze. Il n'y resta pas longtemps. L'unique descendante des seigneurs d'Ahetze, Hélionor, ayant épousé Arnaud d'Echauz, celui-ci vendit tout ce que possédait sa femme à Trois-villes à Isabelle de Sauguis, le 1er mai 1584. Quelques années plus tard, par contrat du 18 septembre 1607, Jean de Peyrer acquit ces biens de la dame de Sauguis, pour la somme de quinze mille livres.
Cette terre étant noble et la noblesse de Soule étant attachée à la glèbe, elle conféra à son nouveau propriétaire le droit de se qualifier d'écuyer et de siéger, avec les gentilshommes, aux Etats de la vicomté de Soule. Jean de Peyrer s'y fixa définitivement avec sa famille et y vécut jusqu'à sa mort. Des arrangements ultérieurs firent de son fils Armand-Jean, l'unique héritier du nom, du titre et des terres avec les droits et devoir seigneuriaux qui y étaient attachés.
On ne sait rien de sa jeunesse d'Armand de Peyrer, si ce n'est que son instruction militaire fut confiée à un gentilhomme des environs et que le recteur de Trois-villes lui apprit à parler et à écrire convenablement le Français. Lorsqu'il eut atteint l'âge de 16 ans, il partit pour chercher fortune à Paris, en vrai cadet de Gascogne, à pied, une légère valise sous le bras et, au côté, une longue épée sur laquelle reposaient tous ses espoirs. Ils étaient si bien placés que, trente ans après son admission au régiment des Gardes, ayant fait toutes les campagnes du règne de Louis XIII, il était capitaine des Mousquetaires et gentilhomme de la chambre, c'est-à-dire qu'il occupait, à la cour, une des plus grosses situations, après celle de prince du sang. Compromis dans la conjuration de Cinq-Mars, il perdit sa charge dont Richelieu exigea la suppression. Après la mort du premier ministre, il chercha vainement à la recouvrer, mais il ne put y parvenir et c'est ce qui le décida à revenir dans son pays.
Mais le retour du capitaine des Mousquetaires ne fut pas un événement heureux pour les Souletins. Trois-villes passait pour avoir assez mauvais caractère ; il était, comme tous les grands seigneurs de cette époque, très orgueilleux, jaloux de ses prérogatives et assez près de ses intérêts. En 1637, il avait épousé Anne de Guillon, fille du contrôleur général de l'artillerie et la dot de sa femme lui avait permis d'agrandir ses domaines de la baronnie de Montory et des villages voisins. Avant cela il avait obtenu du roi Louis XIII des lettres patentes lui conférant tous les droits de juridiction sur les territoires de Trois-villes et de neuf localités environnantes.
CARDINAL DE RICHELIEU (1585-1642) |
Enfin, le roi, ayant mis en vente son domaine royal comprenant des seigneuries, des droits de justice et le château de Mauléon. Trois-villes s'en rendit adjudicataire pour la somme de soixante-dix mille livres. Par ces diverses acquisitions il devenait une sorte de vice-roi et se trouvait, dans la hiérarchie féodale, au-dessus des anciens vicomtes. Cette situation était acquise au préjudice de la cour de Licharre dont le ressort se trouvait sensiblement diminué, du capitaine-châtelain, Armand de Belsunce, auquel on avait promis, une rente de trois mille livres à la place du revenue du domaine royal beaucoup plus élevé et de tous les habitants à la charge desquels était mise cette rente et qui étaient victimes d'une violation flagrante des privilèges auxquels ils étaient fermement attachés.
CHÂTEAU DE MAULEON SOULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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