LA PORCELAINERIE DE CIBOURE AU 18ÈME SIÈCLE.
Avant la Poterie de Ciboure, société officiellement fondée en 1922, il a existé, au 18ème siècle, dans cette commune du Labourd une fabrique de porcelaine.
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PLAN RADE ST-JEAN-DE-LUZ CIBOURE 1795 PAYS BASQUE D'ANTAN
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Voici ce que rapporta à ce sujet Ernest Labadie, dans Notes et documents sur quelques
faïenceries et porcelaineries de la Gascogne au XVIIIe siècle :
A Versailles, ce 20 décembre 1780.
Je n'ai différé, Monsieur, de répondre à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 11 novembre au sujet de la découverte qu'a faite dans ses terres le sieur de Soubelette, gentilhomme du pays de Labour, d'une quantité de kaolin et de petunzé suffisante, dit-il, pour approvisionner toutes les fabriques de porcelaine du Royaume, que parce que je désirerois être plus particulièrement instruit de l'utilité dont cette découverte pourrait être à la Manufacture de porcelaine de France. Il n'est pas douteux que cette espèce de terre et de pierre connue sous le nom de kaolin et du pétunzé, constitue une des matières premières de la fabrication de la véritable porcelaine dure.
Je suis informé aussi qu'après plusieurs recherches pour s'en procurer dans l'intérieur du Royaume, on y est enfin parvenu ; les essais et les expériences qui s'en sont suivis ayant eu le succès désiré. Sa Majesté s'est déterminée à faire acquisition pour son compte dans le Limousin, d'un terrain qui en fournit abondamment pour les travaux de sa Manufacture.
A l'égard de la qualité du ce kaolin et pétuntzé, proposes par le sieur do Soubelette, je ne puis qu'en référer à ce qui a été mande par M. Bertin, sur les résultats des essais qu'il avoit fait faire. Mais pour ce qui le concerne les instructions demandées ultérieurement, je ne suis pas surpris du silence de ce Ministre, il n'auroit pu répondre d'une manière satisfaisante sans compromettre les secrets de la fabrication de la porcelaine de France et à son détriment, ce qui ne peut se faire dans aucun cas sous quelques considérations et spéculations que ce puisse être.
Si le sieur de Soubelette avoit sa manufacture montée et en activité d'après des procédés certains et invariables il n'en aideroit sûrement pas d'autres entrepreneurs qui seroient dans l'intention d'en élever de pareilles à la sienne. Il ne le feroit même probablement pas pour la Manufacture du Roi sans rétribution ou indemnité quelconque.
Cette dernière, d'ailleurs, a un privilège exclusif pour les décorations, richesses et peintures en or de la porcelaine, les autres sont limitées dans leur fabrication. Depuis quelques années cependant elles sont sorties de leurs limites, c'est pourquoi le gouvernement s'occupe dans ce moment-ci de nouveaux arrangements convenables aux circonstances, et, à mon égard, en pareille position, le moment n'en seroit pas favorable pour me prêter à des établissements de nouvelles Manufactures de porcelaines que je ne puis envisager que comme ruineux pour tous propriétaires, entrepreneurs ou intéressés.
Comme cependant, Monsieur, rien n'est à négliger pour la progression d'une branche de commerce que Sa Majesté a eu en vue lors de l'établissement de la Manufacture de ses porcelaines, et comme je désire d'ailleurs opérer d'après ses vues dans la Régie et Administration qui m'en est confiée, j'ai cru sur votre observation apercevoir qu'il pourroit être intéressant, vu les facilités pour les communications de la ville de Bordeaux avec l'Espagne, d'y établir un dépôt de porcelaines de la fabrication de celle de France, qui en faciliteroit l'exportation dans cette cour étrangère. Si, après avoir examiné plus particulièrement ce que l'on en doit espérer, vous y trouviés effectivement un avantage réel pour les débouchés et pour augmenter d'autant plus cette branche de commerce, je vous serais sensiblement obligé de concourir avec moi pour établir ce dépôt avec solidité et œconomie.
J'ai l'honneur d'être avec un très sincère attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
(Signé) : D'Angevilles.
A M. Dupré de Saint Maur.
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A Bordeaux, ce 23 janvier 1781
M. Dangevilles, Directeur des bâtiments du Roy, à Paris.
J'ai reçu, M..., la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 20 du mois dernier au sujet des matières de kaolin et de petuntzé dont le sieur de Soubelette, gentilhomme du pays de Labour a fait la découverte dans ses terres et qui lui ont inspiré le projet d'y établir une manufacture de porcelaine, J'aurois principalement désiré, M..., de connoitre avec un détail suffisant le résultat de l'essai qui a été fait à la Manufacture Royale sur des échantillons que j'avois adressés à M. Bertin ; cette connoissance auroit régie le degré de confiance que le sieur de Soubelette peut donner à son entreprise. Il est certain que si elle réussissoit, cela feroit naître une branche de commerce avec l'Espagne en se bornant aux ouvrages communs qui sont à la portée de la multitude des consommateurs, autrement les ouvrages précieux tels que ceux de la Manufacture Royale ne trouveroient pour ainsi dire point d'acheteurs, et c'est la raison pour laquelle je crois qu'il seroit inutile et même dispendieux d'en former un magasin à Bordeaux.
J'ai l'honneur d'être avec un respectable...
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Versailles, 18 février 1781.
Quoique j'aye eu, Monsieur, par ma dernière lettre, l'honneur de vous marquer que je ne croyois pas pouvoir, sans préjudice pour les intérêts de la Manufacture de porcelaine de France, donner les instructions demandées par M. de Soubelette, je ne me crois point tenu à la même réserve relativement aux essays de la terre qu'il a découverte et qui fut envoyée à M. Bertin, au commencement de 1780. Par les renseignements que j'ai pris sur cet objet, je crois qu'il en fut fait des essays qui furent envoyés à M. le Ministre avec une note d'observation qui marquoit l'avantage qu'on pouvoit retirer d'une pareille terre, et en même temps le doute où l'on étoit qu'on put en trouver d'absolument pareille on grande quantité dans la minière. Elle paroissoit avoir été triée et choisie exprès. Je suis étonné que ces essays et ces observations ne vous soyent pas parvenus par l'entremise de M. Bertin, Au reste, comme le Directeur de la Manufacture de Sèvres s'est trouvé avoir encore de cette terre en quelque quantité, il est occupé en ce moment à en faire faire une tasse et une soucoupe qu'il me remettra avec ses observations, que je me ferai un plaisir de vous adresser.
J'ai l'honneur d'être très respectueusement et très véritablement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
(Signé) : D'Angevilles.
A M. Dupré de St-Maur.
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A Bordeaux, ce 1er mars 1781.
A M. de Soubelette fils, à Cibourre.
J'ai reçu Monsieur, en dernier lieu une lettre par laquelle M. Dangivillers, Directeur général des bâtiments du Roi, me marque qu'on doit lui remettre incessamment un nouvel essai des échantillons de vos terres que j'avais fait passer à M. Bertin et qu'il me communiquera les observations que le Directeur de la Manufacture de Sèvres doit lui soumettre à ce sujet, mais on désire de sçavoir si on en trouveroit dans la minière une grande quantité qui fut absolument semblable à celle de ces échantillons qui ont paru triés et choisis avec soin. Je vous prie de me donner à cet égard des éclaircissements précis, ainsi que sur le prix auquel ces terres choisies et lavées pourroient être vendues à Paris. Celles de Saint-Yrieix employées à la manufacture du Roy n'y reviennent qu'à deux ou trois sols la livre, Je ne laisse pas de penser qu'il vous seroit plus avantageux de les mettre en œuvre sur les lieux en prenant les précautions nécessaires pour le succès.
J'ai l'honneur d'être avec un parfait att..."
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MANUFACTURE DE SEVRES
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Nous croyons qu'il eut été dommage de tronquer cette correspondance ou de n'en donner qu'une analyse. Les documents de ce genre sont excessivement rares, on n'en trouve que très peu dans nos archives publiques, même aux Archives nationales ou aux archives de la Haute-Vienne à Limoges. Les porcelainiers du XVIIIe siècle entouraient leur fabrication du plus grand mystère, ils avaient tous des secrets de métier et on vient de voir que la Manufacture de Sèvres ne communiquait à personne ses procédés. La plupart des papiers de nos porcelainiers ont été sans doute détruits, dans tous les cas ils n'ont pas été versés dans les dépôts publics.
C'est donc pour nous et pour nos lecteurs une bonne fortune d'avoir mis la main sur cette correspondance relative à la fabrique de Ciboure. Nous nous étonnons même qu'elle n'ait pas été publiée ou signalée plutôt, les écrivains céramistes en eussent certainement fait leur profit. Il est vrai qu'il n'est pas toujours facile de savoir ce que contiennent nos archives publiques. Beaucoup de fonds ne sont ni inventoriés ni même classés et, quant aux Inventaires sommaires publiés de certaines séries, ils ont été souvent dressés et rédigés d'une manière arbitraire et parfois même fantaisiste. Le rédacteur de ces inventaires a donné, plus ou moins d'étendue à l'analyse de certains cartons ou de certains portefeuilles, selon que le sujet l'intéressait ; plus ou moins. Ainsi, les vingt-quatre lettres que nous venons de publier et qui se trouvent dans le carton n° 1766 de la série C des archives départementales de la Gironde, ne sont même pas signalées dans l'Inventaire sommaire de cette série. C'est par hasard et en cherchant tout antre chose que nous les avons rencontrées. L'archiviste qui a inventorié ce carton ne s'intéressait pas tout simplement aux choses de la céramique. D'antres fois l'archiviste, selon ses opinions politiques et religieuses, mangera un peu de moine et de curé quand il en trouvera sous sa dent, mais aura bien soin de passer sous silence tout ce qu'il pourrait y avoir de fâcheux pour les protestants ou les israélites. Tous ces inventaires de nos archives publiques ne sont pas rédigés sur un programme uniforme et après un demi-siècle de travail et de dépenses et la publication de plusieurs centaines de gros volumes in-quarto à deux colonnes qui rendent, tels qu'ils sont, de très grands services, on vient de s'apercevoir, paraît-il, en haut lieu qu'on avait fait fausse route.
Cette correspondance relative à la porcelainerie du pays de Labourd a une valeur documentaire à plusieurs points de vue. D'abord elle nous fait connaître d'une manière certaine un gisement important de kaolin de première qualité qui aurait été découvert vers 1779 aux environs de Ciboure sur le domaine de M. Soubelette. Si les essais de fabrication de ce gentilhomme n'ont pas réussi et si la porcelainerie qu'il avait construite a été démolie à la suite de ces insuccès, le gisement de kaolin, qui est le sol, n'a pu disparaître comme les constructions de la fabrique et alors on se demande ce qu'il est devenu. Or, il n'en reste aucune trace et les recherches que nous avons fait faire n'ont amené aucun résultat. Etait-ce bien dans son propre fonds c'est-à-dire dans son domaine de Soubelette à Ciboure, que ce gentilhomme avait découvert cette carrière de kaolin ? Ne serait-ce pas plutôt ailleurs dans la région, à Louhossoa par exemple où la Manufacture de Sèvres s'est longtemps approvisionnée, ou à Espelette dont le gisement de kaolin était encore exploité à la fin du XIXe siècle par MM. Vieillard frères, les grands faïenciers bordelais ? Ce n'est que sur les lieux qu'on pourrait se livrer à une enquête sérieuse à ce sujet. Mais il peut se faire que M. de Soubelette ait tenu à dissimuler l'endroit exact où se trouvait ce gisement pour plusieurs raisons et surtout pour que l'Etat ne s'en emparât pas sous prétexte d'intérêt public. On a vu, en effet, par les lettres adressées à l'Intendant de Bordeaux par le Ministre Bertin, que les fonctionnaires de Sèvres s'intéressaient fort peu à la fabrication de porcelaine de M. Soubelette ; ce qu'ils voulaient savoir avant tout c'est si le gisement de kaolin était abondant et si cette argile était de bonne qualité, afin de pouvoir en faire l'acquisition dans de bonnes conditions. On a déjà vu comment, dans une circonstance pareille, ces fonctionnaires Cil avaient agi avec Vilaris, le pharmacien bordelais, au sujet du kaolin de Saint-Yrieix en Limousin, qu'ils eurent pour une bouchée de pain.
De plus, ces lettres nous montrent M. de Soubelette aux prises avec toutes les difficultés de la fabrication de la porcelaine et nous initient à certains procédés propres à cette industrie très spéciale dont il ne connaissait pas très bien l'application. Les gazettes ou cylindres en terre réfractaire dans lesquelles on enferme certaines pièces, comme les assiettes et les plats, et qui jouent un si grand rôle dans la cuisson des produits céramiques, étaient de mauvaise qualité et fondaient au four. Nous savons encore par sa correspondance combien de temps duraient ces fournées et quelle quantité de bois on y brûlait.
Mais ce qu'il y a peut être de plus intéressant dans cette série de documents, c'est l'altitude de la Manufacture de Sèvres qui nous montre bien tout ce qu'a de néfaste le monopole d'Etat. Les fonctionnaires de cette manufacture savaient bien les causes des insuccès de M. de Soubelette et avec un seul mot, peut-être, ils auraient pu l'aider et favoriser l'installation d'une industrie qui dans ce pays surtout, aux portes de l'Espagne, eût eu toutes chances de prospérité. Mais la Manufacture de Sèvres craignait toute concurrence, elle ne livrait pas ses secrets, elle ne les livre pas encore, aussi reste-t-elle en dehors de tout progrès et ses produits n'occupent plus le premier rang dans les Expositions.
M. de Soubelette dut renoncer à créer une porcelainerie à Ciboure, ses insuccès le découragèrent. Les quelques pièces présentables qui sont sorties en très petit nombre de ses fours n'ont pas été conservées et c'est pour cela que les produits de cette fabrique éphémère sont absolument inconnus."
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