Libellés

lundi 2 mai 2022

"LE ROMANCERO DU PAYS BASQUE" PAR FRANCISQUE MICHEL EN 1859

"LE ROMANCERO DU PAYS BASQUE" PAR FRANCISQUE MICHEL.


Francisque Michel, né François-Xavier Michel à Lyon le 18 février 1809 et mort à Paris le 18 mai 1887, est un philologue et médiéviste français, infatigable fouilleur d'archives qui publia de nombreux manuscrits du Moyen Âge, et prit position dans la défense des juifs ou des cagots.




homme france philologue médieviste
M FRANCISQUE MICHEL


Voici ce que rapporta le journal La Gironde, le 4 juillet 1859, sous la plume d'Octave Giraud :



"Le Romancero du pays basque.



...  Nous passons au Romancero du pays basque, par M. Francisque Michel. Nous quittons la poésie pour reprendre la poésie. Mais celle de M. Francisque Michel n’est qu’une traduction française en prose. Nous commençons par dire à l’auteur que nous n’entendons rien au basque, et que nous ne pouvons point juger ainsi de la fidélité de sa traduction. Nous acceptons donc à l’avance son Romancero comme œuvre bien traduite. Mais en mettant à part le mérite intrinsèque des différentes légendes qui composent ce petit livre, nous oserons émettre quelques doutes sur l’authenticité de l’époque de leur composition. Ont-elles cette physionomie simple des œuvres primitives ? A propos des Romances espagnoles, M. Edélestand du Méril disait : 

"Si, par aventure, il nous restait encore quelques romances primitives, telles qu’elles ont été improvisées du douzième au quinzième siècle sur les bords du Guadalquivir ou dans les vallons de la Sierra Morena, dont une main respectueuse aurait seulement enlevé la rouille qui empêchait d’en apprécier la forme, nul ne pourrait le savoir : la plus ancienne édition ne remonte qu’au milieu du seizième siècle et aucun manuscrit ne nous en a conservé de plus vieilles leçons. L'émulation d’Archaisme, qui s’était emparé des faiseurs de poésie populaire, et la grossièreté naturelle des soldats qui, le soir, devant leurs tontes, chantaient en les traduisant dans la langue des camps les traditions dont leurs grand’mères avaient bercé leur enfance, ont même, selon toute apparence, singulièrement interverti la chronologie des romances. Si l’on en excepte encore quelques traits originaux qui ont échappé au badigeon littéraire, ce sont précisément les plus anciennes qui paraissent les plus modernes, et il en est beaucoup parmi les plus récentes que l’on croirait réellement antiques." 



livre roman basque
LIVRE LE ROMANCERO DU PAYS BASQUE
PAR FRANCISQUE MICHEL



Ce sont là précisément les couleurs que nous avons cru remarquer dans les romances basques de M. Francisque Michel, qu’on peut parfaitement comparer avec les romances espagnoles, et qui même nous semblent avoir très souvent une teinte plus espagnole que basque. Il est vrai que ce sont des fleurs nées sur une frontière ; qu’elles ont pris naissance, on peut le dire, sur le même terrain ; qu’elles ont été réchauffées par le même soleil. Mais dans ces romances basques, on peut "distinguer le vieux naturel des falsifications du neuf, et la rudesse naïve d’un poète qui chante, ainsi que l’oiseau des bois, les sentiments que le bon Dieu lui a donnés, des affections de naïveté qu’ou a méditées à sa table de travail, et de la rusticité apocryphe, d’un bel esprit qui s’est drapé dans un sarrau." Quelle est la date des romances basques publiées par M. Francique Michel ? Quels sont les poètes qui les ont écrites ? Pourquoi le texte n’a-t-il pas été mis en regard de la traduction ? Toutes ces précautions auraient mieux dirigé les lecteurs, qui ne peuvent, malgré la réputation de savant bibliophile justement conquise par M. Francisque Michel, accepter sans preuves à l’appui ces trésors de poésie découverts sur les montagnes occidentales des Pyrénées et qui ont la prétention, peut-être méritée, de représenter les mœurs et la physionomie d’un peuple original. Ce n’est point une mauvaise chicane que nous cherchons à l’auteur ; nous croyons qu’il a traduit ces romances d’après un texte véritablement basque ; mais après les avoir lues avec une grande attention, nous ne pouvons les faire remonter au moyen-âge. Elles nous paraissent trop développées pour cela, conçues avec trop d’art, visant trop à l’effet des personnages qu’elles mettent eu scène. Ce sont bien des mœurs basques qu’elles peignent, mais le pinceau nous semble être tenu par une main moderne. La malveillance ne guide eu rien notre jugement, nous n'avons aucun sujet d’être malveillant ; mais comme un convive à table, en buvant les vins qu'on nous sert, nous cherchons à discerner si celui qu’on nous donne pour du vieux n'est pas fait avec du nouveau. L'hôte est sans doute de très bonne foi, mais il peut, lui aussi, se tromper.



Ces précautions prises pour sauvegarder notre dignité de lecteur et de critique, nous allons analyser le mérite des romances qui composent le recueil de M. Francisque Michel. Nous pensons donc qu’elles ne remontent point à des âges très éloignés ; mais telles qu’elles sont, ces romances ont certainement leur valeur. Saubade l’orgueilleuse, Manuel Iturriaga, et surtout le Marchand de chansons ont un doux reflet de sentiment qui nous attendrit. C’est le charme particulier de toutes les scènes d'amour passant par une péripétie de dangers toujours dramatiques et se terminant par la mort de l'amante ou de l’amant, et quelquefois de tous les deux. Dans le Marchand de chansons, l’art simule très bien le naturel ; on ne peut nier la présence de l’art dans cette simplicité apparente ; on ne peut nier que la poésie n’y soit présente aussi, témoin ce couplet :

"Je veux être comme l'oiseau, qui mange le blé sans avoir besoin de le semer, qui ne fait pas de mal aux arbres, s’attaque tout au plus à la toison des brebis laissée aux buissons du chemin, et ne bâtit que pour une saison."


Il y a aussi beaucoup de poésie dans cette chanson que Martin de Barcaztegui chante sous la fenêtre de Saubade l'orgueilleuse :

" — Etoile aimée, cesse de me fermer le chemin qui conduit jusqu’à toi. Il me tarde de quitter la terre qui me retient comme une proie que ta cruauté lui réserve.

— Je suis l’abîme sans fond que les chasseurs ne peuvent regarder sans vertige : où trouveras-tu la force d’arriver jusqu'à moi ?

— Et moi, je suis la pluie d’hiver qui se fraie un passage à travers les cailloux du ravin. J'irai réveiller l’écho de tes profondeurs.

— Je suis le chêne planté aux flancs escarpés du rocher que le pied de l’izard ne saurait gravir. Comment viendras-tu jusqu’à moi ?

— Et moi, je suis la neige portée dans les plis du nuage argenté. Je viendrai, quand il me plaira, me reposer sur tes branches.

— Je suis le lac de glace formé par la chute séculaire des neiges sur le plateau du pic d'Anie. Les êtres qui m’approchent cessent de respirer. A quoi bon penser à moi ?

— Et moi je suis le doux rayon de soleil qui vivifie la nature. Je descendrai sur ton sein pour t’attendrir."



Je ne trouve qu’un peu de prétention dans le naturel de cette poésie-là. Les images semblent choisies avec trop de soin et ne naissent point, comme les fleurs sur la montagne, d’un simple rayon de soleil.



Comme ces ballades cherchent à représenter la physionomie d’un peuple sous ses différentes faces, à côté de celles où se reflètent des sentiments tendres, nous en avons remarqué d'autres qui peignent des vices énergiques ou sombres, comme, par exemple, Benito Zubiri et la légende du seigneur d'Urruty. Benito Zubiri est une peinture originale d’un bandit à la fois audacieux et rasé. La légende du seigneur d'Urruty représente assez bien les mœurs des moines et des seigneurs au moyen-âge. C’est un seigneur qui revient, de la croisade accompagné d’un noir mécréant et qui s’est transformé en mécréant lui-même. Il maudit Dieu, la vierge Marie ; il tue sa mère, un fils qu’il eut autrefois d’une jeune fille ; mais il reçoit le châtiment de ses crimes et meurt sans confession après une catastrophe terrible. Il y a du mouvement dans cette composition, trop longue, il est vrai, pour une simple ballade. Un intérêt sombre et palpitant y est répandu. Deux figures ressortent d’une façon touchante et tranchent avec le visage féroce et brutal du seigneur d’Urruty : ce sont celles de la jeune femme du seigneur et de son fils Petiri, ses deux victimes. C’était, en fin de compte, une assez vilaine époque que le moyen-âge. Elle produisait des seigneurs brigands et des moines vicieux. La misère des peuples et leurs naïves superstitions pouvaient, sans doute, prêter à la poésie ; mais cette misère et ces superstitions étaient contradictoires avec les lois de la raison et de l’humanité. Des nobles maraudeurs, des paysans misérables, de belles châtelaines séquestrées, des jeunes villageoises à la merci de leurs maîtres, voilà te tableau d’une société livrée à la fois à la force brutale et au désespoir. Le bruit des cloches, les prières de l’église, les hautes cathédrales gothiques, la guerre en terre sainte, les sorcières, les miracles, ne pouvaient suffire à consoler ces malheureuses générations dont on a cherché à poétiser les poignantes douleurs. On leur disait bien que leurs souffrances immédiates seraient récompensées par une béatitude éternelle ; mais le simple bon sens et la secrète pensée de Dieu qui sont en harmonie avec le progrès humain contredisent une consolation si peu charitable. En somme, il nous faut plaindre nos ancêtres et nous féliciter de ne point subir la condition morale qui les accablait. Nous y avons échappé ; mais c’est une conquête qui ne peut se conserver que par le libre développement de notre intelligence et par un soin toujours actif, toujours inquiet de notre dignité d'homme. Il est probable que M. Francisque Michel partage nos idées, à cet égard, et que s’il est passionné pour la poésie simple, naïve et colorée du moyen-âge, il plaint aussi les misères de cette époque et en condamne les superstitions. Son livre, imprimé avec goût, honore aussi le savant qui met tant de patience dans ses recherches et qui consacre à la découverte des vieux manuscrits et des livres poudreux une intelligence qui aurait pu, sans doute, produire des œuvres originales."



(Source : Wikipédia)




Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 4 100 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne Youtube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire