LES FRANQUISTES TENTENT DE PRENDRE UN SOUS-MARIN RÉPUBLICAIN.
Cette tentative a eu lieu en territoire français, à Brest, en septembre 1937.
En effet, lorsque l'armée d'Afrique du Nord, conduite par Franco, se soulève contre le
gouvernement Républicain, une grande partie de la flottille de sous-marins espagnols se trouve
à Carthagène.
Celle-ci reçoit l'ordre de se positionner dans le détroit pour contrôler les mouvements de
troupes entre le Maroc et la péninsule ibérique.
La flottille de sous-marins est composée des C-1, C- 2, C-3, C-4, C-5, C-6, B-5 et B-6.
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SOUS MARIN C2 REPUBLICAIN 1937 |
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SOUS MARIN C3 REPUBLICAIN 1937 |
Les autres sous-marins B-1, B-2, B-3 et B-4 sont quant à eux stationnés aux Baléares.
La marine nationale espagnole est déchirée entre Républicains et nationalistes.
De nombreux cadres et officiers de la marine sympathisent avec les rebelles.
La sanction est immédiate : destitution sur le champ, emprisonnement et souvent exécution
sans autre forme de procès.
La promiscuité et une technique plus importante impliquent dans les sous-marins une plus
grande dépendance des marins vis-à-vis des officiers.
En cas de mutinerie les officiers subalternes et les marins hésitent donc à prendre le contrôle
de ces navires.
Le commandement est alors laissé aux officiers, seuls à disposer de la compétence technique
pour conduire cette arme, tout en les soumettant à une étroite surveillance.
C'est la purge au sein de la marine espagnole : beaucoup d'officiers sont débarqués et
emprisonnés.
Les sous-marins C2 et C4, sous l'autorité du gouvernement Républicain sont affectés à la
protection des ports de Gijon et de Bilbao.
Les franquistes progressent vers le Nord de l'Espagne (Pays Basque et Asturies) mais ne
contrôlent pas les voies maritimes, faute de sous-marins, et voient d'un mauvais oeil
l'évacuation par mer des populations civiles et surtout des militaires Républicains.
Ils sont obligés de faire appel à leurs alliés italiens et allemands.
Le 26 août 1937, le port de Gijon est l'objet d'un bombardement aérien qui endommage les
sous-marins C2 et C4.
Passant outre aux ordres de l'Etat Major, les sous-marins jugés inaptes au combat par leurs
commandants quittent la zone de guerre pour se réfugier en France pour effectuer des
réparations : le C4 va vers Bordeaux et le C2 se dirige vers le port breton de Brest.
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SOUS MARIN C2 A BREST SEPTEMBRE 1937
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En France, le gouvernement du Front Populaire s'est engagé dans la non-intervention en
Espagne.
Toutefois, Pierre Cot, Ministre de l'Air et Jean Moulin, son Directeur de cabinet, avec l'accord
tacite de Léon Blum, Président du Conseil, font passer en sous-main du matériel aux
Républicains, tandis que les allemands et les italiens interviennent directement sur le champ de
bataille, en fournissant troupes, aviation, matériel d'armement etc...
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PIERRE COT MINISTRE DE L AIR |
Certains éléments de l'Extrême Droite Française, après l'échec du 6 février 1934
(manifestation antiparlementaire suite à l'affaire Stavisky), se radicalisent, convaincus, de
l'imminence du Grand Soir.
Pour barrer la route au "péril rouge", ils s'organisent en formation para-militaire et
s'engagent dans une étroite collaboration avec les fascistes, les nazis et leurs services secrets.
En collaboration avec les franquistes, certains éléments de la Cagoule (groupe fasciste et
terroriste d'extrême droite), décident de frapper un grand coup et de dérober le sous-marin C2
des Républicains à Brest pour réparation.
Quels sont les protagonistes de cette action commando ?
- le commandant du sous-marine C2 : José Luis Ferrando Talayero (28 ans).
Sauvé in extremis du peloton d'exécution en 1936, il est depuis le 6 juillet 1937 le nouveau
commandant.
Il a convaincu l'équipage de faire route sur Brest et dès son arrivée, il a fait savoir aux forces
franquistes par l'intermédiaire de Mocaër, consul d'Espagne à Brest que le sous-marin est à
quai.
Politiquement, il penche pour la rébellion.
Le lendemain de son arrivée, il s'en va à Paris à l'Ambassade d'Espagne pour rendre compte et
prendre ses instructions.
- le commandant Troncoso : proche des frères Franco, secondé par le capitaine Ibanez, il
est officiellement gouverneur militaire d'Irun et fait partie des services secrets franquistes.
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COMMANDANT TRONCOSO 1937 |
- le Sinfe (Servicio de Informacion de la Frontera Noroeste de Espana) : les services
secrets franquistes. Le service est fondé dès le soulèvement par le Général Mola et il organise
en France la surveillance des Républicains espagnols, le ravitaillement en armes de ces
derniers, la destruction des matériels républicains et la récupération manu militari des bateaux
républicains dans les ports français.
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GENERAL MOLA 1937 |
- la Cagoule avec des membres qui servent de supplétifs pour les
franquistes en faisant du sabotage, de l'intimidation de partisans de Républicains, du
repérage, de la mise à disposition de véhicules etc..., comme Robet ( de Douarnenez), Chaix,
Léon Pardo (d'Hendaye), Sarbrusteguy, Serrat etc...
- Le Servicio de Informacion y de Coordinacion de la CNT et le SIEP proche des
anarchistes espagnols (Buenaventura Durruti) d'Espagne à Perpignan.
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BUENAVENTURA DURRUTI 1937 |
Comment se passe l'attaque ?
- Tout d'abord, des membres du commando (une dizaine de personnes), opérant à visage
découvert essaient de convaincre sans succès l'équipage qui réside à l'Hôtel Moderne de Brest
de rejoindre l'équipage.
Le bâtiment était étroitement surveillé par les communistes, socialistes et anarchistes brestois
qui présentaient un coup de force et qui avaient des informations de première main sur les
projets du commando.
- Le capitaine Las Herras, commandant du sous-marin C4, a rejoint le commando.
Le 18 septembre 1937, il s'introduit sur le C2 en compagnie de ses acolytes.
Troncoso neutralise l'équipage réduit ce jour là à douze membres (sur 47 membres d'équipage).
Le commando n'arrive pas à faire démarrer les moteurs Vickers du sous-marin.
Un membre du commando, Garabain Goni est abattu et l'attaque est avortée.
- Les membres du commando s'enfuient dont le commandant Ferrando. Certains
réussissent à passer en Espagne. Par contre six d'entre eux se font arrêter le lendemain à
Bordeaux et le chauffeur de Troncoso à Hendaye : des anarchistes espagnols infiltrés dans
l'organisation ont donné leur signalement à la Police française, facilitant l'arrestation des
comploteurs.
Troncoso, sûr de son impunité, revient sur le territoire français pour faire libérer son
chauffeur.
Sur instruction du Ministre de l'Intérieur Max Dormoy (Dormois sur son acte de naissance), il
est arrêté et transféré à Brest à la prison du Bouguen.
L'affaire fait la une des journaux français mais aussi étrangers : certains estiment que l'affaire
est une affaire strictement espagnole, d'autres que le péril fasciste se rapproche...
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ARTICLE L'OEUVRE SEPTEMBRE 1937 |
Le Figaro relate :
"Le coup de main du C2 : Un mandat d'arrêt lancé contre l'automobiliste Pardo. On interroge
à Brest une jeune femme qui pourrait donner d'utiles renseignements sur le rôle du
commandant Ferrando.
Paris 24 septembre. La Sûreté Nationale communique qu'un mandat d'arrêt a été délivré par
le juge d'instruction de Brest contre Léon Pardo, dont la complicité dans l'agression du sous-
marin C2 paraît établie.
L'inculpé, qui a pu regagner l'Espagne après la fuite de Brest, se trouverait actuellement à
Burgos. Mme Pardo, qui habite Hendaye, a été entendue par les enquêteurs et leur a déclaré :
"mon mari a quitté Hendaye en automobile le jeudi 16 septembre pour ne revenir que dans
l'après-midi du 19, mais alors sans voiture."
Cette déclaration présente une importance car c'est, on se le rappelle, dans la nuit du 18 au 19
que fut commise l'agression à bord du sous-marin.
D'autre part, différents témoins ont fourni quelques indications qui permettraient de supposer
que Pardo était, lui aussi, à Brest, le jour du coup de main et que peut-être il y participa. La
déclaration de Mme Pardo semblerait confirmer ces dires...."
Le procès :
Les temps ont changé : Léon Blum a cédé sa place à Daladier comme Président du Conseil et
celui-ci privilégie l'apaisement avec Franco, considéré comme le futur vainqueur de la guerre
civile.
En mars 1938, le procès en correctionnelle est vite bâclé. Aux 2 condamnés, il leur reste 3 jours
de prison à purger... le temps de boucler leurs valises pour l'Espagne.
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PROCES ORENDAIN TRONCOSO CHAIX ET SERRAT MARS 1938 |
La succession rapprochée d'événements graves en cette année 1937 (attentats, assassinats ciblés,
plasticage etc...) ferait-elle partie d'un plan visant la déstabilisation du pays par des éléments
extrémistes nationaux et étrangers : la Sûreté Nationale juge la situation préoccupante...
Epilogue :
- le sous-marin C2 quitte le quai de l'Arsenal de Brest pour les Chantiers Navals de St
Nazaire où il subit deux sabotages (machines et batteries).
Les avaries partiellement réparées, le navire reprend la mer sous le commandement du
capitaine de frégate soviétique Nicolai Pavlovich Equipko (Juan Valdés) le 17 juin 1938 et
arrive à Carthagène le 25 août 1938 ;
- le commandant Troncoso : élevé au grade de lieutenant-colonel pendant son
incarcération, perdu pour l'espionnage, il reprend le combat sur le sol espagnol et sera nommé
en 1939 Président de la Fédération Espagnole de Football, puis sera Vice-Président du Real
Madrid.
Il poursuivra son ascension dans les milieux franquistes.
(Source : http://www.utl-morlaix.org/2016/05/08/lattaque-franquiste-du-sous-marin-c-a-brest/)
Merci à Andoni Etxarri pour l'idée de l'article.
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