HENDAYE EN SEPTEMBRE 1937.
Pendant la Guerre civile espagnole, Hendaye, ville-frontière, est aux premières loges du conflit.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Dépêche, le 22 septembre 1937 :
"Les pirates de Franco.
C'est Troncoso qui machina l'attentat de Brest. La justice le garde.
Tamborini "s'est mis à table".
Les explosifs qui servaient aux attentats. La pègre étrangère s'agite.
L'affaire du sous-marin "C2".
On connaît désormais l'instigateur de l'acte de piraterie commis à Brest par une bande d'Espagnole franquistes, à laquelle s'étaient joints des Français poussés par la passion politique.
Cet instigateur, c'est le commandant Troncoso qui, du reste, en a fait l'aveu formel.
COMMANDANT TRONCOSO 1937 |
Le commandant Troncoso est un personnage considérable. Il gouverne, au nom du général Franco, la province du Guipuzcoa, c'est-à-dire tout le pays basque espagnol, d'Irun à Bilbao.
C'est lui qui a présidé aux milliers d'exécutions qui ont ensanglanté cette malheureuse province au fur et à mesure de la défaite des loyalistes espagnols.
C'est lui qui a organisé sur la Côte Basque, en plein accord avec les officiers allemands et italiens qui travaillent à ses côtés, tout un réseau d'espionnage contre la France.
Autoritaire, cassant, il a donné depuis bien des mois du fil à retordre aux autorités françaises. Celles-ci y répondaient par une courtoisie parfois excessive ; c'est ainsi que le commandant Troncoso allait et venait à sa guise d'Irun à Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Bayonne, libre comme l'air, portant ses pas où il le voulait, voyant ses employés et ses amis plusieurs fois par semaine.
Il faut dire à la décharge des autorités qu'elles avaient souvent besoin d'intervenir auprès des représentants franquistes soit pour faire libérer des Français arrêtés, soit pour la défense des intérêts des frontaliers.
Tout a ainsi marché jusqu'au jour où le commandant Troncoso, avec une audace sans pareille, a préparé et fait exécuter par les hommes à sa solde le coup de main audacieux sur le sous-marin "C.-2" en rade de Brest.
SOUS MARIN C2 A BREST SEPTEMBRE 1937 |
Cette fois, il a vraiment dépassé la mesure ; et c'est la raison pour laquelle, sans être arrêté, il est en ce moment tenu à vue à Hendaye.
Il n'est pas douteux qu'il faille s'attendre à une violente réaction du général Franco, dont Troncoso est le bras droit. C'est donc une affaire grave qui commence par ses répercussions possibles.
Du reste, on verra ci-dessous les renseignements qui nous parviennent de nos correspondants particuliers à ce sujet.
JULIAN TRONCOSO SAGREDO |
Le Commandant Troncoso est gardé à vue à Hendaye.
De notre envoyé spécial Gaston Dumestre :
Hendaye, 21 septembre.
— Des événements d'une évidente gravité restituent à Hendaye un peu de sa physionomie de l'an dernier à pareille époque. On n'entend pas le moindre bruit de canon, mais on peut constater pas mal d'effervescence, surtout autour du commissariat spécial.
C'est qu'il s'est passé dans le courant de la journée d'hier des choses assez imprévues.
Hier lundi, à 2 heures après-midi, le commandant Troncoso, venu à Hendaye, était prié de se tenir à la disposition de la police à la suite des événements de Brest auxquels son chauffeur avait pris part.
Un peu plus tard, il était remis en liberté sur un coup de téléphone de l'autorité administrative.
Tout de suite après arrivaient de Paris des instructions différentes. Mais le commandant Troncoso avait déjà repassé la frontière.
Pourtant, les dieux sont justes. A 18 heures, le chef du secteur d'Irun venait comme une fleur sur le territoire français et s'y faisait naturellement cueillir.
Depuis, il est en pension dans les locaux de notre commissariat spécial. Mais, rassurez-vous, il a passé la nuit très confortablement à l'hôtel Liliac. A l'heure où je téléphone, il se trouve de nouveau dans le bureau de M. Ceignard, l'actif commissaire spécial, attendant la décision de Paris qui refera de lui, peut-être, un homme libre.
HÔTEL LILIAC HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Bien entendu, les bruits les plus absurdes ont couru, comme toujours en pareil cas, et nous mettons nos lecteurs en garde contre eux.
Ce matin, à Saint-Jean-de-Luz, dans ce qu'on est convenu d'appeler les milieux bien informés, on affirmait que le gouvernement de Salamanque aurait fait savoir que si le commandant Troncoso n'était pas relâché avant midi, les requêtes et autres franquistes passeraient le pont international pour attaquer Hendaye.
Ce n'est pas vrai.
D'ailleurs, il est midi et demi et pas le moindre indice d'invasion.
Le maire d'Hendaye, le solide et sage Lannepouquet, qui en a déjà vu bien d'autres, a le sourire.
Peut-être aurons-nous bientôt du nouveau.
Le Commandant Troncoso est interrogé à Hendaye.
Pau. 21 septembre.
— Contrairement à ce qui a été annoncé par certains journaux, le commandant Troncoso, chef militaire de la province de Guipuzcoa, n'a pas regagné hier Irun, sa résidence habituelle. Une heure après sa visite au commissaire spécial d'Hendaye, M. Ceugnart, à qui il déclara prendre la paternité de l'affaire du sous-marin, il était prié par ce fonctionnaire de fournir quelques explications supplémentaires sur son rôle dans ce coup de main.
Il s'agissait, cette fois, d'un véritable interrogatoire. Le commandant Troncoso le prit d'ailleurs de haut et affirma qu'il n'était point l'auteur d'une lettre trouvée sur l'un des individus arrêtés à Belin, lettre signée de son nom, où est contenue l'offre de deux millions au commandant Ferrando pour livrer le sous-marin "C-2 " aux nationalistes.
OCCUPANTS DE L'AUTO DE BELIN SEPTEMBRE 1937 ORANDIN CHAIX SABRUSTEGUY JOURNAL L'OUEST ECLAIR 23 SEPTEMBRE 1937 |
Ayant demandé des instructions à Paris, M. Ceugnart a conduit le commandant Troncoso dans un hôtel de la plage, placé sous la surveillance des inspecteurs de la sûreté.
Le commandant Troncoso a passé là cette dernière nuit de lundi à mardi et on ne tardera pas évidemment à prendre une décision à son égard.
Le chef militaire espagnol n'est pas en état d'arrestation. Le seul mandat d'arrêt délivré par le parquet de Brest concerne son chauffeur, un nommé Raphaël Barrela, qui a été écroué ce matin à la prison de Bayonne. C'est Barrela, qui conduisait une des voitures ou se trouvaient les fuyards.
Le marquis de Linarès, qu'il avait également ramené, est passé en Espagne. On croit que ce dernier est bien allé lui-même à Brest pour préparer l'opération, mais il prétend, dit-on, n'y être pour rien.
Comment le Commandant Troncoso fut arrêté. (Lacouture)
Bayonne. 21 septembre.
— Dès lundi matin, ayant appris que son chauffeur Raphaël Porteila, retour de Brest, où il avait conduit en automobile la bande arrêtée à Belin, était retenu à Hendaye, le commandant Troncoso se rendit au commissariat spécial pour réclamer sa libération.
Cette démarche n'ayant pas abouti. le commandant Troncoso revint dans la matinée. Il se heurta une seconde fois à un refus et fut alors invité à se tenir à la disposition du commissariat spécial.
Ayant été autorisé à s'absenter durant l'après-midi pour se rendre à Saint-Jean-de-Luz, c'est lundi soir, vers 7 heures, que se présentant à nouveau au commissariat spécial d'Hendaye, le Commandant Troncoso fut maintenu à la disposition de la justice.
Le commandant militaire d'Irun passa la nuit à l'hôtel Liliac, sous la garde des agents et fut reconduit, mardi matin, au commissariat spécial, où il se trouve encore à l'heure où nous téléphonons.
Il résulte d'un renseignement qui nous a été fourni que, si l'arrestation de Troncoso est maintenue, comme tout semble le faire prévoir, le commandant sera transporté par l'aviso "Etincelle" à Brest pour être mis à la disposition du juge d'instruction de cette ville.
De Linarès, dont on avait annoncé l'arrestation, s'est enfui, mardi matin, en compagnie du capitaine Ibanez, à travers la montagne dès qu'il a su que des mesures avalent été prises contre le chauffeur Raphaël Portella.
Portella, qui était l'objet d'un mandat d'amener du parquet de Brest, a été conduit à la permanence de Bayonne. Il a subi un interrogatoire d'identité et a demandé à être dirigé le plus rapidement possible sur Brest où l'attend le juge d'instruction.
Portella quittera vraisemblablement Bayonne mercredi matin.
Une activité plus que suspecte.
Ce n'est un secret pour personne, en Côte basque que le commandant Troncoso allait d'Espagne en France et qu'il regagnait de même Irun avec la plus grande facilité.
Il s'est rendu dans plusieurs villes, notamment Bordeaux et Toulouse ; mais dira-t-on pourquoi le commandant Troncoso pouvait-il se déplacer si fréquemment sans éveiller spécialement l'attention ?
Nous avons posé la. question.
On nous a répondu que le chef militaire rebelle avait, à maintes reprises, facilité l'échange de prisonniers et d'otages. Il était en relations, de ce fait, à Saint-Jean-de-Luz, avec notre ambassadeur, M. Herbette, et avec l'ambassadeur d'Angleterre. De toute évidence, le commandant Troncoso ne bornait pas ses voyages en France à ses simples relations. Cet homme a abusé de l'hospitalité de notre pays. Depuis quelque temps il y affichait un orgueil proprement insupportable.
Enfin on commençait à s'émouvoir de ses déplacements et des protestations s'étaient élevées. Ces protestations, dont la presse de gauche s'est fait l'écho, visaient aussi le marquis de Linarès qui, appartenant aux troupes franquistes, quittait son uniforme et venait passer en France de nombreuses permissions.
Le marquis a lui aussi aidé à l'échange d'otages, mais il apparaît nettement aujourd'hui que la raison de ses services rendus était bien commode...
Quelles sont ces menaces ?
Il paraît que le commandant Troncoso ne décolère pas depuis qu'il a été prié de se tenir à la disposition de la justice. Il aurait tenu des propos laissant clairement entendre que si on ne lui permettait pas de regagner bientôt l'Espagne, le général Franco userait de représailles. Ces menaces n'émeuvent naturellement personne. Fort de la loi française qui est applicable à tous, le commissaire spécial d'Hendaye examine attentivement le cas du commandant Troncoso qui est traité avec beaucoup de courtoisie.
M. le commandant Troncoso n'est pas prisonnier, mais on veut exactement savoir à quoi s'en tenir sur son rôle dans le coup de main de Brest. Il n'y a rien d'extraordinaire à cela. Nos ports ne peuvent servir de théâtre à des épisodes de la guerre civile espagnole et le gouvernement français a raison de chercher à éviter que de pareils faits se renouvellent.
Le commandant Troncoso a été l'instigateur de l'affaire du sous-marin "C-2". On ne peut, par conséquent, lui laisser regagner Irun sans vérifier son emploi du temps ces derniers jours.
SOUS-MARIN C2 BREST 1937 |
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