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jeudi 9 mars 2023

LES ANIMAUX AU PAYS BASQUE EN 1898 (deuxième partie)

LES "HÔTES DE LA MAISON BASQUE" EN 1898.


Au début du 20ème siècle, les animaux domestiques occupent une grande place, dans le monde rural, et en particulier au Pays Basque.




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BOULANGERE ET SON ÂNE




Voici ce que rapporta à ce sujet la revue bimensuelle La Femme, le 15 avril 1898, sous la plume 

de Mme d'Abbadie d'Arrast :


"Les "hôtes de la Maison Basque".



"... Dans les villages basques, lorsque les jeunes gens organisent une de ces mascarades dont ils tourmentent les personnes qu'ils supposent d'une conduite légère, les veufs et les veuves qui se remarient, les soi-disant mauvais ménages, l'inévitable âne apparaît au milieu du cortège, monté à rebours par celui qui remplit le rôle de l'avocat. Cette cérémonie s'appelle : "Faire Carossa." Les jeunes gens en vêtements blancs sont tout enrubannés de faveurs bleues et roses que l'on a placées cousues sur la couture du pantalon, sur les manches et sur le plastron de la chemise ; ils portent sur les épaules un grand empiècement de taffetas ou de satin de couleurs chatoyantes ; des broches d'or et des bijoux de toutes sortes ornent leur veste, car toutes les parures du village ont été mises à leur disposition ; ils tiennent à la main de longs bâtons agrémentés de noeuds, entourés de rubans comme les houlettes des bergères de comédie ; ils sont coiffés de grands casaques empanachés et comme tous sont de beaux jeunes gens, et des adolescents grands, vigoureux et souples, ils ont fort bon air ; ils dansent le saut basque avec grâce et agilité et forment une procession, musique en tête, qui s'en va à travers le village et s'arrête devant les maisons des notables. Des versificateurs font l'historique de l'aventure ; un dialogue s'engage entre le mari et la femme que représentent des personnages déguisés ; l'avocat, individu à grosses lunettes, fait mine d'enregistrer ce que l'on dit dans un livre qu'il a placé sur la croupe de l'âne. D'une main il tient une énorme plume, de l'autre il tire sur la queue de l'animal.



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LIVRE LE PAYS BASQUE
DE FRANCISQUE MICHEL



Les misères d'un vieil âne sont le sujet d'une chanson en dialecte souletin que M. Francisque Michel a publiée dans son ouvrage si complet, Le Pays basque (Paris, Firmin-Didot, 1857). La chanson dit : 


Avant aussi je connaissais la renommée de cet âne.

Sa carcasse avait été vendue en échange de mensonges. 

Son cou aussi a trois cannes de longueur,

Ses os et sa peau sont tous mangés par les mouches.

Quel est ton travail ?

Marche, gagne-petit,

Ta renommée n'est plus.

Toi qui fus quelque chose autrefois, 

Es-tu venu chez moi pour faire ton testament ? 

Mettons-le dans un champ pour chasser les oiseaux.



Si l'on n'est pas bon pour l'âne, par contre on tient le mulet en haute estime. Le mulet, est l'animal favori du Basque, on le considère comme une vraie richesse pour celui qui le possède et l'on dit :


Quand on est basque et bon chrétien, 

Qu'on a deux mules pour tout bien, 

L'on n'a besoin de rien.




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MEUNIER AVEC FARINE SUR SON MULET
PAYS BASQUE D'ANTAN



On est fier de posséder un mulet grand, vigoureux, de belle espèce. On met un véritable luxe dans son harnachement. Sous le bât orné de garnitures de cuivre qui a une forme haute et vous emboîte, on étend une couverture espagnole, rayée de couleurs éclatantes, bordée de pompons. La bride de cuir est ornée de clous de cuivre ainsi que le frontal qui est en cuir de couleur. Le tout est rehaussé par des pompons et des franges rouges, bleues, jaunes, dont l'effet est très élégant. Un sac de laine à double poche sur les côtés que l'on nomme alforchac, en étoffe de laine à raies de couleurs vives et à franges, forme une sorte de couverture supplémentaire sur la croupe de l'animal. Des deux côtés de l'alforchac, pendent les poches où le cavalier enfouit son bagage. L'homme et la femme, la femme surtout enveloppée de sa longue cape notre, qui lui voile en partie le visage, haut juchés sur le dos du mulet, rappellent, par leur ensemble, par la placidité et la patience de leurs allures, une silhouette d'Arabe du nord de l'Afrique, on dirait de quelque Touareg du désert. Au point de vue du pittoresque comme de l'origine de la race, l'observation paraît intéressante.



Le mulet que l'on traite avec tant de distinction, ne pouvait que tourner à la vantardise. Le proverbe basque lui demande : "Mulet, qui est ton père ?" Le mulet répond : "La plus belle jument qui soit en tous les monts Pyrénées est ma mère." Le proverbe est d'une justesse étonnante. En tout pays la mule qui n'a, semble-t-il, guère sujet de s'enorgueillir, le porte haut, tient à sa respectabilité, choisit avec soin ses relations et prise la bonne compagnie avant tout.



La mule, et c'est là un des traits saillants de son caractère, écrit Froebel (Sept ans dans l'Amérique centrale), témoigne à l'âne autant d'aversion, autant de mépris qu'elle montre de respect et d'estime pour le cheval. Qu'un âne, se prévalant de son parentage avec les mules, leur adresse quelque visite, qu'il se hasarde parmi le troupeau, ses fières cousines le renverront impitoyablement à coups de pied, tandis qu'elles accueilleront le cheval avec tous les honneurs dus à un gentleman de bonne maison. Les Mexicains, ajoute Froebel, tiennent leurs mules réunies en voyage en introduisant dans la caravane quelque jument portant une sonnette au cou. Cette bête qu'ils nomment la jument mère, la "Yegua Madre", est considérée comme une reine par le troupeau. Toutes les mules la suivent et se rangent autour d'elle.



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MULE AU MEXIQUE



A toutes les époques, le mulet, en basque Mandoa, a abondé dans le pays. Il fallait de nombreux mulets pour porter depuis la forêt ou la mine le charbon et le minerai jusqu'aux hauts-fourneaux, où se grillait le cuivre et se coulait la fonte. A mesure que l'on épuisait les forêts, dénudant les montagnes, le prix de revient du charbon et par conséquent du métal augmentait. Lorsqu'il n'y a plus eu de forêt que dans les plus hauts et lointains sommets, l'exploitation a cessé et aujourd'hui les mines sont abandonnées. Les mulets desservaient également les fonderies de canon. C'était à dos de mulet qu'on transportait à Bayonne, pour le service du roi, les pièces de canon. Il n'y avait pas de routes, à peine de mauvais sentiers, où, en traversant des fondrières, tombaient pièces et mulets. Sur des cahiers de comptes qui datent d'avant la Révolution, on voit la mention de pièces qui se sont ainsi égarées sur leur route et ne sont jamais parvenues à destination.



Les misères du charbonnier et de son mulet ont servi de thème à une chanson que M. Francisque Michel a éditée. Le mulet du charbonnier est tout émerveillé de sa bretelle de devant parce qu'elle est moitié chanvre, moitié chiffon, ramassé un à un, çà et là, à terre. Le trait est bien basque. N'est-ce pas une humiliation pour le mulet de partager avec l'âne les loques que la maîtresse de maison met de côté pour servir de bât ? M. Augustin Chaho avait transcrit le texte d'une chanson : "Le Mulet de la Forge." Il y est question du service du roi que les mulets avaient à faire dans les fonderies royales de la Navarre.


Pour le service du roi 

Le mulet va au trot, 

Ses cordes traînant 

Cent noeuds el 

Deux cents bouts.



Encore aujourd'hui c'est à dos de mulet que l'on transporte dans des outres, depuis la frontière, le vin que l'on achète en Espagne. Ce vin prend en séjournant dans les peaux goudronnées un goût fort désagréable. Le muletier attache à la queue-leu-leu cinq, six mulets, et descend ainsi le long des chemins escarpés ; le charbonnier arrive de la forêt, menant également ses mulets en file. Ce sont maintenant les derniers jours de la vie des mulets. Les voilures et les chemins de fer vont bientôt les avoir fait disparaître.



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MARCHAND DE VIN ESPAGNOL
PAYS BASQUE D'ANTAN


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CHARBONNIER
PAYS BASQUE D'ANTAN



Après son mulet, c'est à sa vache que le Basque attache le plus de valeur. La vache représente un gros capital ; il en prend soin plus que de ses parents, surtout si ceux-là sont des vieillards, et lorsqu'elle tombe malade il se hâte d'appeler du secours, tandis que pour sa femme il ne se dérange qu'à la dernière extrémité. Lorsque le veau est né, il entoure la vache de prévenances, il ne la laisse pas sortir et lui donne des boissons tièdes ; si le veau naît dans la prairie, il le rapporte avec soin dans ses bras et ramène la mère tout doucement. La vache basque est d'une race petite, rapide à la marche, fine, d'une robe jaune ou brun très clair, tout unie : c'est un animal de montagne qui a plus de nerf que de poids, peu de lait, mais un lait épais et crémeux avec lequel on élève avec succès les jeunes bouvillons.




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VACHE ET MAQUIGNON
PAYS BASQUE D'ANTAN



On mène à l'aiguillon la paire de vaches sous le joug ; on ne la conduit pas à l'aide de rênes fixées aux oreilles comme dans la Gironde. Les vaches traînent avec bonne humeur sans qu'on ait besoin de les exciter à la besogne. Un proverbe basque rend hommage à celte disposition méritoire : "Au lieu que ce serait au boeuf de se plaindre, c'est la charrette qui fait le bruit." Le bouvier a confiance : il dort sur sa voiture ou il reste en arrière pour causer. Les braves vaches sont si avisées que d'elles-mêmes elles se rangent quand elles croisent une autre voiture ; si le conducteur en passant près d'une place se laisse entraîner à faire une partie de pelote, elles attendent avec résignation que le bonhomme ait repris son bon sens.



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VACHE AU REPOS
PAYS BASQUE D'ANTAN



Leur perspicacité, leur sens d'orientation est extrême. Il est de coutume d'envoyer le bétail dans les pacages communaux de la haute montagne au printemps, à 50 et 60 kilomètres des vallées. Des centaines de vaches sont réunies sous la garde d'un seul berger. Lorsque les vaches d'un même village ou d'une même ferme ne trouvent pas l'herbe abondante, qu'elles se sentent prises du mal du pays, elles se concertent entre elles et subrepticement, à la tombée de la nuit, elles s'assemblent ; la plus belle vache, celle qui porte une cloche à son cou, prend la tête et le troupeau sous la direction de son chef, commence la descente d'un pas régulier en conservant pendant la marche le plus grand ordre. Toutes les vaches s'avancent posément, franchissant pendant la nuit des pays qu'elles n'ont parcourus qu'une fois, elles arrivent au matin dans leur village et se dispersent, chacune d'elles allant se présenter à la porte de son étable. Le maître ébahi de leur retour maugrée contre une fantaisie intempestive, mais force est d'ouvrir, et les bêtes satisfaites reprennent leur place favorite à la crèche. 



En Suisse, comme dans le pays basque, quand vient le mois de juin, le bétail de la plaine monte aux pacages des sommets pour y passer l'été. La plus belle vache marche en tête, elle porte au cou le large collier de cuir ouvragé qui soutient la grosse cloche, le "toupin". On a vu des vaches, raconte Wood (L'homme et la bête), mourir de douleur parce que le toupin et leur rang avaient été transmis à quelque autre."



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VACHE SUISSE AVEC TOUPIN




A suivre...




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