SAINT-JEAN-DE-LUZ ET LES ASSAUTS DE LA MER AUTREFOIS.
La baie de St-Jean-de-Luz a connu de nombreuses tempêtes tout au long de son histoire.
Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 6 mars
1931 :
"Les conférences de Duconténia. La mer à l’assaut de St-Jean-de-Luz. Une page de l'histoire de cette station.
En nous parlant, dans la conférence qu’il vient de faite à Duconténia, des assauts de la mer contre Saint-Jean-de-Luz, M. Dop a traité un sujet d'autant plus intéressant que les vestiges subsistant encore sur la plage d’un quartier de Saint-Jean-de-Luz détruit, excitent la curiosité et que l'historique de cette destruction est une des pages tristes mais intéressantes à connaître de l'histoire de notre ville.
La mer, nous dit M. Dop, a fait autrefois la fortune de Saint-Jean-de-Luz comme elle y contribue aujourd'hui. Mais à une certaine époque, elle l’a jetée dans la misère avec une brusquerie féroce, et justement, au lendemain de ses jours les plus prospères.
Après nous avoir parlé de l'activité des Basques dans l’industrie de la pêche, d’abord pêche à la baleine sur nos côtes, puis au Spitzberg, en Irlande et au Groënland, enfin, pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve, périodes coupées par la guerre de course, M. Dop nous décrit les attaques de la mer contre notre vieille ville. La puissance particulière de l’océan au fond du golfe de Gascogne était une menace permanente.
Sous Henri IV, l'idée de créer un port à Saint-Jean-de-Luz fut étudiée car son envoyé, le maréchal d’Ornano accompagné de l'ingénieur François Boucher, mais se réduisit à la création du port de Socoa.
Plus tard, l’idée fut reprise par Vauban, sous Louis XIV. Il vint à Saint-Jean-de-Luz en 1686 dans le but d’y créer un port militaire et commercial. Ce plan grandiose consistait à établir une rade sûre à l'aide de deux jetées seulement, partant l'une du promontoire de Sainte-Barbe, l'autre de la pointe de Socoa, ne laissant entre elles qu’un étroit passage.
PLAN BAIE DE SAINT-JEAN-DE-LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’exécution de ce plan fut contrariée par les guerres du dix-septième siècle.
En 1703 on décida la construction d’un mur de garantie devant la ville même. Les travaux commencés en 1706 furent terminés en 1708. Cette construction eut pour effet de rassurer les habitants, et la population descendue à 4 800 dans les premières années du dix-huitième siècle, remonta à 10 000 en 1730.
Vers cette époque, la fermeture de la barre qui se produisait de temps an temps, mais d’une façon irrégulière, devint un fait régulier annuel qui nécessitait la reconstruction des jetées démolies par la mer.
La grande catastrophe se produisit le 27 janvier 1749. Une tempête affreuse emporta le mur de garantie, démolit sept maisons et vingt enclos de jardins et fit évacuer cent quatre-vingts immeubles dont les fondations étaient attaquées. Le découragement envahit la population qui déserta en partie la ville. En 1755, le chiffre des habitants descendit à 3 367, tandis qu’à Ciboure ce chiffre tombait de 4 000 à 1 781.
La population réclama le secours des pouvoirs publics. Louis XV envoya l’ingénieur Touros. Celui-ci releva la digue, reconsolida ses fondations, et l’exhaussa. Malgré cela sous les assauts de l’océan, des brèches s’ouvraient, les vagues venaient battre les murs des maisons, déferler dans les rues, les jardins, et lécher le seuil des maisons les plus éloignées dans le quartier de la Barre.
PLAN DE LA CÖTE DEPUIS SAINT-JEAN-DE-LUZ JUSQU'A CAPBRETON PAR TOUROS 1734 |
En 1768, en particulier, les tempêtes remplissent les habitants de terreur.
En 1769 la mer eut raison du seuil de garantie construit deux ans auparavant.
Pour combattre efficacement l’avance de la mer, il fallait s’efforcer de briser son effort plus loin. En 1781 les projets furent étudiés par Brémontier et l’on commença très vite après la construction d'une jetée partant du promontoire de Sainte-Barbe. Une autre jetée partant de Socoa fut commencée en 1785.
Entre temps, l’hiver de 1782 avait été fatal à la ville. Le couvent des Ursulines situé près de la Barre fut abandonné. D’autres maisons furent détruites. Il fut alors question d’abandonner la ville à son triste sort et de la reconstruire sur les hauteurs, du côté Nord.
PORT DE SAINT-JEAN-DE-LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cependant, en 1788, 180 mètres de jetée étaient construits du côté de Sainte-Barbe sur les 540 projetés, et tout autant du côté de Socoa, sur les 450 à exécuter. La Révolution interrompit les travaux. Pourtant, à l’abri de ces ouvrages inachevés, et tant qu’ils tinrent bon, Saint-Jean-de-Luz jouit pendant quelques années d’une sécurité relative. Mais en février 1811, nouveaux désastres.
L’estacade, construite en 1782, fut emportée au cours de deux affreuses tempêtes, en même temps que les jetées de Socoa et Sainte-Barbe subissaient d importantes avaries.
En 1819, Louis XVIII chargea l’ingénieur de Baudre de nouveaux travaux de protection sur la plage même. Ces travaux, malgré leur importance, furent balayés par les tempêtes de 1922 qui durèrent huit jours.
Les maisons qui subsistaient encore sur la plage en 1831 du côté de la Barre furent abandonnées à la fureur de l’Océan, et, sous le règne de Louis Philippe, les laissant en dehors de toute défense, on construisit le seuil de garantie actuel, dans la partie qui va de la Barre à l’hôtel d’Angleterre.
Désormais la part de l’océan était faite, mais le bilan des ruines était formidable. Dans le quartier de la Barre le nombre des rues parallèles à la Barre était réduit de sept à deux. Depuis 1770, cent cinquante propriétés avaient été englouties. De son côté Ciboure avait perdu tout un quartier, qui s’étalait entre l’embouchure de la Nivelle et la route actuelle du Socoa.
Le commerce, autrefois si florissant, n’existait plus. La pêche côtière seule donnait encore quelques ressources et alimentait une petite industrie de salaisons.
La confiance ébranlée des habitants ne revint qu’avec la visite que fit à notre ville l’empereur Napoléon III en 1854. Les études commencèrent aussitôt. En octobre 1863 un décret prescrivit la construction de la digue du Socoa, et, en mai 1867, un autre décret ordonna celle de l’Artha. La jetée de Sainte-Barbe ne fut entreprise qu’en 1875.
C’était la clôture de la lutte de Saint-Jean-de-Luz contre l'océan. En 1873 le seuil de garantie fut prolongé à partir de l'hôtel d'Angleterre, puis quelques années après du côté de Sainte-Barbe, pour former le seuil de garantie actuel. Ici finit la tragique histoire de notre cité, et commence l'ère de prospérité que devait lui donner son doux climat et sa riante situation entre mer et montagne. Nous devons de chaleureux remerciements à M. Dop qui a reconstitué pour nous ces pages de l’histoire de notre vieille ville. Le tableau qu’il nous en a donné est le fruit de ses patientes recherches, et cette conférence affirme une fois de plus, grâce à lui, l’utilité et le charme des réunions hebdomadaires de la Maison du Souvenir.
PLAGE ET HÔTEL D'ANGLETERRE SAINT-JEAN-DE-LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Nous ne devons pas oublier de mentionner avec le conférencier que c’est à Saint-Jean-de-Luz que se fit le premier essai pour la construction des digues, de blocs factices, fabriqués alors dans le port et sur la plage, et transportés sur l’eau par des flotteurs pour être immergés au point voulu. L’emploi s’en est généralisé depuis, mais nous pouvons revendiquer la priorité dans l’emploi.
PORT DE SOCOA 1901 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire