LE MONASTÈRE DE RONCEVAUX EN 1908.
La Collégiale royale de Roncevaux est un édifice religieux situé à Roncevaux, en Navarre, au Pays Basque.
Fondée au 12ème par Alphonse 1er le Batailleur en tant qu'institution hospitalière, elle a été par la suite agrandie et remodelée. Elle marque une importante étape du pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Revue politique et littéraire, le 14 juin 1908, sous la plume de
Jacques Hardy :
"Roncevaux.
... La procession du val Carlos, la première, celle qui ouvre les fêtes, est la moins importante. Elle ne rassemble que les familles de Luzaïde et de quelques hameaux épars, et peu peuplés.
A la procession d’Espinal, les villages accourent en grand nombre et forment un cortège déjà considérable. En tête viennent les enfants sous la conduite du maître d’école ; à leur suite marchent les jeunes gens, puis les pères de famille, et tous chantent des cantiques. Derrière s’avancent le curé et les chantres entourant la croix paroissiale ; enfin, les femmes, formant des chœurs. Le chemin d’Espinal rejoint la route de Pampelune au-dessous de Burguete, proche le col de Luzarreta. Dès que le cortège, avant atteint la croix des pèlerins, commence à monter vers Roncevaux, tous entonnent à pleine voix les litanies de la Vierge.
MONASTERE DE RONCEVAUX PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les prières faites, le retour s'effectue dans le même ordre, mais avec un peu moins de solennité. Les jeunes gens, qui tiennent la tête, pressent le pas, car c'est fête, dans la journée, à Espinal, et leur hâte est grande de rentrer. Sitôt que le curé, tout essoufflé de sa longue marche, après une dernière bénédiction, a permis à chacun de retourner chez soi, les pelotaris se groupent, les équipes se forment et bientôt les balles sifflent dans l’air, vigoureusement lancées.
La procession la plus importante et la plus curieuse, pour le voyageur, est celle du val de Arce. Les populations de ce val, encloses dans leur ceinture de montagnes, vivent isolées et farouches, séparées du monde pendant les longs et durs mois d'hiver, n’ayant que des rapports éloignés avec les contrées voisines dont, à l'ordinaire, elles ne reçoivent les nouvelles que par les contrebandiers et les muletiers. Dans ces esprit simples, engourdis, que nulle émotion, jamais, ne traverse, la procession a pris une importance exceptionnelle, l'importance d'un événement ; elle est le sujet préféré de toutes les conversations dans les veillées, elle est une date, et tous menus faits de la vie courante se rattachent à cette date. Une infinité de légendes se sont formées qui, toutes, gravitent autour du pèlerinage annuel à Notre-Dame de Roncevaux. Avec quelle joie on s'y prépare ! avec quelle impatience on attend le retour du printemps et des grandes fêtes de l'Ascension.
ARRIVEE DE LA PROCESSION DE LA VALLEE D'ARCE RONCEVAUX NAVARRE |
Dès minuit, dans les paroisses lointaines, des familles se mettent en marche, au son des cloches. De tous les hameaux du val elles descendent, elles se hâtent, silencieusement, vers la grand'route. Aux carrefours, des groupes se montrent, qui attendaient dans l'ombre, et se joignent aux arrivants. Tout le val est en mouvement. Le granit des chemins sonne sous les pieds qui trébuchent, et, de tous côtés, les cloches tintent, prolongeant leurs échos sonores au creux des vallées, appelant les pèlerins. Ils accourent, dans la nuit froide, suivant d'étroits sentiers que bordent des précipices, passant, sur des pierres branlantes, des torrents qui roulent à grand bruit, traversant de longs plateaux où le vent aigre balaye les dernières neiges. Ils vont, pleins d’allégresse, insensibles à la fatigue, pressés seulement d’arriver, et, quand l’aube se lève, ils sont tous au rendez-vous, devant le port de Luzarreta. Le cortège, alors, s'organise et bientôt il s'avance avec lenteur dans la sereine beauté du matin. En tête marchent, sur deux rangs, les pénitents, nu-pieds, vêtus d'une sorte de blouse, coiffés de la cagoule et portant, de leurs bras élevés au-dessus de leur tète, une énorme croix dont le bois mal équarri leur meurtrit l’échine ; viennent ensuite, précédés des ayuntamientos, les hommes qui n'appartiennent à aucune confrérie ; puis le clergé, portant les croix paroissiales ; enfin, fermant la marche, des femmes en grand nombre. Et, de toutes parts, les chants s'élèvent, glorifiant la Vierge secourable.
La procession traverse la blanche Burguete, qu’elle remplit d'un murmure sacré, et, montant toujours, elle atteint la croix de Roland. A ce moment les cloches de l’abbaye se mettent à sonner ; encore un peu de chemin, et la voilà à la porte de l’église collégiale où le prieur et les chanoines la reçoivent solennellement. Elle pénètre tout entière dans l'église, et, chacun ayant pris place, une confession générale commence. Après quoi, l’un des curés de la vallée célèbre une grand’messe ; les pèlerins communient, les orgues retentissent, accompagnant les derniers chants, et la cérémonie prend fin.
PROCESSION RONCEVAUX NAVARRE 14 MAI 1902 |
A deux heures les pèlerins sont, une nouvelle fois, réunis dans la vieille église ; ils reçoivent la bénédiction, et le cortège se reforme. Les chanoines prennent la tête et la descente commence, dans le même ordre, bercée des mêmes chants. A la croix de Roland, les chanoines quittent le cortège ; ils regagnent Roncevaux, où déjà le silence s’est fait, un silence que rien ne troublera plus jusqu’aux fêtes prochaines.
Les pèlerins continuent leur route, toujours chantant. De nouveau, ils traversent Burguete, et, quand ils arrivent au port de Luzarreta, la longue procession s’arrête et se divise. On se dit adieu, on se rassemble par paroisses, et, dans la nuit commençante, des groupes, sans cesse diminués, gagnent la campagne, toute bourdonnante du tintement des cloches. Il sera minuit quand les derniers pèlerins arriveront dans leurs villages, après avoir marché prés de vingt-quatre heures, et, dès le lendemain, à pointe d’aube, ils reprendront leurs durs travaux d’un coeur léger, tant la prière a mis en eux de réconfort.
CHAPELLE ET MONASTERE RONCEVAUX NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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