LES FÊTES DE LA TRADITION BASQUE À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1894 (première partie)
LES FÊTES DE LA TRADITION EN 1894.
A partir de 1851, Antoine d'Abbadie institue des concours annuels de pelote et de vers basques, les Lore Jokoak ou Jeux floraux.
FÊTES DE LA TRADITION ST JEAN DE LUZ 1892 PAYS BASQUE D'ANTAN
Je vous ai déjà parlé de ces fêtes de la tradition, dans plusieurs articles : les fêtes de la tradition
en 1892 et en 1897, voici aujourd'hui celles de 1894, racontées par la presse locale et régionale.
La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 23 août 1894 :
"Chronique Luzienne.
Les grandes fêtes que la municipalité de cette ville organisa, en août 1892, pour la première fois, sous le patronage et la présidence de M. Antoine d’Abbadie, membre de l’Institut, en vue de conserver les vieilles traditions nationales du peuple basque, vont être de nouveau célébrées les 20, 27, 28 et 29 août courant.
Elles constituent le spectacle le plus curieux et le plus digne d’attention pour tous ceux qu’intéressent un pays d’une beauté exceptionnelle, une des plus anciennes races du monde, conservée dans sa pureté et son originalité primitives à travers les vicissitudes des âges, une population qui joint à la simplicité des mœurs et à la dignité du caractère des avantages physiques qu’elle révèle jusque dans ses jeux publics dignes des temps héroïques, et dont l’antique législation nationale, conservée encore dans la partie espagnole, servirait avantageusement de modèle à celles des nations modernes les plus policées.
Un comité a été constitué pour prendre la direction de ces fêtes ; il est ainsi composé :
Président : M. le docteur Albert Goyenèche, maire de la ville de Saint-Jean-de-Luz.
Vice-présidents ; MM. Henry de Larralde-Diustéguy, conseiller général, maire d’Urrugne ; Gustave Leremboure, maire de Sare.
Membres : MM. Léon Bonnat, membre de l’Institut ; Charles Petit, conseiller à la cour de cassation ; Evariste Baignol, maire de Ciboure ; Charles Bordes maître de chapelle de Saint-Gervais ; Emile Ducourau, banquier ; Alexandre Dargalguaratz, pharmacien ; Dominique Larréa, Carlos Petit, adjoints au maire ; les conseillers municipaux de la ville de Saint-Jean-de-Luz.
Secrétaires : MM. Victor Duhart, Arnaud Pochelu.
Trésorier ; Antoine Poublan, receveur municipal.
Voici le programme des fêtes :
Dimanche 26 août. — A quatre heures de l’après-midi, cortège formé place de la Mairie pour se rendre à la cour du pensionnat Sainte-Marie ; concours d’improvisations et d’irrintzinas ; danse nationale "Auresch" par les jeunes garçons d’Andoain (Guipuzcoa). A neuf heures du soir, musique, danses populaires sur la place Louis XIV.
Lundi 27 août : A dix heures du matin, grande partie internationale de paume au rebot entre joueurs français et espagnols. Espagnols : El Manco, Beloqui Irun, Choperena. Français : Chilhar, Otharre, François Larronde, Chiqui.
PILOTARI EL MANCO DE VILLABONA
PILOTARI JEAN-PIERRE BORDA DIT OTHARRE Copyright : Musées-municipaux Rochefort 17
A quatre heures de l’après-midi, danses héroïques et traditionnelles du pays basque-espagnol par les jeunes danseurs d’Andoain (Guipuzcoa), entrée place du Collège. — A neuf heures du soir, musique, danses populaires sur la place Louis XIV.
Mardi 28 août. — A dix heures du matin, grande partie de blaid au Chistera. A trois heures de l’après-midi, pastorale souletine : Les Quatre Fils Aymon, jouée par les jeunes gens de Barcus, arrondissement de Mauléon, suivie de concours de la danse nationale du saut basque. A neuf heures du soir, musique, chansons de danses populaires sur la place Louis XIV.
Mercredi 29 août. — De huit heures à dix heures du matin, jeux d’adresse et d’agilité. A dix heures, partie de blaid à mains nues. A quatre heures de l’après-midi, grande mascarade souletine. A neuf heures du soir, musique, danses populaires sur la place Louis XIV."
Les voyageurs pour Dax, Bayonne, Irun, en voiture ! Et me voilà en wagon, ayant pris un billet pour Saint-Jean-de-Luz, où doivent avoir lieu les fêtes de la tradition basque, auxquelles je tiens à assister, en ayant remporté, il y a deux ans, un souvenir très profond.
Fêtes de plein air, auxquelles il faut le concours du soleil pour être belles, et me souvenant des averses agaçantes. Je me demandais avec anxiété si la pluie allait continuer à tomber à Saint-Jean-de-Luz comme à Bordeaux.
Le brouillard nous accompagne jusqu'à Pessac ; là, il se dissipe. Je puis espérer — le soleil se montre radieux derrière quelques nuages ; la journée sera belle.
Nous voilà à Saint-Jean-de-Luz ! toute la ville est enguirlandée et pavoisée de drapeaux de France et d'Espagne, car un grand concours de paume va avoir lieu entre les Basques français et les Basques espagnols. Je me hâte de déjeuner, l’affaire de quelques instants, et je vais rendre visite à M. le docteur Goyeneche, maire de Saint-Jean-de-Luz, qui m'a gracieusement invité.
La fête commence. Voici les sapeurs-pompiers, armés de chassepots ; la garde des fêtes publiques, formée de jeunes gens de l'endroit coiffés d'un béret à* pompon tricolore et munis de makilas ferrés.
Le cortège sort à quatre heures de l'hôtel de ville, pompiers et musique en tête, escorté sur les côtés par la jeune garde d’honneur ; puis viennent sept drapeaux rouges des provinces basques, qui sont salués par la foule ; les Enfants d’Andoain, les gaïteros, les tambourinaires, les quatre fous, de vieilles connaissances, toujours coiffés de plumes et de fleurs, et tenant le petit fouet en main en lace du grelot traditionnel ; puis viennent l'Orphéon et le Conseil municipal.
GAÏTEROS DE ESTELLA NAVARRE PAYS BASQUE D'ANTAN
La musique joue la Marche des Drapeaux, de Sellenick ; le cortège entre dans l'église, les drapeaux vont se placer des deux côtes de l'autel, la cérémonie commence.
Après la messe, on se rend à la mairie aux sons de l’Hymne serbe. La reine Nathalie entre au bras du maire. La reine, qui a habité le Pays basque, est présidente d'honneur des fêtes ; elle s'assoit devant l'estrade où les danseurs et les improvisateurs vont concourir tout à l'heure. Elle a à ses côtés M. d'Abbadie, membre de l'Institut et président d'honneur des fêtes, et Mme d'Abbadie ; M. Bonnat, le peintre, membre de l'Institut ; M. Henry Larralde-Diusteguy, maire d'Urrugne, qui donne l'hospitalité à la reine pendant les fêtes ; M. Charles Petit, conseiller à la Cour de cassation ; M. et Mme Dieulafoy, les explorateurs de la Suziane ; le peintre Arcos et Mme Arcos ; MM. Larrea, adjoint ; Bordes, le maître de chapelle éminent de Saint-Gervais, qui a été chargé par le gouvernement de recueillir et de noter tous les airs basques ; le baron de La Torre, maire de Saragosse ; Mme Goyeneche, qui prend place à côté de la reine: Mme Dragua-Maschine, dame d'honneur.
La fête commence par une ouverture des deux gaïteros, qui jouent des airs de grande allure. Puis, les jeunes danseurs et les quatre Satans alternent tour à tour ; un petit bambin de six ans débute : il suit attentivement les pas de ses jeunes compagnons, et sa gaucherie provoque les applaudissements de toute la foule : la reine lui offre un petit souvenir quand il va regagner sa place.
DANSE DES SATANS TARDETS PAYS BASQUE D'ANTAN
Voici maintenant les improvisateurs — ils sont six : le jeu consiste à dialoguer sur un sujet donné par le jury, qui est composé de MM. Jules Sallaberry, notaire, conseiller d'arrondissement de Mauléon ; J. de Jaurgain, publiciste ; Haramboure, organiste ; Pierre Broussais, étudiant en médecine. Le premier prix d’improvisation a été remporté par Duhaldebehere, de Sare ; le second, par Cubiat, de Behorleguy ; le troisième, par Iribarne, de Saint-Jean-de-Luz ; et le prix d'encouragement par Etcharren, d'Irouleguy.
Après ce concours est venu celui des cris basques, cris de guerre ou d'avertissement, cri strident ressemblant à celui de la sirène des navires à vapeur. L’art consiste à le moduler ou à le pousser, selon l’emploi qu'on en veut faire. Ont été couronnés au concours d’Irrintzinas : Arosteguy et Peneguy.
Le soir, à huit heures, a commencé la fête de nuit sur la place Louis-XlV, magnifiquement illuminée. Une large plate-forme avait été dressée à côté du kiosque de la musique, où les danseurs et les improvisateurs sont montés pour répéter en public les exercices qu’ils avaient faits devant des spectateurs payants.
DANSE DU FANDANGO PLACE LOUIS XIV SAINT-JEAN-DE-LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN
Les improvisateurs ont obtenu un grand succès dans leurs différentes joutes dialoguées.
La foule écoutait et jugeait, applaudissait quand la saillie était heureuse, ou se taisait quand elle était faible.
Pendant ce temps, le petit port de la Nivelle s'éclairait a giorno. Le Nautille, petit côtre à vapeur, embossé contre le pont, avait jeté sa bouée lumineuse à la mer, et enguirlandait sa mâture et sa lice de lanternes vénitiennes ; sur le bassin, une vingtaine de petits bateaux également illuminés projetaient des reflets sur la surface légèrement irisée de l’eau, si bien qu’on eût dit des bancs d'anguilles rouges nageant le long du bord de chaque navire.
TROISIEME PONT DE CIBOURE
Beaucoup de fusées, de salves de canon partent du Nautille ; beaucoup d'animation sur les quais, surtout quand la musique municipale, placée dans une gondole illuminée, a joué les airs basques. L'effet des feux du Bengale aux diverses couleurs était fort beau.
El puisque je parle de la Fanfare municipale, je ne puis oublier de citer son chef distingué et dévoué, M. Bicendaritz, qui, en quinze jours, a appris à chanter aux jeunes gens de l’Orphéon les airs basques qu'il a notés et qui ont eu un grand succès. Les airs nationaux joués par la Fanfare, et qui sont dus à M. Bicendaritz, mériteraient d’être plus connus.
FANFARE MUNCIPALE ST JEAN DE LUZ 1893 PAYS BASQUE D'ANTAN
La soirée s’est terminée par des danses populaires. Mais, fait à noter, ces danses étaient généralement exécutées entre sexes semblables, homme et homme, femme et femme.
Demain lundi, grande partie internationale du Jeu de paume au rebot, entre Basques français et espagnols."
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