LE DÉCÈS DE JOSEPH NOGARET EN 1934.
Joseph Nogaret, né en 1862 et mort le 1er octobre 1934 à Bayonne (Basses-Pyrénées) a été un historien du Pays Basque et un des fondateurs et collaborateurs du Musée Basque et de la Tradition Bayonnaise.
Voici ce que rapporta à son sujet le Bulletin du Musée Basque N°7 de 1934 :
"Discours prononcés aux obsèques de M. J. Nogaret le 3 octobre 1934.
M. Viala, Directeur des V.F.D.M., Vice-Président du Syndicat d'Initiatives.
La disparition soudaine de Joseph Nogaret vient de plonger dans la désolation une grande partie de la population bayonnaise. Mais il en est, parmi ceux qui le pleurent aujourd'hui, qui ressentent plus profondément cette perte irréparable.
Ce sont ceux qui l'ont accompagné ou suivi dans sa carrière à la Compagnie du Midi et au nom desquels j'ai le pieux devoir de rendre à sa mémoire un suprême témoignage de reconnaissance et d'affection. Ce sont aussi ses collègues du Syndicat d'Initiatives de Bayonne et du Pays Basque, auquel il apportait depuis plusieurs mois son expérience, son activité et son amour de la petite patrie.
Joseph Nogaret avait fait au Lycée de Bayonne de brillantes études classiques, dont témoignaient assez sa vaste érudition, la distinction de son esprit et cette prodigieuse facilité de s'assimiler les sujets les plus variés dans l'ordre littéraire, historique et scientifique.
Après avoir terminé ses études de droit à la Faculté de Bordeaux, il était entré à la Compagnie des Chemins de fer du Midi en qualité d'intérimaire de l'exploitation. Successivement chef de gare à La Réole, Morcenx, Carcassonne, il avait été rapidement promu, jeune encore, inspecteur à Bordeaux.
AFFICHE COMPAGNIE DES CHEMINS DE FER D'ORLEANS ET DU MIDI PAYS BASQUE D'ANTAN |
Un magnifique avenir s'ouvrait devant lui ; il était justement apprécié de ses chefs et pouvait prétendre à de plus hautes fonctions lorsque devint vacant le poste d'inspecteur à Bayonne. Alors la voix du pays natal résonna plus fort dans son âme que la voix de l'ambition même la plus légitime.
Joseph Nogaret obtint aisément le poste qu'il désirait, et c'est là qu'il dirigea pendant de longues années l'exploitation des chemins de fer sur une section particulièrement difficile.
Ayant eu l'inestimable honneur de servir sous ses ordres, j'ai pu, mieux que d'autres, apprécier le tact avec lequel il remplissait sa tâche. Son souci de tempérer la rigueur des règlements, de rendre plus paternelle son autorité, son exquise amabilité, la variété de son savoir, la noblesse de ses sentiments, tout concourait dans sa personne à créer et maintenir entre lui et ses agents un courant de mutuelle estime, où se reconnaît l'ascendant du vrai chef.
A cet amour du Pays Basque pour lequel il avait volontairement renoncé aux agréables perspectives d'une brillante carrière, Joseph Nogaret put donner libre cours quand vint sonner pour lui l'heure de la retraite.
Et c'est alors que, pour son expérience des chemins de fer et des questions touristiques, il fut appelé en 1923 à faire partie du Conseil d'administration du Syndicat d'Initiatives.
Il y a quelques mois, la confiance unanime de ses collègues le portait à la présidence de nos assemblées. A ces nouvelles fonctions, Joseph Nogaret apportait, comme dans tous les domaines, son activité silencieuse, son intégrité native, la rectitude de son jugement.
Il voulait, dans notre déjà vieil organisme, rénover et innover ; ses initiatives, qui révélaient en lui une intelligente compréhension des difficultés du moment, avaient déjà produit de magnifiques résultats.
La mort, hélas ! ne lui a pas permis de donner toute sa mesure, et sa disparition laisse notre syndicat dans le plus cruel désarroi.
En nous efforçant de continuer son oeuvre, nous honorerons dignement sa mémoire. Nous conserverons pieusement le souvenir de cet homme de bien qui jamais ne transigea avec sa conscience et dont on peut dire comme Bossuet : "La droiture de son caractère a été l'honneur de sa vie."
M. Le Commandant Boissel, Directeur du Musée Basque.
Appelé à parler le dernier devant ce cercueil, j'évoquerai surtout les dernières années de la vie qui vient se terminer. Année remplies et fructueuses entre toutes où, par un magnifique effort de volonté, un changement d'orientation inattendu, toute l'expérience acquise au cours d'une longue carrière, tous les livres lus, tous les voyages accomplis, toutes les observations enregistrées furent mis au service d'une activité nouvelle.
La période où Joseph Nogaret devait donner sa pleine mesure s'ouvrit précisément pour lui à cette heure de la retraite qui entraîne chez tant d'autres comme un ralentissement dans le rythme de la vie. Ce fut l'entrée dans une deuxième existence libre, laborieuse, désintéressée, rayonnante, féconde. A cette existence j'ai été intimement mêlé et les vieilles relations se sont vite transformées en une amitié solide, respectueuse aussi. Car, on l'a déjà dit, mais on ne saurait trop le répéter, nul ne pouvait approcher Joseph Nogaret sans le respecter. De la simplicité de ses manières, de la courtoise parfaite de son accueil, de l'égalité de son humeur, de la solidité d'une érudition toujours prête à se communiquer, de la rectitude de son jugement, de toutes ses façons d'être, se dégageait une impression inoubliable de grandeur d'âme, de sérénité, de noblesse. Je suis venu vers lui au moment où il était question de fonder le Musée basque, voici treize ans déjà. Je lui demandais son concours ; il me le promettait sans hésitation et si nous avons atteint le but que nous nous étions fixé, c'est à lui que nous le devons pour une grande part. Ce concours, il nous l'a continué jusqu'à la dernière minute. Il y a quelques jours à peine, étendu sur ce lit d'où il ne devait plus se relever, il me parlait encore avec entrain, avec gaîté des projets qui nous restaient à réaliser.
Il se plaisait dans ce cadre d'art et d'étude, dans l'intimité de ce petit groupe si amicalement uni, où le travail en commun est une véritable joie, où la jeunesse qu'il aimait est toujours la bienvenue. Comment ne pas évoquer son souvenir, parmi ces livres, dans la cellule blanchie à la chaux qui fut au début tout le Musée Basque et qui en est restée le centre, le foyer ? Il se sentait chez lui dans cette humble pièce où se sont tenues tant de réunions, ébauchés tant de projets, où tant d'idées ont été remuées. On l'y trouvait, classant des documents, écrivant, causant, donnant audience avec une bonne grâce inlassable à tous ceux qui sollicitaient de lui un renseignement, un conseil. Il venait y travailler quotidiennement ; c'est là qu'il a rédigé pour notre Bulletin ces études excellentes qui ont tant contribué à son succès, depuis l'article initial du premier fascicule, si souvent consulté encore, jusqu'à l'article qui est sous presse et dont il a corrigé les épreuves. Mais n'eut-il rien produit que sa présence seule eût été pour nous comme une garantie de sérieux, de compétence, de probité intellectuelle. Entre temps, il rendait des services analogues à la Société des Sciences, Lettres et Arts. Il était l'un de ses conseillers les plus écoutés, un de ses collaborateurs les plus appréciés et, bien près de sa mort, il lui annonçait encore des communications que d'autres, hélas ! devront lire à sa place...
Joseph Nogaret n'était d'ailleurs pas qu'un homme de bibliothèque. Robuste, l'oeil vif, la taille haute et droite, il était aussi un homme de plein air et, autant que dans sa cellule du Musée Basque, il se plaisait dans sa gentilhommière du Béarn où il travaillait souvent de ses mains. Il aimait nos montagnes, en connaissait tous les sommets et allait quelquefois faire des retraites au fond de leurs vallées. Nous l'avons vu il y a moins d'un mois à Roncevaux et nous nous souvenons du plaisir si complet qu'il y avait pris à rencontrer des esprits d'élite dans le plus admirable des paysages. Cette dernière et émouvante journée restera pour nous comme un symbole de ce qu'il aimait.
MUSEE BASQUE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN
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