Libellés

jeudi 31 août 2023

WINSTON CHURCHILL À HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN JUILLET 1945


CHURCHILL À HENDAYE EN 1945.


Winston Léonard Spencer-Churchill, né le 30 novembre 1874, Premier Ministre du Royaume-Uni, à 65 ans, fut en première ligne dans la lutte contre le nazisme pendant 5 ans, de 1940 à 1945.



pays basque autrefois politique anglais
CHURCHILL A BORDABERRY
HENDAYE 1945
PHOTO OCANA

Après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Winston Churchill, de santé fragile, a besoin de se 

ressourcer et il décide de venir passer quelques jours au Pays Basque, avant la conférence de 

Potsdam (Allemagne), qui à partir du 17 juillet 1945, doit fixer le sort des nations ennemies 

des forces alliées.




Voici ce que rapporta au sujet de ce voyage, l'hebdomadaire Carrefour : la semaine en France et 

dans le monde, le 14 juillet 1945 :



"J'ai promené Churchill dans mon canoë.

De notre envoyé spécial à Hendaye Paul Aubry.



Désirant se reposer de sa campane électorale agitée, le Premier britannique, accompagné de Mme et Mlle Churchill, est donc allé se réfugier incognito aux confins de la frontière espagnole, chez son vieil ami le général Brutincel, Canadien d’origine et Français d’adoption (Marcus dans la Résistance), dans une grande villa isolée, Bordaberry, de style pseudo-espagnol, qui domine la route de la Corniche, à mi-chemin entre Hendaye et Saint-Jean-de-Luz.



pays basque avant villa labourd hendaye brutinel
CHATEAU BORDABERRY HENDAYE
PAYS BASQUE AUTREFOIS


Depuis son arrivée, un vaste réseau de surveillance s'étend sur cette paisible région.



Pour le touriste présomptueux qui prétend y pénétrer, les difficultés commencent à Bayonne où une file de plusieurs centaines de personnes piétine dans l'attente du laissez-passer hypothétique qui leur permettra de franchir le Rubicon, en l'occurrence le pont de la Nivelle, premier obstacle hérissé de chevaux de frise sur la route qui conduit à Hendaye.



Le colonel commandant la place ne les accorde qu’aux rares privilégiés qui peuvent justifier d'une impérieuse nécessité familiale (maladie, décès).



Mais tous ceux qui paraissent porter quelque intérêt à la villégiature de l'hôte illustre sont impitoyablement repoussés. Ce qui n'empêche pas de nombreux journalistes déguisés en indigènes d'essayer mille ruses pour franchir le pont fatidique. Peu d'entre eux y parviennent. J'ai la chance d'être parmi les favorisés au prix d'un stratagème que l'on m’excusera de ne pas dévoiler. Le précieux sésame m'ouvre le passage des différents postes qui s'échelonnent jusqu’à Hendaye.



Mais à Hendaye m'attendent de nouvelles épreuves. Nul ne peut s’aventurer sans autorisation spéciale sur la route de la Corniche. Une autorisation qui ne court pas les rues, c'est le cas de le dire.



Après moult manoeuvres peu avouables, et grâce à la compréhension d’un fonctionnaire qui ne comprend pas ma situation, je réussis néanmoins à obtenir un sauf-conduit qui, ô stupéfaction, m'autorise non seulement à fouler la Corniche, mais même à pénétrer dans l'enceinte sacrée de Bordaberry !



Sur la plage d'Hendaye, je rencontre Mme et Mlle Churchill qui sortent de l'eau. Mme Churchill est drapée dans un peignoir blanc, coiffée d'un bonnet de bain mauve du plus gracieux effet.



pays basque autrefois labourd hendaye churchill
CHURCHILL HENDAYE 16 JUILLET 1945
COLL AXEL BRUCKER


Mlle la capitaine Churchill, tête nue, cheveux ébouriffés, a passé sur son maillot un ravisant pyjama de plage couleur de rouille.



Puis d'étape en étape, salué respectueusement par les postes successifs, j’arrive devant la propriété. Avec l’assurance que me confère ce succès inespéré, je descends de voiture devant une barrière rouge et blanche de passage à niveau qui a été établie là pour la circonstance. Et d’un geste désinvolte, je tends mon sauf-conduit au brigadier ganté de blanc qui commande la garde.



La stupéfaction de ce haut fonctionnaire ne laisse pas de m’inquiéter. Il saisit le papier, le lit attentivement et me le rend en prononçant avec dédain ces paroles décisives : "Depuis une heure cette formule n'est plus valable." Aucune protestation ne réussit à l'émouvoir : il a reçu des ordres formels. Dans ma déception, je ne suis pas éloigné de croire qu'ils ont été donnés exprès pour moi puisque je suis le seul à être parvenu si près du but.



Las, je ne verrai pas M Churchill !



Profondément découragé, je décide de rentrer à Saint-Jean-de-Luz et d'ailer noyer mon chagrin dans... ou plutôt sur la Nivelle, en canoë.



Une heure après je la descendais lentement au fil de l'eau, effarouchant sur mon passage les poissons blancs et les alouettes de mer, lorsque à 200 mètres, dans une boucle de la rivière, parmi les roseaux, j'aperçus un groupe d'hommes.


— Encore des gendarmes, pensai-je in petto !



Je m'approche avec circonspection. L'un des personnages écartant les roseaux, me fait signe d'accoster. Derrière lui un autre homme apparaît qui m'appelle lui aussi.



Il est vêtu d'une sorte de combinaison gris bleu, d'une seule pièce et coiffé d'un immense sombrero gris perle... ; il est gros... ; il fume un énorme cigare... C'est Churchill !


— Voulez-vous avoir la bonté d'emmener M. Churchill faire un petit tour en canoë sur la rivière ? demande poliment le premier des deux promeneurs.



J’ai cette bonté, particulièrement méritoire de la part d'un journaliste, et j'aborde aux pieds de Mr Churchill. Plusieurs personnages anglais, en civil, maintiennent le bateau contre la rive pendant que je débarque.



Lestement, l'ex-Premier Maître de l'Amirauté, chef suprême des cuirassés de Sa Majesté britannique, descend dans le léger esquif qui gémit un peu et s'enfonce sensiblement. Il s'assied sur l'une des barres qui maintiennent les flancs du canoë.


— Il serait plus prudent de vous mettre dans le fond, Sir.



Je dispose une serviette sur le plancher et mon auguste passager s’installe.


— Il reste encore une place, dis-je, optimiste.


— C’est pour le général, lance Mr Churchill.



Je m'incline devant le général Brutinel, canadien de belle prestance aux moustaches martiales qui, saisissant une pagaie, s’agenouille à l'avant du bateau en affirmant :


— Les canoës cela me connaît.


— Il vaudrait mieux, pour la sécurité de Mr Churchill, que vous vous asseyiez aussi, mon général.



Vêtu d'un slip et tirant sur ma pipe, je complète l'équipage. Et vogue le petit bateau sur les flots paisibles de la Nivelle... La conversation s'engage aussitôt sur le ton le plus simple et le plus gai. L'anglais de Mr Churchill est émaillé de mots français. Il porte un vif intérêt au pays basque dont le charme et l'harmonie l'ont conquis. Il se renseigne sur les excursions, les sites, et, l'œil aux aguets, recherche des sujets de peinture.



Une vieille maison au bord de l'eau, surchargée de vigne-vierge et de rosiers grimpants, mire sa façade grise et rose dans les eaux calmes.


—- Voilà une bonne chose à peindre. Il me faudrait une petite barque, ancrée dans les roseaux, où je m'installerais avec une toile et mes pinceaux.



Le général Brutinel prend note. C’est le reflet de la maison surtout qui intéresse le "Premier".


— J'aime beaucoup les reflets. Le reflet d'une chose est souvent meilleur que la chose elle-même. En règle générale, "the reflexion is always good". 



Le canoë évolue dans les lacets de la rivière. A cinquante centimètres devant moi le large dos et la nuque ronde aux cheveux gris blancs, un peu longs me masquent le paysage. La peau du visage est étrangement lisse et blanche : un teint de nouveau-né. La fumée du cigare fait un nuage autour de ma tête. Dans une fragile embarcation je tiens, modeste anonyme, le sort de l‘un des maîtres du monde. Un sourire me monte aux lèvres lorsque je songe au contraste étrange entre le luxe de précautions policières destinées à assurer la sécurité du "Premier" et la simplicité avec laquelle il est descendu dans le canoë d'un inconnu. Je ne dois pas avoir une tête d'anarchiste.



Une idée saugrenue de collégien me traverse l'esprit : j'ai envie d'agiter fortement le bateau et de dire d'une voix douce :


— Et maintenant, si nous parlions un peu de la Syrie,



Mais il est bien question de politique ! Supplice raffiné, je suis prisonnier de ma chance, tenu de respecter la détente de mon interlocuteur. Le peu qu'il m'ait dit, de lui-même, sur ce sujet, je ne peux le répéter. Il préfère bavarder joyeusement. Gentiment il me donne des nouvelles de son neveu Romilly, avec lequel j’ai vécu pendant un an dans la forteresse de Colditz, en Saxe, où se trouvaient rassemblés les officiers prisonniers de toutes nationalités qui avaient tenté de s'évader.



Romilly est un collègue : journaliste en Norvège il fut fait prisonnier lorsque les Allemands occupèrent ce pays.


— Mon neveu voulait aller se battre contre les Japonais. Je lui ai dit que six ans de captivité chez les Allemands le dispensaient de goûter des geôles japonaises et je lui ai conseillé de se tenir tranquille. Mais il commence à être tard. Il me faut revenir.



Obéissant à l'impulsion des pagaies, le canoë fait demi-tour et glisse doucement sur la rivière zébrée par le trait de feu d'un martin-pecheur bleu et roux.



Au loin, la suite semble un peu inquiète, un peu fébrile et j'ai l'impression d'un certain soulagement quand reparaît enfin la coque de noix et sa précieuse cargaison.



Tous les hommes se précipitent pour maintenir le canoë et aider au débarquement de Mr Churchill, mais lui, galant homme, refuse les mains qui se tendent pour n'accepter que celle de ma jeune sœur.



Aussitôt à terre, le "Premier" se confond en remerciements pour la bonne promenade qu’il a faite, pendant que j'essaie d'exprimer ma reconnaissance pour l'honneur dont il m'a gratifié et la confiance qu'il m'a témoignée.



Puis il s’éloigne parmi les roseaux en me jetant par-dessus l'épaule :


— Et surtout, si vous voyez ma femme, ne lui dites pas que je me suis promené dans un aussi petit bateau."



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 600 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire