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samedi 26 août 2023

L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1934 (vingt-deuxième partie)

 


L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE.


C'est une crise politico-économique qui secoue la France à la fin de décembre 1933, mettant en cause de nombreuses personnalités y compris en Pays Basque Nord.



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ALEXANDRE STAVISKY


Comme je vous l'ai indiqué précédemment, puisque nous sommes samedi, voici un autre article 

sur le "feuilleton" de l'affaire Stavisky et ses répercussions au Pays Basque.



Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 30 janvier 

1934 :



"Où l'on vit hier soir à Bayonne la foule assiéger le député Bonnaure.

Après avoir été interrogé, M. Bonnaure est sorti prévenu libre encore une fois. 

Mais la foule mécontente manifeste avec violence. 

On se demande à présent si Stavisky n’a pas été assassiné par les voleurs des bijoux.


Lorsque M. Garat, député, maire de Bayonne, fut arrêté, ce fut de la stupeur. Ce fut aussi de la peine, même parmi ses adversaires politiques. A le soupçonner coupable de négligence ou d'autre chose, on n’en rappelait pas moins son activité, ses conceptions heureuses pour le développement de Bayonne



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JOSEPH GARAT MAIRE DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN 

Cette impression de stupeur persista pendant plusieurs jours. Puis, sans qu'on se désintéressât de la marche de l’Affaire qui apportait, presque chaque jour des révélations nouvelles, les esprits témoignaient d'une sorte de torpeur. 


Mats voilà que, tout à coup, les passions se réveillent et s’excitent sous le coup de fouet de l’actualité. 


Un député mêlé à l’affaire, M. Bonnaure, revient, pour la deuxième fois à Bayonne, afin de faire au juge d’instruction des déclarations sur les faits qui ont motivé son inculpation. 



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DEPUTE GASTON BONNAURE
PHOTO AGENCE MEURISSE

Introduit une première fois comme inculpé libre, il en ressort comme inculpé libre. 


Revenu une deuxième fois, il va encore franchir la porte du Palais comme inculpé libre. 


Cela est affaire à la conscience et à l'opinion du juge. 


Mais le peuple est énervé par les révélations quotidiennes. Mais le peuple, aussi, est, au fond de soi, imprégné du sentiment d’une justice qui ne s‘embarrasse pas de scrupules. 


Il finit par en avoir assez de ces politiciens, de ces spéculateurs qui mettent leurs mandats, leur influence ou leur adresse au service de leurs intérêts propres, qu'il s'agisse de satisfaire leurs ambitions ou d'emplir leurs poches. 


Et voilà le peuple qui se fâche, qui conspue, qui injurie et qui tente de faire subir, à celui qu'il considère comme un de ces hommes qui ont péché, un traitement rigoureux. 


C’est le spectacle que nous ont donné, hier soir, les Bayonnais. 


Et c'est un signe des temps, qu'on les approuve, généralement, en dehors des limites de Bayonne. 


Quelle leçon, pour beaucoup ! 



L’Interrogatoire du député Bonnaure.


L’interrogatoire de M. Bonnaure a commencé hier après-midi vers deux heures quinze et ne s’est terminé qu’à sept heures moins vingt. On lira d'autre part le compte rendu des incidents violents et divers qui ont accompagné la sortie du député parisien. 


Nous n’avons pu voir M. d’Uhalt qui a consigné sa porte, mais, malgré la stricte discrétion du magistrat et de ses collaborateurs, nous avens pu nous procurer une physionomie de l’interrogatoire. 


Douze questions ont été posées à M. Bonnaure. Celui-ci a reconnu sans aucune difficulté avoir reçu de Stavisky plusieurs chèques et deux traites commerciales dont le montant s’élève à 40 000 francs. 


Il reconnaît également que Stavisky a contribué pour une part de 5 000 francs au règlement d’une note de tailleur de 15 000 francs. 


Cependant, le député du IIIe arrondissement a déclaré ne jamais avoir pénétré dans l’intimité de Stavisky. Il n’a eu avec lui que les relations cordiales qu’un avocat entretient avec un gros client. 


Il a déclaré ne jamais avoir eu de rapports d’affaires avec Alexandre, et n’avoir jamais connu son passé mouvementé, étant donné qu’il n’a jamais défendu Stavisky devant une juridiction pénale. 


En 1931, Stavisky parla à M. Bonnaure de l’achat des bons de dommages de guerre hongrois non encore réglés et il manifesta alors son intention d’en acheter en grand nombre. 


Pour l’aider dans cette opération, M. Bonnaure lui expliqua le mécanisme du Traité de Trianon et de ses accords subséquents. 


Toujours au sujet de cette affaire, M. Bonnaure fit plusieurs voyages à Budapest, soit seul, soit en compagnie de Stavisky


Il a déclaré à ce moment que les porteurs de bons du Crédit municipal pouvaient se rassurer car Stavisky a acheté pour plusieurs millions de Bons Hongrois, et qu’il était créancier pour plus de cent millions. 




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CREDIT MUNICIPAL BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


M. Bonnaure estime que c’est là une garantie susceptible de rassurer les victimes de l’escroquerie de Bayonne qui pourront être dédommagées. 


En résumé, M. Bonnaure n’aurait touché de grosses sommes qu’à titre d’honoraires, sommes dont l’importance serait en rapport avec celle des affaires dont il s’est occupé en qualité d’avocat. 


L’inculpation de recel qui pèse sur M. Bonnaure est maintenue, mais le député est toujours en liberté, et il regagnera Paris très prochainement. 


Hier soir s’est terminée l’expertise des bijoux de Stavisky engagés par Digoin au Crédit Municipal. Les experts n’ont évidemment pas encore pu rédiger un rapport complet sur le résultat de leur travail, mais nous connaissons approximativement les chiffres. 


Sur le contenu des quarante boîtes de Stavisky, Cohen avait prêté environ 15 millions de francs. En réalité la valeur des bijoux ne dépasserait par 500 000 francs. Certains bijoux montés présentent, en effet quelque valeur, mais les pierres et les perles n’en ont aucune. En bien des cas, il ne s’agit même plus "de bouchons de carafe ou de culs de bouteilles taillés", mais de simples morceaux de verre grossière ment collés. 


Lundi prochain, M. Ferrié reprendra l’expertise ; il s’agira tout d’abord des bijoux déposés au Crédit par des clients dont la bonne foi ne sera certainement pas contestée, et ensuite des meubles, des tapis, et du linge conservés dans les magasins. 


Le nombre des boîtes de bijoux qui restant à expertiser est de mille dix. 


M. Bonnaure hué et assiégé.


Il y a vraiment de cruelles ironies ! Samedi dernier M. Bonnaure nous disait avoir quitté l’atmosphère furieuse et trouble de Paris pour goûter, à Bayonne, le calme et la sérénité... le pauvre homme ! On lui a fait, hier soir, une conduite épique. On ne dira plus désormais "conduite de Grenoble" mais "conduite de Bayonne" ! 


Quand M. Bonnaure est arrivé au Palais de Justice, sont entrée ne fut remarquée que par un petit nombre de curieux parfaitement inoffensifs. Pendant le long interrogatoire qu’il subit dans le cabinet du juge d’instruction, une foule plus considérable s’amassait aux abords du Palais, nullement violente d’ailleurs, bien qu’on y discutât de l’affaire avec une certaine passion. Les facéties du commissionnaire Beugnat, le titi bayonnais, amusèrent la foule pendant un moment et malgré l’excitation assez compréhensible de la part de gens qui attendent, rien ne faisait prévoir les événements tragi-comiques qui allaient se dérouler quelques heures plus tard. 


A sept heures moins vingt M. Bonnaure sortait du cabinet du juge, toujours libre ; il dit aux journalistes qui le questionnaient que sa journée avait été bien fatigante mais qu’il était heureux d’avoir pu se justifier devant le juge d’instruction. Il descendit calmement l’escalier de bois jusqu’au premier étage où il se prêta aimablement aux exigences des photographes. Puis toujours accompagné de ses avocats Mes de Poorter, Flach et Saillard, il descendit au rez-de-chaussée par le grand escalier de pierre. 


Une cinquantaine de personnes avaient pénétré à l’intérieur du Palais de Justice probablement pour être les premières à recueillir les nouvelles et l’opinion ou "l’espoir" de tous ces gens était de voir descendre M. Bonnaure escorté de gendarmes. 


Lorsqu'il apparut à la foule, encadré seulement par deux avocats en robe, un murmure de surprise s’éleva et l'on entendit même la vieille expression bayonnaise répétée à plusieurs reprises : "Loupp ! Loupp !"



La question du "vieux radical"


M. Bonnaure n’eut pas l’air de s'émouvoir autrement de ces cris, mais un vieux monsieur l'aborda d’une façon inattendue : 

— Pourquoi vous a-t-on f... à la porte du Parti Radical ? lui demanda-t -il. Je suis un vieux radical et je vous pose la question. 

— Mais, répondit M. Bonnaure quelque peu interloqué, je ne sais pas, je n’y étais pas.

 — On ne l’a d’ailleurs pas mis à la porte, ajouta Me de Poorter, avocat de Bonnaure. 


Cette algarade fut cause de quelques réactions dans l'assistance et afin d’éviter de nouveaux incidents M. Bonnaure et ses avocats suivis de quelques journalistes parisiens se réfugièrent dans la loge du concierge d’où ils gagnèrent la rue de la Salie par une porte de derrière. 


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RUE DE LA SALIE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



La manifestation devient violente.


Devinant le stratagème la foule se précipita vers la seconde sortie, entraînant les curieux restés dehors et c’est plus de cent cinquante personnes qui rejoignirent le petit groupe formé par l’inculpé et ses gardes du corps improvisés, dans la rue de la Salie. 


— Conduisez-nous au Grand Hôtel, dit Me de Poorter aux journalistes. 



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FACADE GRAND HÔTEL BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Mais ceux-ci qui ne connaissent de Bayonne que les grandes artères se trouvèrent perdus dans le dédale de petites rues de ce vieux quartier. 


Les vociférations de la foule : "Salaud, voleur, en prison !" et le voisinage de la Nive aperçue au bout de la rue Guillamin incitèrent les malheureux errants à chercher un refuge dans un grand magasin de la rue des Halles. 


Mais le gérant de cet établissement effrayé par la foule et craignant sans doute pour l’existence de ses vitrines refusa de leur donner asile. 


M. Bonnaure et son escorte, harcelés par la foule de plus en plus nombreuse et vociférante repartirent à la recherche du Grand Hôtel en remontant par la rue Poissonnerie. 


Les manifestants se montrant de plus en plus excités et devenant de plus en plus nombreux, un de nos confrères entraîna d'autorité M. Bonnaure et ses fidèles dans un couloir. 


Un locataire de l'immeuble voulut bien recevoir le malheureux député dans son appartement. 


M. Bonnaure fut introduit dans un boudoir rose et bleu d'un modernisme charmant dont le calme et l'harmonie contrastaient singulièrement avec l’agitation de ses occupants. 


Pendant ce temps, la foule s’amassait devant la maison qui porte le n° 34 de la rue Poissonnerie et dont le rez-de-chaussée est occupé par le magasin de mercerie de M. Barneix. 



L'appel à la police


Constatant la gravité de la situation, Me de Poorter, sa robe roulée sous le bras, sortit dans la rue. 


Il fendit la foule sans difficulté et s'en alla téléphoner au commissariat de police pour demander du secours. "Mais lui répondit-on, il y a déjà quatre agents !" 


Ce à quoi Me de Poorter répondit qu’il y avait "plus de cinq cents manifestants et que leur nombre augmentait de minute en minute". 


Le Commissaire de police expédia immédiatement des renfort importants : inspecteurs de la Sûreté, agents de police et gendarmes. 



Et la garde va donner.


Quelques instants après il alertait lui-même la garde mobile casernée à Marracq


Tandis que le secours s’organisait devant la maison assiégée, et qu'un commerçant prudent se hâtait de mettre les volets, Me Saillard et M. Bonnaure étudiaient les possibilités de fuite. 


Leur hôtesse leur indiqua qu’un immeuble voisin, portant le n° 32 possédait une double sortie et qu’en y parvenant par les toits M. Bonnaure pourrait sans doute échapper à la foule dont les cris et les menaces parvenaient jusqu’au boudoir bleu et rose. 



La lucarne trop étroite.


Me Saillard svelte et sportif passant par la lucarne du grenier se hissa facilement sur le toit qu’il explora et revint chercher M. Bonnaure, mais celui-ci, dont on connaît la corpulence et dont l'état de santé est précaire, refusa d’essayer d’utiliser ce moyen de retraite, évaluant d’un coup d'œil l’exiguïté de la lucarne et ses rapports incompatibles avec son tour de taille. 


Tandis que les assiégés se résignaient à l’attente et que la foule, maintenant grosse de mille à douze cents personnes scandait sous les fenêtres les refrains : "En prison ! A bas les voleurs ! A bas les escrocs ! A la Villa Chagrin ! A la Mimi !" Me de Poorter s'en était allé au Grand Hôtel prévenir Mme Bonnaure de la fâcheuse posture dans laquelle se trouvait son mari.


Mme Bonnaure ne parut pas se rendre compte tout d’abord du tragique de la situation, mais Me de Poorter l’ayant accompagnée jusqu’à l’entrée de la rue Poissonnerie, elle se convainquit de l’impossibilité matérielle qui empêchait son mari de la rejoindre. 


Dans la rue en effervescence le chahut continuait. Les photographes juchés sur des chaises ou penchés aux fenêtres étaient acclamés à chaque éclair de magnésium, par la foule qui mêlait à sa colère, la gaité qui a toujours sa place à Bayonne, même aux heures les plus graves. 



"Voilà la garde". 


A ce moment les casques bleus des gardes mobiles apparurent à chacune des extrémités de la rue qui furent barrées pour endiguer le flot envahissant des manifestants et des simples curieux. Quelques bousculades se produisirent qui n’eurent pas de gravité pendant que le capitaine Robert et M. Gibert étudiaient la tactique à suivre pour dégager M. Bonnaure. 


On pensa d’abord que la force publique attendrait que les manifestants lassés, se retirassent ; mais comme ceux-ci paraissaient armés d’une patience qui, en d’autres circonstances, pourrait être qualifiée d’exemplaire, le capitaine des gardes et le commissaire de police décidèrent d’employer un autre moyen. 


Il s’agissait de conduire jusqu’à la porte de l’immeuble assiégé la camionnette des gardes pour y recueillir le pauvre M. Bonnaure et son avocat Me Saillard qui, seul, était encore avec lui."



A suivre...







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