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mardi 29 août 2023

LA CÔTE BASQUE RACONTÉE PAR L'ÉCRIVAIN ANDRÉ LICHTENBERGER EN SEPTEMBRE 1937

LA CÔTE BASQUE RACONTÉE PAR ANDRÉ LICHTENBERGER EN SEPTEMBRE 1937.


Emile André Lichtenberger est un historien spécialiste du socialisme, un essayiste et romancier français.

Elève au lycée de Bayonne, il restera toujours attaché au Pays Basque sur lequel il a écrit plusieurs livres.



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ANDRE LICHTENBERGER 1930



Voici ce que rapporta André Lichtenberger à ce sujet dans le quotidien L'Echo de Paris, le 18 

septembre 1937 :



"Sur la Côte Basque.

Mon coin de France.



Voici plusieurs semaines déjà que, fuyant le Paris aigre et fiévreux du Front Commun camouflé et de l'Exposition en dérive, je suis venu chercher l'apaisement coutumier dans le coin de France, qui, depuis mon enfance lointaine, n'a cessé de me prodiguer ses grâces, et où, jusqu'au fond de mes moelles je me sens chez moi, en communion étroite avec, son ciel changeant et sa race immuable, son Océan tumultueux et ses falaises impassibles. 



Non, certes, que je renie mon Alsace natale. Mais quand, au lendemain de la guerre d'avant le déluge, celle de 70, un jeune couple meurtri chercha où réfugier sa nostalgie et raffermir les santés ébranlées, c'est à l'autre extrémité du terroir national, au fond de la baie de Biscaye, que les recueillit le bourg historique où la maison de Louis XIV et celle de l'Infante ne cessent de commémorer le mariage fameux par lequel le génie ingénieux du Mazarin pensa mettre fin à une rivalité séculaire et à des luttes indéfiniment meurtrières. 



Toutes les images ineffaçables de ma première enfance s'incarnent, à Saint-Jean-de-Luz, avec la Rhune comme toile de fond, entre Socoa et Sainte-Barbe. Et, plus tard, c'est à Biarritz, dont Victor Hugo célébra les tamaris et l'innocence, et dont le caprice d'Eugénie de Montijo fit la fortune que mon adolescence découvrit les émois si divers de la pelote basque et du baccalauréat. Du lycée de Bayonne, où en philosophie je décrochai tous les prix (nous étions un), il fallut bien gagner Paris pour y apprendre la dure bataille de la vie. 



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LYCEE DE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Quelle douceur, chaque été, de revenir au cher pays et d'y renouveler son âme en même temps que son vestiaire. Retrouvés le béret, le makhila et les sandales, quelles flâneries à s'ébattre sur la grève dure, en face du décor des Trois Couronnes et du Jaizquibel ! Ai-je connu au Maroc ou en Egypte, à Naples ou à Rio-de-Janeiro, horizons plus féériques ? 



Même durant le grand égorgement mondial, il me fut permis, de loin en loin, au cours d'une permission rapide, de renouer le lien sacré, d'oublier un instant le cauchemar, de reprendre en ces lieux un lambeau d'espoir. 



Et, quand, naïfs, nous crûmes — espoir fallacieux ! — qu'il allait être possible de revivre une existence apaisée, quel plaisir, dans une vieille maison au fond d'un jardin discret, de rebâtir un foyer familial où, avec ferveur, enfants et petits-enfants trouveraient l'abri, le repos, la paix vivifiante ! 



Hélas ! la côte basque en général, Biarritz en particulier — peut être plus encore que d'autres régions balnéaires ou thermales — ont été cruellement éprouvées par la crise et les changements qu'elle a marqués dans les habitudes touristiques. Si les sports d'hiver et les croisières ont enlevé des hivernants à la Riviera, la vogue de l'ensoleillement lui a procuré de merveilleuses saisons estivales. La clientèle de luxe cosmopolite, en l'honneur de qui avaient pullulé au pays de Ramuntcho, les palaces, les casinos et les villas somptueuses, a été définitivement décimée, sans que lui fussent substituées des aubaines compensatrices. 



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LA RESERVE DE CIBOURE
PAYS BASQUE D'ANTAN



La manie grandissante de la bougeotte a abrégé les séjours, en même temps que la nécessité de l'économie en diminuait, pour le commerce local les recettes. Au malaise grandissant, les troubles d'Espagne ont ajouté des éléments d'incertitude peu faits pour attirer les oisifs. On a vu, les uns après les autres, se fermer les grands hôtels et les rideaux de fer demeurer clos sur les vitrines des succursales des maisons de la rue de la Paix. Les prix des villas de quelque importance ont dégringolé dans des proportions vertigineuses... 



"Biarritz, la reine des plages, la Plage des Rois", affirmait naguère une réclame grandiloquente. Ces temps sont passés. Le diable, dit la légende euskarienne, n'ayant jamais pu apprendre le basque, renonça jadis à se fixer au pays. Aujourd'hui, il s'est réinstallé dans les bourses aplaties, et toutes les ingéniosités s'évertuent à le tirer par la queue. 



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BIARRITZ REINE DES PLAGES PLAGE DES ROIS
PAYS BASQUE D'ANTAN



Est-ce à dire que soient désertes ces anses charmantes hantées naguère par les privilégiés de tous les mondes ? 



C'est méconnaître l'irrésistible attraction de ce terroir comme la souplesse de la race qu'il nourrit. Jadis, elle alla poursuivre la baleine jusqu'à Terre-Neuve et chercher l'Eldorado jusqu'en Argentine. Puisque les rois d'antan ont disparu, c'est à ceux d'aujourd'hui qu'elle adresse ses sourires. Non seulement une aristocratie réduite, mais fidèle, lui demeure attachée ; mais, chaque année plus nombreux, à des prix changés, le "petit monde", comme disent les commères sur le marché, se presse sur les falaises autrefois réservées à la noblesse du pétrole et du Gotha. 



Les méfaits du Front Populaire sont innombrables. Ne méconnaissons pas ce que, par hasard, il a semé de bon grain parmi tant d'ivraie. 



affiche front populaire 1936
AFFICHE FRONT POPULAIRE 1936



Tous les matins, arpentant la plage d'argent du côté d'Ilbaritz, je traverse un champ de coquelicots bougillons éparpillés sur le sable. Dégringolée d'un hôtel désaffecté que surmonte le drapeau rouge, toute une marmaille écarlate célèbre, je n'en doute pas, au chant de l'Internationale, les conquêtes opérées par le prolétariat sur ses exploiteurs. Mais il faut confesser que les mines sont superbes et la tenue excellente. Sous le soleil radieux, en face de l'Océan qui ronronne, comment n'espérer que les âmes ne s'aèrent et ne s'éclairent en même temps que brunissent les épidémies et que s'élargissent les poitrines maigriotes ? 



Il me plaît d'imaginer que, sur notre humanité troublée, le vieux terroir exercera son emprise. Est-ce que, barbotant sous le ciel d'azur, parmi les flots d'écume blanche, ce pullulement cramoisi n'évoque pas l'idée d'une multitude de cocardes tricolores, symbole alerte, par delà ce qui aujourd'hui nous aigrit et nous divise, d'un ralliement joyeux qui, un jour, se fera entre tous les enfants d'une même patrie ? 



A tous les âges de ma vie mon pays basque m'a défendu contre la détresse. Jusque dans l'ère de Blum et sous le signe de Jouhaux, je vous jure qu'il n'a pas épuisé les ressources de sa magie..."




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