LE PAYS BASQUE PAR PIERRE LHANDE EN 1926.
Pierre Lhande Heguy, né le 4 juillet 1877 à Bayonne (Basses-Pyrénées) et mort le 17 avril 1957 à Tardets-Sorholus (Basses-Pyrénées), est un écrivain, prêtre jésuite et académicien basque français, apôtre des banlieues et surtout connu pour le succès de ses "radio-sermons", une grande nouveauté dans les années 1930.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Croix, le 17 janvier 1926, sous la plume de
Charles Baussan :
"Le Pays basque à vol d'oiseau par Pierre Lhande.
De tous les peuples dont l'heureux assemblage fait l'harmonieuse unité du peuple français, il n'en est point qui garde mieux sa personnalité propre que le peuple basque, car c’est bien un vrai peuple, un peuple qui a sa race, sa langue, son pays à lui. On ne peut l'approcher sans se sentir en présence de "quelqu’un", sans être attiré vers lui, et le mystère dont il semble enveloppé accroît chez tous la curiosité de : le connaître. C’est à ce désir que répond, et à merveille, ce livre : le Pays basque à vol d'oiseau, œuvre d’un des Basques qui font aujourd’hui le plus d'honneur à la petite patrie comme à la grande, le R. P. Lhande.
LIVRE LE PAYS BASQUE A VOL D'OISEAU DE PIERRE LHANDE 1925 |
La vie basque, l’âme basque, la pensée basque ont pour centre le foyer, la maison : c’est à la maison que va le P. Lhande. Mais il y a le chemin qui y mène, il y a le pays Ce n’est qu’après l’avoir traversé — et regardé — que l’on pourra frapper à la porte.
Le P. Lhande dessine donc, tout d’abord, en géographe qui serait en même temps peintre, la carte du pays basque ; il en teinte, chacune d’une couleur différente, les sept provinces, les sept sœurs "qui ne font qu’un" ; les trois provinces françaises : le Labourd, la Basse-Navarre, la Soule, et les quatre espagnoles : le Guipuzcoa, la Biscaye, l’Alava, la Haute-Navarre.
ZAZPIAK BAT |
S’il salue Fontarabie et Pampelune, s'il n’a garde d’oublier et si nous ne pouvons plus que lui oublier de monter, après le monastère de Leyre, sépulture des rois, dans la pierre haute, jusqu’à ce château d'où partit un jour ce "petit Basque aventureux et tendre, François Xavier", c’est au pays basque français que le P. Lhande donne aujourd'hui, dans ce livre, la plus grande part de son temps et qu'il s'attache davantage. Il en peint le décor : le Labourd, "pays de coteaux bruns aux chênes rares et rabougris, couvert de fougères et d'ajoncs épineux, et que seule éclaircit, au printemps, la floraison d'or des beaux genêts" ; pays de landes incultes qui favorisèrent, aux siècles passés, le brigandage et la sorcellerie ; pays pourtant qui se déride au voisinage de la mer ou dans les grandes vallées et qui sourit à Biarritz, à Bidart, à Guéthary, à Saint-Jean-de-Luz, aux "doux loisirs" de Sare, dans la haute montagne même, avec la verdure, les chalets aux larges tuiles, "la paix des glèbes et la poésie tranquille des sommets".
SARE VUE PRISE DE GALARRETA PAYS BASQUE D'ANTAN |
"Toute ruine finit par se vêtir de fleurs." Ainsi en est-il de notre Navarre française : ce beau nom de l'histoire se cache aujourd’hui sous une poignée de délicieux villages, sous la gloire des plateaux et la richesse des blés.
C’est dans la Soule, pays tour à tour riant et sauvage, que le Basque qui nous montre sa terre basque s’arrêtera devant l’église romane de Sainte-Engrace, devant les grottes fantastiques d’Holzarte, devant le chapelet des maisons de Tardets, égrenées au bord du gave, et que Francis Jammes a chantées ; devant le château fort de Mauléon, où le regard cherche encore, au sommet de la tour, le drapeau rouge au lion vert.
CHÂTEAU DE MAULEON SOULE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ceux que nous rencontrons sur le chemin, hommes ou femmes, ont des traits énergiques : ils parlent "une langue sans analogie bien établie avec les langues actuellement connues" dans le monde entier. C'est une race à part. D'où vient-elle ?
De peintre qu’il était tout à l’heure, le P. Lhande se fait ethnographe et historien. Il scrute les origines et il interroge tour à tour la légende et l’histoire. La langue euskarienne est-elle celle qu’Adam parlait au Paradis terrestre ou l’une des 75 langues nées de la confusion de la Tour de Babel ? Les pères des forgerons du Guipuzcoa ont-ils appris de Tubalcaïn leur métier ? Le P. Lhande rappelle en souriant ces légendes. Puis il écoute les historiens et leurs diverses hypothèses. Tout d’abord, il constate que des noms euskariens sont semés tout au long de la carte du monde antique, du Caucase à Cadix, de l’Orient à l’Occident. Le peuple basque est donc un peuple migrateur, qui a essaimé ou qui est venu de loin.
Les Basques sont-ils des Ibères? Deux camps se partagent les historiens ; le camp ibériste et le camp antiibériste. Le P. Lhande désigne les chefs et donne les arguments de l’un et l’autre parti. Entre les deux s’est placé M. Camille Jullian : "Les Ibères sont bien des Basques, dit-il, mais ceux-ci ont été auparavant des Ligures, c'est-à-dire qu’ils ont appartenu à ces immenses populations qui couvrirent tout notre sol depuis le Rhin jusqu’aux Pyrénées, depuis les Alpes jusqu’à l’Océan.
Mais les Ligures, ancêtres présumés des Euskariens, sont-ils partis du centre de l’Afrique ou du Caucase ? Nouvelle bataille. Tout compte fait, l’énigme subsiste sur les origines des Basques ; une race à part, "très ancienne, très émigrante, mais surtout profondément mystérieuse, c’est tout ce que parviennent à nous révéler les efforts des historiens".
Cette race n’a pas de monuments littéraires, comme les Niebelungen ou la Chanson de Roland, mais elle a, avec sa langue, sa littérature. "La littérature basque existe, affirme le P. Lhande, non seulement la littérature de folk-lore (proverbes, devinettes, chansons), mais la littérature proprement, dite, l’expression hautement littéraire du génie lyrique ou esthétique d’un peuple, d'une race, d’une langue." Les Basques ont leurs chansons de geste, leurs légendes poétiques, leurs œuvres en prose, leurs poèmes, leur théâtre, leurs romans même.
Pourquoi cotte littérature est-elle méconnue ? Pour deux raisons une langue "vraiment inaccessible" est une muraille que l’on n’essaye point de franchir, et, d’autre part, la beauté de cette littérature a un caractère tout spécial. Cette beauté tire tous ses éléments de la simplicité des sentiments, d’une émotion douce et populaire ; l’art littéraire basque est fait de notations pures comme les mélodies grégoriennes et d’un jeu particulier qui jette l’idée au bout de la phrase, comme la pelote au but.
Après avoir présenté et fait chanter, dans un tournoi d’improvisations, deux bardes basques et après avoir donné une très intéressante bibliographie de la littérature basque, le P. Lhande défend ainsi la poésie populaire : "Un peuple demeure d’autant plus poète — donc littéraire dans le vrai sens du mot — qu’il reste plus illettré. Cette poésie populaire vaut ce qu’elle peut au jugement de la critique et devant les règles, mais, au point de vue psychologique, elle est de la poésie, puisqu'elle est l'expression idéaliste d’un peuple." La poésie basque chante la pensée basque : elle chante le foyer.
Nous voici devant la maison.
FERME BASQUE PAYS BASQUE D'ANTAN |
C’est un village de la vallée de la Soule. "A l’exception du presbytère, de l’école, du château et des villas d’"Américains", toutes les maisons sont des habitations de laboureurs ; quatre ou cinq sont des fermes ou des métairies, les autres abritent toutes les mêmes familles depuis un temps immémorial."
Les maisons ont des noms, noms tirés des entours : saules, source blanche, bruyères rouges, chênes, etc. ; noms qui sont très vieux et durent toujours. Si la vigne a remplacé la bruyère, l’ancien nom n’en demeure pas moins, et avec lui le souvenir des aïeux.
C'est la famille qui a pris le nom de la maison. Il y a dans la famille basque deux degrés d’ancienneté. Si la famille originaire s’est toujours perpétuée et a toujours eu un héritier mâle, la maison et la famille ont le même nom. Si l’ancienne famille s’est éteinte et a été remplacée par une autre venue d’ailleurs ou si, à défaut de fils, la maison a passé entre les mains d’une fille qui s’est mariée, la famille actuelle a légalement un autre nom, mais les gens du pays continuent à l’appeler du nom de l’ancienne, du nom de la maison.
C’est la maison qui garde la famille.
MAISON BASQUE OCTOBRE 1916 |
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