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mercredi 18 août 2021

L'ÉCRIVAIN ET POÈTE FRANCIS JAMMES D'HASPARREN EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1924

L'ÉCRIVAIN FRANCIS JAMMES EN 1924.


Francis Jammes est un poète, romancier, dramaturge et critique français qui a passé la majeure partie de son existence dans le Béarn et le Pays Basque, principales sources de son inspiration.




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FRANCIS JAMMES 1913



Voici ce que rapporta à son sujet La Côte basque : revue illustrée de l'Euzkalerria, le 3 août 1924, 

sous la plume d'Eugène Poueydebat :


Francis Jammes.



Je désirais la gloire quand j’étais un enfant. Jamais je ne l’ai si peu souhaités qu'à présent.



C’est un poète de chez nous, un grand poète et nous avons bien le droit, je crois, d'être fiers de lui car il a écrit de bien belles pages qui dépassent a mon avis et de beaucoup la mesure d’un simple troubadour de province. M. Francis Jammes est né à Tournay, dans les Hautes-Pyrénées en 1868 et il réside actuellement à Hasparren où il a établi définitivement sa demeure. Je ne connais rien de sa vie privée et je ne l’ai jamais vu ; c’est dommage car je lui aurais dit tout le bien que je pense de lui ce qui est peu d’ailleurs, mais j’aurais pu lui dire ce qui est plus important peut-être toute l’estime qu’avaient pour son œuvre quelques écrivains distingués qui venaient souvent à la Béchellerie chez Anatole France et où j’eus l’honneur d’entendre parler de lui pour la première fois à propos de Stéphane Mallarmé et du Symbolisme.



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FRANCIS JAMMES



Ceux qui ont suivi le mouvement littéraire de 1870 à nos jours savent quel rôle joua dans la poésie contemporaine l’école symboliste dont les principaux fondateurs furent Jean Moréas et Stéphane Mallarmé. Cette école venait à son heure et répondait aux besoins du moment. On était las de l’art impassible et sculptural de Leconte de Lisle, des dissertations philosophiques de Sully Prudhomme, des sonnets impeccables et froids de Heredia et en général de toute cette poésie objective et si peu vivante d’où étaient bannis la joie, l’amour, la douleur, l’espérance, le sens des nuances fugitives, la finesse des sentiments, les belles émotions, la musique et les formes inconsistantes du rêve. Mme de Staël disait :

Nous avons en France d’admirables chefs- d’œuvre de versification mais comment peut-on appeler la versification de la poésie ? 

Jamais paroles ne se sont mieux appliquées à l’école parnassienne dont l’erreur fondamentale fut de croire que le sentiment était une quantité négligeable et qu’on pouvait composer des vers comme on cisèle des métaux.



On a dit beaucoup de bien et beaucoup de mal des symbolistes mais je crois, tout compte fait, qu’ils méritent mieux que ce qu’on dit d’eux dans les manuels ennuyeux de littérature. Parmi ceux qui s’imposèrent au public j’en retiendrai seulement trois : Verlaine qui fut le poète de cœur par excellence, Albert Samain âme d’une délicatesse infinie et M. Francis Jammes dont les vers simples et touchants comme une prière sont imprégnés du souffle le plus pur de la poésie. Il débuta par un recueil devers en 1894. En 1898 il donne son premier ouvrage : "De l’Angelus de l’aube à l’Angélus du soir" ; en 1900 il fait paraître le "Deuil des Primevères" ; en 1901 "Le Triomphe de la Vie" ; en 1902 "Les clairières dans le ciel" et en 1912 "Les Géorgiques chrétiennes". Je ne parle pas de sa prose bien qu’il ait écrit des choses délicieuses comme "Clara d’Ellébeuse", "Almaïde d’Etremont", "Pensée des Jardins", les "Feuilles dans le Vent", etc...




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FRANCIS JAMMES



Malgré ses tendances nettement symbolistes il serait difficile de le rattacher à tel ou tel groupe d’écrivains. Il est si personnel, son style est tellement "lui", les sujets qu’il traite si singuliers, il y a tellement d’originalité, de souplesse, de grâce et de force chez cet artiste bucolique qu’on ne saurait dire vraiment ce qu’il y a da plus beau chez lui : de sa sincérité ou de son talent.



Tout le monde n’aime pas M. Jammes. Il n’y a rien d’étonnant à cela : il subit le sort réservé à tous les écrivains, surtout aux contemporains. Il existe encore quelques classicards enragés qui ne peuvent pas croire qu’ils vivent au XXe siècle et par mauvaise humeur et aussi par pose se refusent à admettre qu’il y ait quelque chose de bon en dehors de leurs chères idoles. Tous ces jeunes, tous ces néo-doctrinaires ès-littérature ne disent rien qui vaille ; ce sont des impertinents. Quoi ? prétendre créer des formes nouvelles ? Mépriser les sacro-saintes règles de Boileau, ce généralissime des versificateurs ? C’est intolérable.


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FRANCIS JAMMES




Il y a quelque temps je demandai à une personne très cultivée mais très "son temps" aussi ce qu’elle pensait de la poésie de F. Jammes. "La poésie de Jammes ? me répondit-elle d’un ton pontifical ; vous voulez rire !" — "Et Samain ?" repris-je — "Du bonbon fondant". — "Et Verlaine ?" — "Monsieur, je vous avoue que je ne lis pas beaucoup les contemporains, surtout les poètes ; ils ne m’intéressent pas, je ne les aime pas". O laudator temporis acti !!!



Et je songeais malgré moi à la fameuse scène entre Alfred de Vigny et Royer-Collard. Lorsque le grand poète vint lui faire sa visite de rigueur pour poser sa candidature à l’Académie Française, il lui demanda ce qu’il pensait de la jeune littérature et s’il avait lu ses œuvres ? Royer-Collard lui répondit d’un ton bourru : "Je ne lis plus, Monsieur, je ne lis plus depuis trente ans, je me contente de relire". Or qui lit aujourd’hui Royer Collard ?


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FRANCIS JAMMES


Ce qui frappe d’abord chez Francis Jammes c est l'abondance des images, le choix judicieux des épithètes, la richesse des descriptions et surtout cette faculté maîtresse d’analyser les sentiments les plus intimes et de rendre ses tableaux vivants à la façon de Pierre Loti et suggérant d’un mot tout un monde d'idées, c'est en cela qu’il est éminemment symboliste et c’est pour cela surtout que je le trouve poète parmi les meilleurs. Il ne décrit pas les hommes et les choses d’une façon implacable comme les Parnassiens, il ne vous impose rien de précis, de dur, de figé ; il laisse au contraire à l’imagination le soin de parachever ses peintures. Il est avant tout un grand inspirateur d’idées. Mais ce que je trouve de plus admirable encore chez lui c’est le don unique qu’il possède de nous faire revivre les heures d’autrefois. C’est un évocateur puissant du passé. Lisez "J’ai été visiter" ou "Le vieux village" et vous verrez avec quelle force il sait vous reporter aux années disparues, avec quelle sûreté il ressuscite ses personnages et les fait se mouvoir dans le milieu où ils vivaient. S’il avait été plus ambitieux il aurait pu comme beaucoup d’autres tenter la capitale où les succès sont plus rapides où l’on s’impose plus vite à la foule mais il aimait trop la terre natale et c’est pour cela peut-être qu’il ne connaît pas cette popularité tapageuse qui fut parfois l’apanage d’écrivains audacieux moins estimables que lui. Il est trop près de nous aussi, trop vivant dans la littérature pour qu’on ose reconnaître dès maintenant tout son talent. Cela n’est pas encore passé dans nos habitudes. Les hommes rendent rarement justice à ceux de leurs contemporains dont l’existence se passa tout entière en dehors du tumulte de la vie et des médiocrités et dont l’idéal suprême fut quelque grande découverte, la réalisation d’un chef-d’œuvre de peinture, de statuaire ou de musique ou encore simplement l’amour de la poésie et de son rêve."



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