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mardi 17 août 2021

LA LÉGENDE DE LEYRE - LEIRE EN NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1932 (deuxième et dernière partie)

 

LA LÉGENDE DE LEYRE-LEIRE EN NAVARRE.


L'abbaye San Salvador de Leyre (Leire) est un monastère roman situé à 771 mètres d'altitude, près du lac de Yesa en Navarre.




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VUE GENERALE LEYRE NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal L'Ami du peuple, le 6 octobre 1932, sous la plume de 

Georges Claretie :


"...Et tout en battant sa coulpe sous les voûtes du cloître, et voulant chasser cette image du démon, il songeait que les mécréants, les Arabes qu’il combattait par sa parole, et que les bons chevaliers de Navarre et de Castille combattaient par l’épée, avaient, eux, un paradis singulièrement plus varié. "Mahom", leur prophète (que Dieu maudit !), n'avait-il pas, lui, promis comme récompense à ses fidèles, des fontaines jaillissantes, et des houris sans cesse renouvelées ?



Mais le bon chrétien qu’était Virila, le saint homme, bénissait bien vite de son cerveau ces images de houris auxquelles il ne faut jamais penser, même si elles sont sans cesse renouvelées. Mais il prévoyait donc des changements dans son paradis, ce maudit ! Or il souffrait, le bon abbé, songeant au peu de variété qu’offrirait la vie éternelle, si dure cependant à gagner pour le pécheur chrétien au prix d’une austère pénitence. Il changeait, il vieillissait, il maigrissait.



— Qu’a donc l’abbé Virila ? murmurait-on sur son passage.



— Rien ! C’est un saint homme qui songe à la vie éternelle ! Enviez-le !



Un jour, n’y tenant plus, il sortit du cloître de Leyre. Il erra dans la campagne, au bord du rio Aragon. Il contempla dans le lointain les montagnes pelées ; il respira au bord des chemins creux les odeurs poivrées des menthes sauvages ; il respira des fleurs et à pleins poumons et la saine odeur des trèfles coupés. Il fut heureux.



Puis soudain, il songea que cette campagne exquise aux premiers vents d’hiver se dessécherait, se tarirait ; puis au printemps suivant se mettrait à renaître. Cela amènerait de la variété dans la nature, ce ne serait pas l’éternité immuable. Et à cette idée, le saint homme éprouvait une sorte de joie sadique, comme celle qu’il avait jadis étant jeune avant d’entrer au cloître, à dire (en bon Espagnol qu’il était, hanté par l’image de la mort) à une jeune et jolie femme : "Vos traits un jour se flétriront, et vous serez, vous aussi, rongée des vers."



La nature se fanerait. Mais le printemps reviendrait et les fleurs avec lui. Mais dans la vie éternelle, jamais ! Le printemps serait immuable, éternel, implacable. Et dans la campagne, le saint abbé Virila était plus triste encore, et plus sceptique que jamais. Découragé.



Fatigué, il s’assit sur un chêne-liège, au bord du rio Aragon, et commença à s’assoupir, bercé par la musique du torrent.



Dans l’arbre, un rossignol se mit à chanter, et le bon aube écouta délicieusement. Le rio Aragon roulant sur ses cailloux accompagnait les roulades du rossignol, et l’oiseau lançait ses notes claires au-dessus du murmure du torrent. Cela faisait une admirable symphonie.



Et les heures passaient, exquises, douces et brèves à entendre le murmure de l’eau et le chant de l’oiseau. Le temps n’avait plus de limites, les heures plus de durée, c’était l’envahissement de la joie, du bonheur complet, de la béatitude absolue. Le ciel bleu, l’eau qui coule, l’oiseau qui chante, tout cela faisait une immense harmonie dans le cœur du saint homme qui ne songeait plus ni à la crypte de Leyre, ni aux vêpres, ni à matines, ni à rien, ni même à la vie éternelle...



Le temps s’écoulait... Soudain, l’oiseau cessa de chanter, et le bon abbé se dit : "C’est le moment de rentrer. On doit m'attendre au monastère."



Mais aussitôt, il fut repris par son idée fixe : "Ce rossignol était délicieux. Oui. Je l’ai, à moitié assoupi, écouté pendant des heures, qui m’ont paru courtes. Mais, évidemment, je m’en serais lassé s’il m’avait fallu l’écouter pendant la vie éternelle !" Et le même mot revenait à son esprit : "Toujours ! Le Paradis immuable !" Peut-être l’enfer de Satan — moins difficile à acquérir — valait-il mieux ? Là au moins les supplices variés apporteraient-ils quelque variété à la vie éternelle !... Il se mettait à douter.



Et, songeur, il reprit sa marche vers le monastère de Leyre. Mais comme le paysage avait changé depuis le matin ! Le bonneteau qu’il avait traversé était remplacé par une forêt de chênes, si larges qu’il n’aurait pas pu les entourer de ses bras.



Il sonne à la porte du cloître.




C’est un jeune et nouveau portier qui lui ouvre la porte. Des moines, il n'en reconnaît pas un seul. Et personne d’ailleurs ne le reconnaît. Il demande à voir le Supérieur, non plus ne le reconnaît pas.



— Mais, je suis l’abbé Virila — L’abbé Virila ? — Oui, l’abbé Virila ! — Il y a bien eu, jadis, nous dit-on, au monastère, un abbé qui s'appelait Virila, mais il y a plus de trois cents ans de cela ! Il est parti un jour et n’est jamais revenu. Il a été dévoré par des loups dans la montagne.



— C’est moi !... Et les yeux de l’abbé Virila s’illuminèrent. Il comprit alors la gloire de Dieu, la vie éternelle et le Paradis, et se mit à chanter "Gloria in excessif Deo ! "



Il avait passé trois cents ans à écouter le chant du rossignol, qui lui parurent un instant. Combien courte serait la vie éternelle, dans la contemplation de Dieu, en écoutant les anges et les archanges chanter sur la harpe et le luth dans les cieux toujours azurés, la gloire de Dieu !



Et le bon abbé Virila conta son histoire. On l’écouta dans la grande salle du réfectoire. On dit une grand’messe. On chanta les louanges de Dieu. Et le lendemain, en extase, le très saint homme décéda entre les bras de tous les moines, dans l’espoir et dans l’attente de vie éternelle.



On l’a sanctifié et canonisé. Et dans la sierra de Leyre, on se raconte encore aujourd'hui son histoire. Mais on n'y croit plus guère.



On a tort, car le rossignol, lui, chante toujours..."



(Source : Wikipédia)




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