Libellés

mercredi 25 août 2021

LES CHAPELLES DE SARE-SARA EN LABOURD AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (troisième partie)

  

LES CHAPELLES DE SARE AUTREFOIS.


Le village de Sare est, dans la province du Labourd, l'un des plus riches en édifices religieux.




religion catholique chapelle sare
CHAPELLE ST ISIDORE ET PONT ECHETCHIPI SARE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin du Musée basque n°12, en 1936, sous la plume de 

Philippe Veyrin et P Garmendia :



"Les étapes de la procession du 25 mars. - Saint-Isidore. Saint-Pierre. - Saint-Jean-Baptiste. - Saint-François-Xavier. - Saint-Antoine.



Saint-Isidore. (Lehetchipiko-Kapera). - De la colline sur laquelle est bâti le bourg de Sare, une voie rudement pavée - dont on retrouve plus loin d'importants vestiges - se détache de l'agglomération et descend vers les Sud. C'est la galtzada, l'antique chaussée moyenâgeuse qui relie à l'église paroissiale le manoir d'Haramburua.



Parvenu au pied de la côte assez raide, ce chemin franchit sur un petit pont en dos d'âne un ruisseau artificiellement resserré. Le pont porte la date de 1772, et les travaux qui ont fixé les berges voisines entre des murailles aujourd'hui fort embroussaillées sont vraisemblablement contemporains. On est donc tenté de situer vers la même époque l'édification de la chapelle Saint Isidore qui semble placée juste à point pour prélever au passage du minuscule cours d'eau, le péage d'un signe de croix. Néanmoins, il est très probable qu'elle est considérablement plus ancienne, car de tout temps il y eut, évidemment, à cet endroit une passerelle ou un gué quelconque.



Aucune particularité extérieure n'est à signaler. Au dedans de la chapelle se remarquent, accrochés au mur du fond, deux angelots en bois doré et un panneau sculpté représentant une pelle, une bêche et un râteau liés en faisceau, attributs de Saint-Isidore. Ce pourraient être les restes d'un petit retable ancien, mis rien ne permet de l'affirmer.



L'effigie de Saint Isidore, haute d'environ 80 cms, s'appuie sur un aiguillon de laboureur. La statue est en bois, faite de plusieurs morceaux, et habilement traitée dans une facture réaliste : la polychromie toute moderne qui la recouvre en affadit quelque peu le caractère. Elle n'en demeure pas moins assez plaisante.



religion catholique saint sainte isidore
15 MAI SAINT ISIDORE LE LABOUREUR






Ce saint a été taillé au couteau vers 1874 par un émigré carliste de Vera qui, avec deux de ses camarades, déserteurs comme lui, se trouvait à Sare dans une très grande misère. Pour venir en aide à ces malheureux, le curé Landerretche leur commanda ce travail. Sur sa demande, ils exécutèrent également pour l'église paroissiale un Saint-Dominique et deux petits lutrins représentant des aigles aux ailes déployées. Ces derniers objets furent vendus ultérieurement par un autre curé de Sare, l'abbé Lahiton.



Lehetchipiko-Kapera, aujourd'hui si paisible, a eu pourtant son histoire, histoire un peu mouvementée, intéressante par le jour qu'elle jette sur les changements survenus dans l'aspect du village.



Qui croirait, par exemple, que cette magnifique place de pelote sur laquelle se déroulent de nos jours les plus homériques parties de rebot n'a pas de temps immémorial existé au même endroit, au coeur même du bourg ? Eh bien, pas du tout. La place actuelle fut aménagée seulement sous la Restauration. Antérieurement - au moins pendant une soixantaine d'années - on jouait au bas de la côte de Lehetchipia, et Saint-Isidore dans sa chapelle se trouvait aux premières loges pour assister aux ébats des pilotaris...



D'après les documents que nous avons en main, c'est vers 1772 qu'à la suite des travaux effectués pour contenir les débordements du ruisseau Uharca, la commune de Sare eut l'idée de créer une place de jeu de paume sur l'ancien lit du cours d'eau. L'espace rectangulaire qu'on venait de récupérer en bordure de Lehetchipia du côté du Midi avait, en effet, les dimensions requises (du moins à cette époque où le chistera d'osier n'était pas encore inventé).



Le fronton lui-même fut construit à l'Ouest de la place, juste au delà de la chaussée, et vraisemblablement sur la même ligne que la façade de Saint-Isidore. Mais comme il fallait passer  derrière le mur pour ramasser les pelotes égarées, on s'entendit (à l'amiable probablement) avec Lehetchipia qui céda une bande de terrain mitoyenne au côté Nord de la chapelle. Cette enclave fut plantée de quatre peupliers qui formaient derrière la coupole du fronton un mouvant décor de verdure.



... Aux dires d'une certaine Gachina, dont M. l'abbé Arçuby mit à contribution l'inépuisable mémoire, les propriétaires de Lahetchipia mécontents des dégâts causés à leurs prairies par les joueurs courant à la recherche des pelotes, se mirent en tête d'obliger la municipalité à démolir le fronton qu'ils avaient naguère contribué à édifier.



Selon la coutume de cette époque encore fort patriarcale, on décida, paraît-il, pour résoudre le conflit menaçant de s'en remettre à la sentence d'une assemblée de dix anciens de la commune. Faisant partie de ce tribunal un nommé "Katrasta", vivant d'aumônes et d'expédients, couchant dans le foin des bordes, mais homme de jugement sûr et plein de connaissances précieuses.



"Consultez le cadastre", déclara ce sage. "Vous y remarquerez la vaste étendue de bois et de landes qui est attribuée à Lahetchipia. Or, il se fit dans le temps un accord entre cette maison et la commune, accord en vertu duquel le propriétaire de Lahetchipia reçut ces bois et ces landes, jadis bien communal, en guise de dédommagement aux ennuis que pourrait lui causer la construction du fronton. La conclusion se tire d'elle-même."



Que valait cet avis ? Il est difficile d'en juger. Toujours est-il qu'il prévalut au conseil des anciens. Une fin de non-recevoir fut, sans doute, opposée aux réclamations de Lahetchipia. La querelle s'aigrit. Il s'en fallut de peut, dit-on, que les gens de Lahetchipia n'exerçassent vengeance en démolissant l'oratoire de Saint-Isidore. A tout le moins, ils se seraient opposés à ce qu'y fut accompli aucun acte religieux. On prétend même que des incidents un peu vifs eurent lieu un jour que la procession défilait, sans pouvoir s'arrêter comme d'habitude devant la chapelle close, murée dans une attitude de défi.



D'ailleurs la propriété de la chapelle elle-même était mise en question. A qui appartenait-elle ? On ne savait plus au juste, et cette contestation supplémentaire ne devait guère être faite pour calmer les esprits.



Ce n'est assurément pas sans quelque défiance qu'il faut accepter les détails du récit que nous venons de rapporter. La tradition orale a bien pu embrouiller ou déformer les échos de cette querelle de clocher. Le fond pourtant doit être vrai, attendu qu'un grave document sur papier timbré, accompagné d'un plan, nous fait connaître un épisode postérieur et le règlement final du conflit. Il s'agit, en l'espèce, d'un rapport de deux arbitres, (Me Petit, notaire à Saint-Jean-de-Luz et Me Miqueleperitz, notaire à Anglet) flanqués d'un surarbitre (Me Leremboure, avocat à Bayonne)...



De quoi s'agissait-il ?



Voici les faits : en mars 1843, Me Diharassary, notaire à Espelette, et maître pour lors de Lahetchipia, excédé sans doute par cet interminable litige, avait pris les grands moyens. Faisant état, non sans raison, de ce qu'un nouveau jeu de paume, venait enfin d'être établi dans le bourg même, il avait, sans plus attendre, fait jeter bas le fameux fronton et utilisé les matériaux pour son usage personnel. Persuadé en outre, et de bonne foi, que le terrain de jeu lui-même, lui devait revenir, il y avait fait planter des noyers comme s'il s'y trouvait dans son propre jardin.



Les communes basques sont à l'ordinaire fort jalouses de leurs droits et prérogatives ; dès le 25 juin 1843, le conseil municipal de Sare autorisait le maire Dithurbide à plaider. Me Diharassary, qui s'était montré un peu vif, eut alors la sagesse de faire preuve d'un esprit conciliant ; il accepta de s'en remettre aux trois esprits dont nous avons parlé plus haut."



A suivre...













Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 400 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire