NIVELLE ET BIDASSOA EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1926 (deuxième et dernière partie)

 

NIVELLE ET BIDASSOA EN 1926.

La Nivelle et la Bidassoa sont deux fleuves du Pays Basque Nord.

ÎLE AUX FAISANS BEHOBIE 1905
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta à ce sujet la revue Côte basque : revue illustrée de l'Euzkalerria, le 6 juin 

1926, sous la plume de H. Izarramendi : 

"Nivelle et Bidassoa.

...La Bidassoa est le dernier fleuve basque de la frontière, glorieux de servir de limite entre deux grandes nations, et d'avoir aussi un passé historique.

En aval du pont de voitures de la bicéphale Béhobie, plus bas que l’île des Faisans, entre Hendaye d’une part et Irun-Fontarabie de l’autre, la Bidassoa baigne les piles du viaduc international où courent les rails de deux modèles — et celles plus modernes du grand pont Hendaye-Irun, trait d’union électrique des deux rives et des deux peuples, — puis s'élargit en un vaste estuaire, que les pointes de Sainte-Anne à l’Est et du Figuier, à l’Ouest, séparent de l’Océan.

Ici, l’animation est rendue considérable par les passages et les trafics français et espagnols. Deux bateaux de guerre pour la police de la pêche, sont ancrés sur leurs rives respectives. Pîerre Loti commandait le stationnaire français, le Javelot, lorsqu’il fixa l’âme du Pays Basque dans son admirable livre "Ramuntcho".

LE JAVELOT HENDAYE - HENDAIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Hendaye s’est doublée vers le Nord, depuis quelques années, d’une cité balnéaire des plus florissantes, Hendaye-Plage. Créée de toutes pièces entre le sable du rivage et les bosquets de pins de l’intérieur, par un urbaniste de génie, Hendaye-Plage est reliée à Hendaye-Ville, située à un kilomètre par une ligne électrique de tramways. La Compagnie du Midi vient de construire à Hendaye-Plage une délicieuse petite gare de style basque qui met la jolie plage sur la ligne directe de Bordeaux-Madrid, en bordure de la frontière espagnole. Elle possède les établissements d’usage, un Casino monumental, un "palace" l’Eskualduna, de beaux hôtels, de superbes magasins, un bureau de P. T. T. et un nombre croissant de chalets "basques" aménagés à la moderne. L'existence y est facile et reposante parmi les effluves aromatiques des coteaux, (sur l’un desquels, dans le parc du fameux château d’Abbadia, a été aménagé un des plus beaux terrains de "golf" qui soient) et les brises salines du large ; la température égale et saine en fait un séjour rêvé.

GOLF ABBADIA et CLUB HOUSE HENDAYE - HENDAIA
PAYS BASQUE 1920

Et la plage d’Hendaye est en elle-même une pure merveille.

On a dit qu’Hendaye-Plage était la future Stamboul de l’Occident, et cela qui est juste, pourrait être parfaitement exact. La Bidassoa, en aval de sa barre, est comparable au Bosphore pour ses eaux d’un vert foncé où dansent des flottilles de voiles blanches, pour la lumière radieuse de son ciel, et par la douceur mélancolique un peu de ses rivages, à la Turque.

Mieux qu’à l’embouchure de la Nivelle, l’horizon est vaste sur toute sa périphérie, et on jurerait que les yeux se sont dilatés et portent plus loin. Et la fête est complète pour tous les sens. Le regard ravi se promène sur la mer infinie, dont la houle vient du Nouveau-Monde ; — sur les zones peu accidentées d’abord de l’horizon terrestre proche : herbages, bois, habitations, (à l’aspect de gaîté ; — sur cette incomparable Fontarabie, qui vaudrait à elle seule une description, bijou sculpté et patiné comme l’antique armure des conquistadors castillans ; — sur les derniers contreforts des Pyrénées, Jaïzqüibel bosselé, Haya au triple fleuron, Rhune en quille de bateau chaviré. On hume les parfums mêlés des floraisons sauvages et de l’iode marin. On grise son oreille des harmonies diverses fondues par l’éloignement, tintements graves des cloches et trilles des carillons, roulement des locomotives, battements des avirons des rameurs, chansons basques aux modulations traînantes. Et c’est d’un attrait rare et indéfinissable, d’un contentement pacifique et comme voilé de nonchalance.

Mais c’est surtout la nuit, par mer calme et ciel serein que la contemplation de l’estuaire de la Bidassoa devient une magie. A la pleine lune, qui semble voguer suspendue dans l’espace et toute bleue, parmi le vaste silence nocturne, propice aux songeries, l’Océan palpite lamé d’argent bleu, avec des miroitements nacrés. Et le ciel, et la mer, de nuances presque pareilles, se confondent, dirait-on, forment une gigantesque conque de turquoise incrustée de diamants bleus.

Il y a quelque réjouissance sur la rive espagnole, vers Fontarabie — la précieuse — dont les lumières tremblotent sur l’eau, vers Fontarabie la somptueuse et la décrépite à la fois, d’où s’éparpille par instants, dans les airs, un vol multicolore de fusées d’artifices. Et par instants aussi, changeant à peine la forme du silence, vibrent doucement guitares et mandolines, dont les modulations semblent glisser épurées sur le fleuve étale, et qui se rapprochent en des barques pavoisées et ornées de lanternes vénitiennes...

Et l’étranger à qui s’offre un tel spectacle, l'étranger assis sous les pins ou les tamaris d'Hendaye-Plage sent son corps se reposer et son esprit se détendre. C’est comme un arrêt délicieux dans la course éperdue de l’existence, et pour faire perdre la notion des heures et des dates, il y a la monotonie du flot qui halète, la régularité caressante de la brise, et la persistance de l’éclat des constellations doublées dans les eaux immobiles."

 

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