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jeudi 18 mai 2023

LE JUGEMENT DE L'ABBÉ MOULAT AU PAYS BASQUE EN DÉCEMBRE 1946

LE JUGEMENT DE L'ABBÉ MOULAT EN 1946.


En décembre 1946, l'Abbé Moulat, directeur du Pensionnat Saint-Bernard, comparaît devant le Tribunal Correctionnel de Bayonne.




PENSIONNAT SAINT-BERNARD BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien L'Humanité, le 5 décembre 1946, sous la plume de 

Georges Royer :



"Le Tribunal Correctionnel de Bayonne juge : les fautes de l'abbé Moulat.

Bayonne, 4 décembre. 


— Un événement qui fait grand bruit au pays basque, c'est la comparution devant la justice de l'abbé Moulat, directeur du collège des jésuites, qui avait transformé son pensionnat en maison trop hospitalière pour les hitlériens de tout poil.



Quelle sera l’attitude de la "justice" de M. Teitgen devant les délits qu’elle sera contrainte de juger ?



Nous l’examinerons en temps utile. Bornons-nous pour l’instant à rapporter objectivement les faits tels qu’ils ont été portés à notre connaissance par les témoins les plus autorisés.



En juillet 1945... 


Par un bel après-midi ensoleillé de la fin du mois de juillet 1945, un monsieur d’allure respectable heurtait le porche du collège Saint-Bernard, établissement d’enseignement libre qui éduque très chrétiennement la jeunesse dorée de Bayonne.


— De la part du père Bollaert, dit le visiteur.



Il fut aussitôt introduit dans le bureau du directeur, l’abbé Moulat, affable ecclésiastique, frère de la Compagnie de Jésus, qui comptait alors dans les soixante et quelques printemps. L’entretien fut bref.


PENSIONNAT SAINT-BERNARD BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Après le dîner, l’abbé Moulat fit quérir son hôte.


— Le père Bollaert est-il toujours en bonne santé ?



Il est en bonne santé, mon père. Je l'ai vu à Paris il n’y a pas deux jours. Il m’a confié que, depuis le mois de mai, il achemine et reçoit par votre intermédiaire le courrier qui franchit clandestinement la frontière d’Espagne,



L’abbé Moulat acquiesce de la tête. Il n’avait pas été sans remarquer le fort accent flamand de son interlocuteur,


— Vous êtes Belge, sans doute, ainsi que le père Bollaert ?


— Nationaliste flamand, mon père, tout comme lui. Et comme lui aussi traqué par la police de mon pays pour mon activité politique pendant toutes ces années, j’ai dû franchir clandestinement la frontière franco-belge, je me nomme Ruyssphaert... J’ai grand besoin de votre aide.


— Je puis vous faire passer la frontière et vous acheminer comme de coutume au père des frères jésuites à Bilbao...


— Ce n'est pas là tout à fait ce que je désire, mon père. Et si vous le permettez, je vais vous exposer en détail le but de ma visite.


— Je vous écoute.


PENSIONNAT SAINT-BERNARD BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


La confession.


— Depuis quelque six mois je m’occupe de mettre à l’abri de la police nos amis qui retrouvent en Belgique dans une situation trop exposée... De plus, il est important que ceux d’entre nous qui n’ont pas été contraints d’abandonner la place restent en relation permanente avec nos amis d’Espagne.



"Quelques jours auparavant, en effet, trois jeunes Belges, avec mon fils Gérard, convoyant vers la frontière, avaient été arrêtés à Bayonne. D’autres filières avaient été décelées par la police. Mon fils avait dû rentrer précipitamment à Paris se réfugier auprès du père Bolaert, puis aller me retrouver en Belgique, sans avoir rempli sa mission. Il a été très heureux pour nous que nos amis d’Espagne aient réussi — grâce à vous — à rétablir la connexion.


Et nos trois amis belges sont en prison et je voudrais vous demander en premier lieu si vous pouvez intercéder en leur faveur."


— Vous aurez l’obligeance de me consigner par écrit tous les renseignements nécessaires. Soyez assuré que je tenterai tout ce qu’il est possible.


— Puis-je compter sur vous, mon père, pour continuer d’acheminer nôtre courrier, ainsi que les hommes se présentant à vous de notre part ?


— Assurément. 


— Sans indiscrétion, mon père, peut-on vous demander quelles sont les filières que vous utilisez ?


— M. Aguirré, d'Hendaye, qui m’a été envoyé par le père Xavier, se charge de passer le courrier. Je remets les fugitifs aux mains de Léonce Armendaritz, un Espagnol répétiteur à notre collège. Il connaît parfaitement les régions de Sare, Arnéguy. On ne saurait trouver meilleur guide...


"...Vous êtes ici chez vous, monsieur Ruyssphaert. Serez-vous longtemps notre hôte ?"


— Je rends visite demain aux pères jésuites de la rue Montpensier, à Pau, qui sont en relation avec les pères de Saint-Sébastien. Le père Bollaert m’a prié de les voir.



PENSIONNAT SAINT-BERNARD BAYONNE
CLASSE COMMERCIAL
PAYS BASQUE D'ANTAN



Venez-vous de Bilbao


Depuis la visite du collaborateur Ruyssphaert, Il ne se passait guère de jour qu’un hitlérien quelconque ne se rendît au pensionnat Saint-Bernard.



Dans la première quinzaine de novembre 1945, un soir vers 19 heures, un jeune homme frappait à son tour à la porte du pensionnat.


Je m’appelle Jacques Lassalle, dit-il, et je viens de la part de Gérard Ruyssphaert. Je suis condamné à mort par la cour de justice de Marseille pour avoir appartenu au P.P.P. et je cherche à passer en Espagne.


— Gérard Ruyssphaert, répondit Moulat, voulez-vous épeler son nom. Le fugitif s’exécuta.


Je ne connais pas de Ruyssphaser, mais un de Ruis, quel est le pseudonyme de Gérard ?


— Je l'ignorais. 


— Connaissez-vous Bollaert ? 


— Non pas. Gérard m'a dit simplement de voir un certain Léonce Armendaritz.



Venez-vous de Bilbao ? 


Au cours de ces interrogatoires pleins de rétractations, de réticences, de mensonges par omission ou de mensonges purs et simples, l’abbé Moulat a prétendu ne pas se souvenir pourquoi il a posé cette question : "Venez-vous de Bilbao ?"



Ne prouve-t-elle pas formellement que le collège Saint-Bernard ne servait pas seulement de relais vers l’Espagne, mais qu’il s’y faisait un trafic dans les deux sens ?



L’abbé Moulat fut arrêté. Quelques jours, il séjourna à la "Villa Chagrin" de Bayonne puis, sur une intervention d’en haut — un puissant personnage en vérité — il fut remis en liberté.



Aujourd’hui, il comparaît devant le tribunal correctionnel. Combien a-t-il hébergé de traîtres ? A combien de nazis, de collaborateurs et de franquistes a-t-il permis de franchir la frontière espagnole dans les deux sens ?



Quelles consignes de sabotage sont passées entre ses mains et quelles sommes d'argent, destinées à financer les agents de l’ennemi sur notre sol et en Belgique, postérieurement à la libération ?



Pourquoi, pour commencer, n’a-t-il pas été déféré devant une cour de justice ? M. Teitgen considère-t-il que son activité ne relève pas de la trahison ?"



L'Abbé Moulat fut condamné à 3 000 francs d'amende.







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