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vendredi 5 mai 2023

TYPES FÉMININS : "LA BASQUAISE" EN SEPTEMBRE 1926

"LA BASQUAISE" EN 1926.


Depuis longtemps, le rôle de la femme dans la société au Pays Basque a été abordé, en particulier dans la littérature.



pays basque autrefois femmes
FEMME BASQUE AVEC CRECHE



Voici ce que rapporta l'hebdomadaire La Revue Française Politique et Littéraire, le 5 septembre 

1926 :



"La vie féminine.

Types féminins français : La Basquaise.



Le pays basque est à la mode : on y villégiature beaucoup et les touristes le parcourent en tous sens, en auto et à pied, par les routes et par les âpres sentiers de ses montagnes. C'est un bien beau pays, mais il est plus et mieux encore : c’est un de ceux où la race et les antiques traditions familiales et locales se sont conservées intactes. Vous qui avez la bonne fortune de passer vos vacances dons cette pittoresque et saine région, ouvrez les yeux de votre esprit et regardez autre chose que le paysage.



Mais pour bien voir, il vous faut des guides. Ici encore, c’est à la littérature régionale que vous devez recourir. Bien entendu pas à la littérature basque proprement dite, c’est-à-dire aux ouvrages écrits en langue basque, mais aux romans écrits par des Basques en français. Et il y en a d’excellents qui ont le mérite de peindre très fidèlement les mœurs et d’interpréter avec justesse les âmes. Ce sont d'abord les romans de Pierre Lhande : Luis, Mirentchu, Bilbilis, sur lesquels je ne m’attarderai pas, vous ayant déjà signalé les premiers en leur temps, et vous ayant tout récemment recommandé Bilbilis, ce curieux roman d’aventures. plot, édit., prix : 9 fr.). Et c’est ensuite cette Fille d’Euskadi, par Eugène Poueydebat (Plon, 9 fr.), qui met en lumière un type de femme aussi caractéristique dans son genre que la Daûne des Landes, avec qui nous avons fait connaissance il y a quelques semaines.



écrivain littérature pays basque
UNE FILLE D'EUSKADI 
EUGENE POUEYDEBAT


Il y a, dans le peuple basque, quelque chose de mystérieux. On n’a point déterminé son origine. La déterminera-t-on jamais ? Les Basques sont-ils, comme d’aucuns le croient, des restes et des descendants directs des Atlantes ? Leur langue, — car n’allez point employer le mot de patois : leur langage est une langue véritable, savante et ardue, — leur langue, donc, ne ressemble à aucune autre. Le pays qu’ils occupent, vous le savez, s’étend pour une partie en France et pour une autre en Espagne. Mais de nationalité espagnole, ils restent des "Basques", avec les mêmes caractères physiques et moraux. Ces gens fiers et hardis sont à la fois aventureux et profondément attachés à leur sol. Ils émigrent volontiers pour aller tenter la fortune en Amérique ; mais dès qu’ils l’ont atteinte, ils songent au retour. Ils y songent même avant de partir. D’ailleurs, en émigrant, ils restent entre eux ; ils reconstituent, sur la terre étrangère, le milieu, au moins moral, de l'Eskual Herria — Pays Basque. Ils ne s'en vont guère au hasard à travers le vaste monde, à l'exception peut-être de quelques marins. Mais ils se font signe les uns aux autres, et se retrouvent pour s'entr’aider, en Amérique, et principalement à l’Argentine. Ecoutez bien : vous entendrez parler des Américains. Et parmi ces belles maisons campagnardes coiffées de tuiles, dont les murs blancs servent de repoussoir aux volets, aux corniches, aux poutrelles transversales peints en sombre rouge ou en brun, ces belles demeures au style antique, tournées comme celles des aïeux du côté où se lève le soleil, on vous en montrera beaucoup qui appartiennent à des Basques revenus riches vivre dans le vieux pays, et y faire souche d’une famille nombreuse et belle. Car ils sont beaux, et ne redoutent pas les nombreux enfants. Ils ne se marient guère qu’avec des Basquaises qui ont été élevées dans la même tradition. Ils ne la perdent pas plus sur les routes du monde, que les jeunes filles bien nées des riches familles paysannes ne la perdent au couvent de Fontarabie où on les envoie passer quelques années.



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BOULEVARD DES AMERICAINS HASPARREN
PAYS BASQUE D'ANTAN



Toutes, je le veux bien, ne sont pas aussi poétiquement, aussi artistiquement Basquaises que Yuana Bordachuri ; mais celle-ci représente une synthèse, elle incarne, nous dit l’auteur, "le type le plus pur de la Basquaise". Elle est vraiment ce qu’il a voulu faire : la Fille d’Euskadi, de la vieille terre des aïeux. Elle en a tout le type physique : grande, svelte, démarche fière, des cheveux de jais, un visage aux pommettes saillantes, une bouche aux lèvres accusées, des paupières légèrement bridées qui font songer à ceux des sultanes d’Asie ou des princesses phéniciennes.


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PROFIL DE FEMME
PAYS BASQUE D'ANTAN


Et elle est aussi "Basquaise" au moral. Elle est fière de sa langue, des chansons que sa mère lui apprit, des croyances ce son peuple, de son idéal, de ses mœurs, de ses traditions. Pour elle, toutes ces choses sont des choses saintes, aussi a-t-elle en horreur les touristes désoeuvrés, simples curieux qui viennent "non point pour essayer de comprendre et d’aimer les Basques, mais pour se divertir d’eux en échange de leur or, comme d’une troupe de saltimbanques".



Rentrée du couvent, elle n'a point voulu faire de sa demeure ancestrale une habitation à la mode des villes. Elle l’a maintenue ce quelle elle était : la plus belle maison du village d’Espelette, avec ses meubles massifs aux incrustations de bois, aux serrures en fer forgé, ces meubles imprégnés de "l’odeur du maïs, des fleurs sauvages, des piments, des noix vertes", et elle a conservé avec vénération comme de glorieux trophées de famille les tchirolas ou petites flûtes à trois trous et les grosses pelotes recouvertes de cuir fauve qui avaient servi jadis à quelque ancêtre fameux. 1rophés, en effet, la petite flûte évocatrice des danses séculaires au sens caché qui peut-être ont pris naissance dans quelque temple de l’Atlantide ; et la pelote qui rend un nom célèbre à travers plusieurs générations.



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DE L'ORIGINE DES BASQUES
PAR LEWY D'ABRATIAGUE


Comment s'étonner que Yuana se soit éprise d'Antoni Doyhenart, vainqueur du grand tournoi de pelote, contre les deux joueurs, les deux "pelotaris" les plus fameux du temps ?



Antoni n’est qu’un pauvre voiturier, mais il est honnête et brave : il l’a prouvé en Afrique où il a fait son service et d'où il est revenu sous-officier. C’est un bon fils pour sa mère veuve et il n’a pas oublié, la recommandation de son curé quand il lui a dit adieu avant d'aller au régiment : 'N’oublie jamais que tu es Basque". Et puis, il est beau, et enfin il est glorieux, et tout un chacun au pays l’aime et l'admire.



Tout le monde, à l’exception du père de Yuana, Piarrès Bordachuri, qui commence à s’en méfier et à le prendre en haine lorsque Yuana refuse d’épouser le notaire de Cambo.



Piarrès Bordachuri est un gros propriétaire, mais il est dur, rusé, plein d’orgueil, et il a l’amour exagéré de l’argent. On dit qu’il a fait mourir sa femme de chagrin. Autoritaire comme pas un, même en ce pays basque où le père de famille gouverne sa maisonnée à l’antique, il ne peut lui entrer dans l’esprit que sa fille puisse aimer et vouloir se marier à son goût à elle, et non au sien, à lui. Elle est l’aînée de ses deux enfants et, bien quelle soit une fille, c’est d’elle qu’il veut faire sa principale héritière ; c’est sur elle et non sur son fils Michel, qu’il compte pour administrer son bien et l'arrondir, grandissant ainsi l'importance de sa famille. Car dans le pays basque, la tradition du droit d’aînesse s'est perpétuée ; ou plus exactement le droit du père de famille d’avantager un enfant, généralement l’aîné, afin d'assurer la durée et la prospérité de la maison. Piarrès Bordachuri veut marier sa fille, et la marier richement : c’est pourquoi il avait choisi ce notaire. Il ne peut pas contraindre Yuana à l’accepter, mais il peut rejeter dédaigneusement la demande d’Antoni. Et c’est ce qu’il fait. Il sait que Yuana est trop pénétrée de la tradition pour résister à l'autorité souveraine du père de famille. Antoni non plus n’y songe pas. Mais puisque Piarrès, le dur et avide vieillard, veut un gendre riche, il s'en ira, comme tant d’autres, chercher la fortune par delà les mers. Yuana lui promet de l'attendre, et pour elle il renonce à sa gloire de "pelotari" et à son pays tant aimé.



Et Yuana restée au village connaît à son tour la grande épreuve des femmes, des fiancées dont le mari ou le promis est parti là-bas. Elles sont nombreuses ; et d’une génération à l'autre, l’épreuve recommence. Ces exils, ces attentes sont un des traits caractéristiques de ce peuple, comme l’est pour les Bretons la longue campagne de pêche sur les bancs de terre-neuve ou sur les côtes d'Islande.



Et dans l’attente Yuana s’use. Quelques années passent, et Antoni s’enrichit. Il n’a jamais cessé de penser à elle ; mais quand il revient, riche enfin, il est trop tard : sa fiancée est morte.



La guerre alors survint. Antoni s’y fit tuer bravement, pendant la bataille de la Marne, en entraînant ses hommes. L’auteur, qui l’a connu, dit qu’il incarnait le type basque, et qu’il eut mérité que l'on gravât sur sa tombe la devise sacrée de ceux de sa race :


Toujours eu tuant 

Droit devant lui 

Marche le Basque. 



Dans leur langue, cela s’écrit ainsi :


Béthi Aintzina 

Chuchen Chuchena 

Dabil Eskualduna !"



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