WENTWORTH WEBSTER AU PAYS BASQUE.
Wentworth Webster, né le 16 juin 1828 à Uxbridge, en Angleterre et mort le 2 avril 1907 à Sare, en Labourd, est un prêtre anglican, collecteur des contes traditionnels du Pays Basque, érudit de langue anglaise, française et basque.
Voici ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire La Côte basque : revue illustrée de
l'Euzkalerrria, le 15 février 1925 :
"Basques. Extraits de l’ouvrage du Révérend Wentworth Webster.
Les Loisirs d’un Etranger au Pays Basque.
Le Basque était un homme libre de fait et de loi, impossible de lui appliquer une autre qualification. Mais le seul homme ainsi libre, c’était le baron, le noble ; donc le Basque était baron, il était noble, avec des privilèges, plus grands, plus dignes que les privilèges égoïstes de la caste supérieure du temps de la féodalité, car ils lui conféraient des devoirs politiques, administratifs, municipaux. La noblesse universelle des Basques n’était nullement un apanage de famille, c’était une noblesse nationale et de race. Pour en faire les preuves, pour constater ses droits, il n’était pas besoin de généalogie remontant à tel ou tel ancêtre à demi fabuleux ; on ne demandait ni charte ni parchemin portant le scel du roi quelconque. Le Basque pouvait ne pas posséder un pouce de terrain ; à lui seulement de montrer que, Basque, il était né sur le sol basque de deux générations de parents basques. Par ce fait et devant la loi espagnole, il était hidalgo. Au milieu de ces concitoyens, simple Basque, libre comme eux tous, il devait se tenir prêt à faire son devoir avec ses frères, à donner sa vie pour la constitution de son pays, pour ces fueros par lesquels il était homme libre.
Comment est-il arrivé que les partisans les plus outrés de l’absolutisme pur, les défenseurs de la politique la plus retardataire, se soient recrutés au milieu d’un peuple possédant des institutions si hautement libérales ? Il est difficile de répondre, en quelques lignes ; mais ce phénomène nous paraît provenir de deux causes : l’une, lente et inévitable en rapport avec les progrès de la liberté dans le reste de la Péninsule, l’autre qui est l’histoire d’une série de déceptions et de mécomptes.
Jamais peuple n’a si vaillamment lutté pour un but plus misérablement illusoire. Après mûr examen de leurs institutions et de la question en jeu, un homme distingué, correspondant d’un journal de l’Amérique du Nord, les appelait "des Républicains combattant pour le droit divin". Ces hommes qui possédaient les libertés les plus larges qui furent jamais, formaient l’entourage de Don Carlos ; ils servaient de soutien au plus tyrannique des absolutismes, à la plus violente des réactions.
Tout basque était noble, homme libre devant la loi, Aussi longtemps qu’ailleurs en Espagne, il y eut des classes privilégiées, ce privilège des Basques pouvait et devait subsister. Le Basque avait raison de combattre jusqu’à la mort pour le maintien de ce magnifique droit de naissance. Mais lorsque, dans la Péninsule entière, il n’y eut plus de classes asservies, quand tout Espagnol fut déclaré libre et que les impôts cotés par les représentants de la Nation furent répartis entre tous les citoyens, ces privilèges et ces droits n’avaient plus de raison d'être ; ils devaient prendre fin chez les Basques des trois provinces, comme ils avaient déjà fait de ce côté des Pyrénées. A partir de ce moment, les Vascongades ne pouvaient plus jouer que le rôle, non plus d’hommes libres, mais des membres d’une caste favorisée ; ils devenaient les adversaires communs de la liberté, une exception blessante aux lois de la patrie.
Les Basques ont eu, ils ont encore raison d’exiger toutes les garanties possibles contre la violation de leurs anciennes libertés, d'agir avec toute réserve, de prendre toutes leurs précautions pour que le caractère probe, économe, essentiellement pratique de leur administration intérieure, ne soit pas noyé dans le système corrompu, négligent, coûteux du gouvernement espagnol. Malheureusement, on a greffé sur cette question celle de la religion et celle de la dynastie. A tort ou à raison, la plupart des Basques se sont laissé persuader que l’existence des fueros est liée au maintien de la couronne dans la descendance masculine, à la suprématie du dogme catholique romain et de l’unité du culte en Espagne. Le Basque est un catholique fervent ; les libéraux, on le lui dit, ont pillé l’Eglise, chassé les moines, vendu les couvents, persécuté le clergé... Ennemis des croyances religieuses des Basques, ils ne sauraient être qu’hostiles à leurs institutions politiques et communales !
Une des plus grandes fautes, et ils en ont commis beaucoup, des libéraux constitutionnels en Espagne, fut de ne pas garantir les fueros basques immédiatement après la mort de Ferdinand VII. A cette époque, comme dans la première période la Révolution française, la plupart des villes industrielles des provinces basques, ainsi que la majorité des hautes classes, auraient facilement accepté les idées nouvelles ; mais les libéraux hésitèrent et Charles V, peut-être pour la seule fois dans sa vie, sut montrer de l’énergie et de la prévoyance ; il se prononça hautement pour la conservation des fueros. Le clergé, inutile de le dire, prenait parti pour la monarchie absolue ; c’en fut assez pour déterminer un soulèvement des Basques contre un gouvernement qui semblait vouloir saper des institutions si chères. Et pourtant les grandes villes, des provinces, Bilbao, Vittoria, San Sébastian, Pampelune, ne se sont jamais entièrement dévouées aux souteneurs du droit divin ; "Fueristes", elles le sont toutes, carlistes non. Leurs habitants sont aussi attachés que les autres Basques à leurs anciens privilèges, mais ils ne veulent pas se déclarer les alliés des adversaires du droit commun en Espagne ; ils ne veulent pas imposer le despotisme qu’ils rejettent eux-mêmes.
GUERRES CARLISTES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les "Fueros" s’en vont. Si, au point de vue théorique, la chose ne peut être fort regrettée, elle nous paraît en tout point déplorable et dans la pratique, et dans l’état actuel de la vie civile espagnole. L’administration provinciale et municipale des Basques a été excellente ; même au temps où l’Espagne accélérait le plus sa propre décadence, les provinces vascongades faisaient exception au reste de la Péninsule. Il n’y avait pas de brigands, le pays était sûr, le peuple satisfait. L’administration espagnole, une des plus négligentes et des plus dispendieuses de l’Europe, va tout recouvrir de sa boue, et personne ne peut voir sans douleur s’y engloutir la probité, la sagesse pratique des Euskariens. Quelle réglementation, si bien rédigée qu’elle soit, suppléerait à l’éducation administrative, fruit de tant de siècles de prudence et d’honnêteté !
PROVINCES VASCONGADES ILLUSTREES PAYS BASQUE D'ANTAN |
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