LE SCULPTEUR GEORGES-CLÉMENT DE SWIECINSKI ET GUÉTHARY.
Georges-Clément de Swiecinski est un sculpteur roumain d'origine polonaise, qui va habiter et sculpter à Guéthary, de 1918 à 1958.
Pendant la Première Guerre mondiale, Georges-Clément de Swiecinski, engagé volontaire, sert en qualité de chirurgien auxiliaire et va découvrir le Pays Basque et habiter à Guéthary, où il se lie d'amitié avec Paul-Jean Toulet.
Dans les années 1930, il entre dans le cercle des amis de Francis Jammes.
En 1948, il fait don au Musée basque de Bayonne des bustes de Toulet, Edmond Rostand, Loti et Lesca.
Puis, en 1949, il fait don à la Municipalité de Guéthary des oeuvres de ses ateliers de Paris et de Guéthary en vue de la création d'un musée.
Il meurt le 17 janvier 1958, à Guéthary, dans la détresse morale et matérielle.
Voici ce que rapporta à son sujet le périodique Le Crapouillot, le 1er décembre 1921, sous la
plume de Robert Rey :
"L'Art et les Artistes.
Georges-Clément de Swiecinski.
C’est un homme étrange. Sa parole est sans défaut. Il donne à nos vocables je ne sais quel accent tonique à la fois puissant et doux comme font ces prélats italiens dont le latin chantant a façonné la bouche.
Il est Polonais ; non, Roumain... au fait, je ne m’en souviens plus. Vingt fois il me l’a dit ; mais je ne sais pas la géographie. Bref, il vient d’une Europe orientale amie ; de ces pays où l’on voit de grandes et vieilles villes, parmi lesquelles s’élèvent des "facultés" toutes neuves bourrées d’étudiants ingénus et de savants à prix Nobel. Entre les villes s’étendent la campagne sans fin, des lacs, des montagnes ; de-ci, de-là, un paysan en jupon de laine ; une paysanne en pantalon de drap blanc ; tout à fait comme au musée du Trocadéro.
Dans ces pays, celui qui sait, sait bien. Nulle ironie, aucun scepticisme n’entrave son étude. Sa science devient encyclopédique ; et je suppose que Georges-Clément de Swiecinski doit apprendre et penser et créer comme pouvait le faire, au XVe siècle, à Gènes, un Leone Batista Albertî. Certes la comparaison est à l’avantage de Swiecinski. Les humanistes de ces temps embrassaient le savoir avec une gloutonnerie compassée. Ils s’enivraient de pédantisme devant l’énorme antiquité soudain à leurs yeux découverte, amas d’idées et de sciences dont ils croyaient avoir déjà fait le tour. Mais ils ne se rassasiaient d’aucune certitude et c’est en quoi je trouve que de Swiecinski les rappelle. Toute manifestation de son art s’étaye sur une forte armature de pensées bien organiques.
Par des allusions plastiques suggérer des rêveries au spectateur ? non.
Le pousser par une insidieuse bourrade sur le toboggan des divagations cérébrales ? oh !
Tirer sournoisement, en chacun, la cagette de ce recoin où la folle du logis bat les murs, et la voir, ensuite, gambader ou s’alanguir, avec des yeux ronds, comme fait une génisse au pré ? Quelle indécence.
De Swiecinski ne dit que ce qu’il veut dire. Il a tiré pour nous, dans le chaos des songes, ceux qu’il entend nous montrer. Modèle-t-il, en des bas-reliefs colorés, les amours de Rhama et de Sita, parmi des trahisons catastrophiques, des rapts inouïs, des combats monstrueux où les ailes géantes du Roi-Des-Vautours bruissent dans l’empirée, si fort que les lianes en bougent sous la jungle ? Soyez certains qu’auparavant il a compulsé les poèmes millénaires et appris le nom de toutes les Péris.
Des textes nous ont dit combien étaient les vieux hommes barbus qui mirent le Christ en son tombeau ; combien les femmes qui mouillaient de larmes le suaire. Dès lors quand de Swiecinski sculpte une "pieta", vous pouvez évoquer l'âme du plus docile des anciens maîtres de pierres vives, de celui qui savait le mieux son histoire sainte. Il ne trouvera pas une miette d’erreur.
Cet humaniste — car décidément je tiens de Swiecinski pour un humaniste — ne parle que de ce qu’il sait. Il n’a point le besoin qu’on l’inspire. Un modèle ne lui servirait de rien.
Il a fait, sans modèle, Jérémie. Jérémie avec les longs plis droits de sa bure semble gainé dans le sel de ses larmes ; et ses yeux osseux, au fond desquels brasille un effrayant désespoir, fixent au loin les foules braillardes et vaines.
Il a fait, sans modèle, Moïse. Moïse, avec son front court bossué par les rayons qui vont en sourdre, avec son petit crâne qu’emplit la péremptoire affirmation d’une volonté trop absolue pour daigner parler même, présente formidablement les tables où tout est dit. Et le phylactère qui, rituel, emmaillote son poignet et ses doigts, prend des airs de bandelette cuirassant le poing d’un pugiliste. De Swiecinski sait où se trouve chaque muscle, et ses noms, et ses jeux ; il construirait un écorché. Son ébauchoir s’arrêtera toujours à temps pour ne pas grincer contre un condyle ou contre une apophyse. Une masse de glaise est pour lui comme un ventre de femme grosse. Il sait, à la façon d’un chirurgien, comment y est placée l’œuvre qui nous semble à tous encore ébauchée. Il n’a plus qu’à faire tomber le superflu qui l’emprisonne. Comme Leone Batista Alberti, Clément de Swiecinski se fera demain, s’il le faut, architecte.
Aujourd'hui, le sculpteur ne voulut être que potier. Là-bas, dans la campagne basque, il agença, de ses mains patientes comme des mains d’accoucheur, le tour aux antiques miracles. Il a penché sur lui sa face glabre et vaguement sacerdotale ; et du disque girant, les formes des vases se sont élevées comme de grosses fleurs sans tige. Puis, dans le four, les émaux ont coulé comme il fallait, revêtant de leur éclatante gelée la panse et le calice.
COUPE PAPILLON PAR DE SWIECINSKI GEORGES-CLEMENT |
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