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lundi 8 mai 2023

LES ANIMAUX AU PAYS BASQUE EN 1898 (quatrième partie)

LES "HÔTES DE LA MAISON BASQUE" EN 1898.


Au début du 20ème siècle, les animaux domestiques occupent une grande place, dans le monde rural, et en particulier au Pays Basque.




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MORT DU COCHON



Voici ce que rapporta à ce sujet la revue bimensuelle La Femme, le 15 mai 1898, sous la plume 

de Mme d'Abbadie d'Arrast :


"Les "hôtes de la Maison Basque" (suite).



... Ironie de la destinée ! Ce jour de deuil est un jour de fête. Les voisins accourent et se mettent à quatre pour le tenir, les cris les plus déchirants n'émeuvent plus sa maîtresse qui se montre sans coeur et en a déjà l'eau à la bouche. Avec ses amies, elle prépare un bon feu en plein air et le chaudron d'eau bouillante. Lorsque les lugubres préparatifs sont achevés, le sacrificateur, que son auguste fonction rend grave, se plante droit face à face devant sa victime ; il se découvre, fait un grand signe de croix, puis d'une main assurée il plonge son couteau dans la gorge... C'en est fait, il est par terre, le roi qui fut si choyé ; on le contemple, on lui trouve bonne odeur. On dit, et c'est son oraison funèbre : "Qu'il est gras !"



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COCHON GRAS



Aussitôt les femmes se mettent à la besogne et pendant trois jours elles coupent, et taillent, et fondent et salent...



Le jour de la mort, lès complices sont conviés à un repas, dont le foie, qui passe pour le plus fin morceau, fait les frais. La fête se prolonge plusieurs jours et le Basque se plaît à dire en son langage que "la semaine où l'on a tué le porc et l'année où l'on s'est marié, sont les temps les plus heureux de l'existence".



II

Aux personnes délicates que froisserait l'usage du signe de la croix au moment de la mort d'un animal, faisons observer qu'il n'y a pas lieu de se récrier et d'être surpris outre mesure. Le trait est bien plus généralement humain que particulièrement basque : l'Ethiopien, par exemple, enchâsse, lorsqu'un gibier tombe, se précipite et se hâte de trancher le cou, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.



Il n'y a aucune intention de profaner les choses saintes par de semblables coutumes : il y a un sentiment simple et naturel que la crainte de la mort met au coeur de l'homme : il y a une angoisse, qu'il faudrait être mille fois pire que la brute pour ne pas éprouver, une terreur inséparable de l'instant où l'on va supprimer cette force mystérieuse qui s'appelle la vie.



Pourquoi s'étonnerait-on ? Le respect instinctif qu'éprouvent ces gens devant la mort de la bête n'est pas en opposition avec la foi des chrétiens : ce respect s'accorde avec ce que la Bible dit du règne animal. L'Ecriture enseigne qu'un même souffle anime l'homme et la bête et que toutes les créatures ensemble soupirent après la délivrance. Dans les premiers chapitres de la Genèse, on lit que c'est pour toutes les créatures, que l'arc de l'alliance éternelle, sans exception, est venue jeter sur les nuées du ciel ses suaves reflets, et les beaux psaumes de David d'où l'on sent rayonner sur l'univers une flamme divine de louanges, s'expriment avec une netteté d'intention qui ne laisse pas de place au doute. "Louez l'Eternel, vous tous, Rois de la terre et tous les peuples, gros poissons, bêtes sauvages et tout le bétail, reptiles et oiseaux qui avez des ailes, louez-le tous."



Cette connaissance du "même sang" est une grande joie pour le coeur qui a besoin d'aimer sans limites. Il est doux de pouvoir donner une place dans ses affections à la créature inférieure ; aux fidèles compagnons que Dieu a permis que nous puissions associera notre vie et nous efforcer, dans une grande et légitime mesure, de rendre heureux et meilleurs.



Quelle délicieuse page que celle où Jocelyn, solitaire et désolé, s'adresse à son chien :


— O mon chien ! Dieu seul sait la distance entre nous. 

Seul Il sait quel degré de l'échelle de l'Etre 

Sépare ton instinct de l'âme de ton maître ; 

Mais seul Il sait aussi par quel secret rapport 

Tu vis de son regard et tu meurs de sa mort

El par quelle pitié pour nos coeurs Il te donne 

D'aimer encore ceux que n'aime plus personne.



Ah ! mon pauvre Fido, quand tes yeux sur les miens, 

Ton silence comprend nos muets entretiens ; 

Quand au bord de mon lit, épiant si je veille, 

Un seul souffle inégal de mon sein te réveille 

Que lisant ma tristesse en mes yeux obscurcis. 

Dans les plis de mon front tu cherches mes soucis 

El que pour la distraire, attirant ma pensée 

Tu mors plus tendrement ma main vers toi baissée 

Que, comme un clair miroir, ma joie ou mon chagrin 

Rend ton oeil fraternel inquiet ou serein 

Que l'urne en toi se lève avec tant d'évidence 

Et que l'amour en toi passe l'intelligence.



Cette fraternité, que chante le poète, cette bonté à l'égard de la bête que Dieu veut mettre au coeur des hommes, répandent dans les moeurs une douceur dont bénéficie nécessairement toute la civilisation d'une société. Ces dispositions ne sont pas naturelles ; on ne les reçoit pas de naissance. Ce sont des victoires sur les instincts sauvages, sur l'égoïsme et l'impitoyable cruauté de la foule. Elles s'apprennent comme toutes les bonnes choses et il faut se donner la peine de les inculquer aux enfants. N'oublions pas que cette belle doctrine "d'un même souffle" réprouve des jeux cruels comme le martyre d'un chat, les combats de dogues, les courses de taureaux et tant d'autres divertissements d'une perversion idiote : c'est la condamnation de pratiques telles que la vivisection lorsque la vivisection n'est pas absolument légitimée par les recherches de la science. Nous serons d'autant meilleurs que nous croirons à l'égalité originelle de toutes les créatures devant le Maître suprême de la vie et d'autant plus heureux que nous éprouverons un plus grand respect de l'Etre. Voilà quelques-unes, des réflexions que nous ont fait faire, grâce au secours et au commentaire de Jocelyn, le paysan basque et son signe de croix. Qu'on nous pardonne cette digression un peu longue.



Le Basque, nous l'avons dit, n'est pas brutal pour ses bêtes : il leur demande du travail et des profits : il est généralement peu sensible aux sentiments affectueux de bonne camaraderie, et on note chez lui sous ce rapport une dissemblance réelle avec d'autres populations agricoles de la France où entre gens et bêles on se traite en associés, en amis, où l'on se sent les coudes, étant étroitement solidaires les uns des autres. Cette intimité est naturelle, puisqu'en dernière analyse, il faut en venir à souffrir ensemble : "misère pour les maîtres, misère pour les bêtes," ou à jouir ensemble : "abondance pour les bêtes, richesse pour les maîtres."



L'indifférence des Basques nous frappe d'autant plus que nous savons la grande place que les animaux domestiques tiennent et ont toujours tenue chez toutes les nations du globe. Chez les Orientaux, par exemple, l'Arabe partage l'abri de sa tente avec son cheval et lui dédie ses inspirations poétiques. Dans l'Inde, le respect de la vie poussée jusqu'aux infiniment petits, a inspiré la doctrine des bouddhistes : chez les anciens Grecs, nous aimons à nous rappeler le pied de réelle intimité sur lequel soldats, laboureurs, princes et rois vivaient avec les bêtes. Cette intimité avait enrichi la langue et la littérature des comparaisons les plus nobles, des expressions les plus imagées et les plus captivantes. Combien nous aimons la bonne Reine "aux yeux de vache". Malgré l'éloignement des siècles, l'image reste vivante et nous parle au point de nous émouvoir. Nous pleurons sur la triste Niobé "aux yeux de chienne", car nous avons tous rencontré, un jour, le regard suppliant levé sur nous : nous connaissons cet oeil profondément mélancolique qui nous implorait, dans une heure de détresse, et nous transperçait de pitié. L'artifice de la comparaison fait de nous les contemporains, les témoins de la douloureuse tragédie. Dans Homère, Hector, Antiloque, Achille, conversent avec leurs chevaux et les écoulent. Dans Esope, chez les Persans, quelle connaissance de la bête, quel intérêt, quel plaisir nous trouvons à de si vives et exactes peintures. Dans la Bible, de belles et fortes images sont empruntées au règne animal. Cette mine de richesse, a été exploitée par les auteurs sacrés de la façon la plus merveilleuse. Ils y ont puisé de l'or et des perles. Le lapin, la fourmi, la sauterelle, le cheval, le lièvre, l'aigle, la colombe entrent en scène et la connaissance approfondie du caractère, la justesse avec laquelle le rôle de ces animaux est développé, apportent à l'esprit les notions les plus lumineuses, les plus frappantes, les plus durables. Dans la Bible, il y a du reste plus que des comparaisons au profit des bêtes, puisqu'on y trouve de hautes, de sublimes révélations."



A suivre...





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