IMPRESSIONS SUR LE PAYS BASQUE EN 1919.
En juillet 1919, on redécouvre, dans la presse, le Pays Basque.
LA REVUE MONDIALE OCTOBRE 1919 |
Voici ce que rapporta à ce sujet La Revue Mondiale, dans son édition du 1er juillet 1919 :
"Impressions sur le Pays Basque.
V. — Les Coutumes Successorales au Pays Basque.
Le régionalisme revient à la mode, on connaît ses apôtres, Léon Durocher, Jean Baffier, Charles Brun, Jean Hennessy, etc. ; c’est au pays basque où la tradition est conservée même contre la loi, qu’il pourrait prendre maintes leçons pour la conservation des traditions, le maintien non administratif ni réglementé des mœurs locales. Sous le titre de ce chapitre, M. Louis Etcheverry, qui a cherché dans ce pays où maintes traces en subsistent, les origines des héritages et leurs règles, "l'origine paternelle du pouvoir", "la France est-elle une démocratie ?" a fait du vrai régionalisme, voici plus de trente ans. La maison-souche du pays basque qui garde les habitudes, les coutumes, les mœurs, caractérise bien la région, elle est une cellule; sociale, bien vivante, élément de la Nation première, comme la cellule organique fait partie intégrante de tout ce qui vit : plante, animal, homme.
MAISON BASQUE 1892 PAYS BASQUE D'ANTAN |
J.-J. Rousseau, Bonald, A. Comte, Herbert Spencer, Espinas, Rossi, le jésuite Meyer, Taine, Michelet, Proudhon, L.-S. Lévy, Gustave Le Bon, ont parlé des groupements sociaux et de leur volonté collective, anormale parfois, avec, à la base, l'autorité paternelle. Celle-ci baisse, dirons-nous, un peu partout. Les idées de J.-J. Rousseau sur l'homme naissant bon et l’enfant pourvu de tous les bons instincts, ont fait leur chemin, et l'enfant est "gâté" aujourd'hui, même au pays basque. M. L. Etcheverry le constatait de son temps. Nous-même, avons vu des parents maraîchers — beaucoup de maraîchers autour de Saint-Jean-Pied-de-Port — "s'échiner" au travail, alors que les enfants, habillés à la dernière mode, paradaient toute la journée, malgré leur proverbe : "Chevalier, fais ton fils Duc, il ne te connaîtra plus." Cependant, le droit d’aînesse, même attribuable à tel ou tel enfant en dehors de l'aîné, se maintient en dépit, voire d’accord, phénomène paradoxal, avec la loi. "L’impuissance des Lois", écrit il y a dix ans par l’avocat Cruet, s’avère, ici, quand les lois et les mœurs ne concordent pas !
La maison-souche, etche-ondo, (l’Allemagne a la même expression, stammhaus) doit rester intacte, généralement la propriété de l'aîné des enfants. Avant la Révolution, c’était la règle partout. L’Angleterre a gardé le droit d’aînesse. Les régions pyrénéennes l'avaient difficilement admis, (de Lagrèze, Histoire de la Navarre, alors qu’il avait dans le Pays Basque une origine antique, profonde, tenant à la race même (Laferrière, Histoire du Droit français). Beaucoup de bons auteurs attribuent notre dépopulation à l’abolition du droit d’aînesse qui crée le fils unique ; cela pour éviter le morcellement des propriétés, qui amène au bout de 2 ou 3 générations, l’indigence, et est, par suite, si préjudiciable à la richesse et à la culture, plus encore en des pays de montagne, là où la métairie n'a que les terres proches et nécessaires à la nourriture des bestiaux et des gens.
En l’an X. après la loi de la Révolution du 7 mars 1793 prescrivant l’égalité absolue entre les héritiers, — avec adoucissement et quotité disponible par la loi du 4 germinal, an VIII, — le général Serviez, préfet des Basses-Pyrénées, résumait, comme on ne saurait mieux faire, les habitudes et les effets des coutumes successorales basques :
"Par un effet naturel de cette disposition, l'aîné, dès l’adolescence, s’identifiait avec son père ; dont il devait soutenir la vieillesse, travaillait avec ardeur à l’amélioration de son bien, pour se préparer les moyens de payer en argent les légitimes de ses soeurs ; elles servaient à les marier convenablement avec les héritiers d’une fortune à peu près égale à celle de leurs frères. Les mâles puînés, de leur côté épousaient des héritières auxquelles ils portaient leur légitime, avec le pécule que le père ou le frère aîné leur avait mis en main pour les engager à travailler dans la maison jusqu'à leur établissement. Le secours consistait ordinairement dans une certaine quantité de bestiaux, élevés avec les troupeaux du père ou du frère aîné. Plusieurs des cadets embrassaient le commerce, ou une autre profession, que la plupart allaient exercer en Espagne ou dans les colonies. Ils faisaient ordinairement des fortunes qu’ils rapportaient dans le pays et qui leur procuraient un sort bien plus brillant que celui de leurs aînés."
En l’an XI, 1803, la liberté de tester, réclamée maintenant complète par beaucoup de juristes, s’élargit en raison inverse du nombre d’enfants, on arrive au quart comme quotité disponible, au pays basque. C’est par ce quart, légal, qu’existe, avec des faveurs secrètes souvent connues et acceptées des frustrés et ignorées de la loi, dans les familles, le droit d’aînesse ou droit de choix : l'aîné n’étant pas toujours choisi pour l’héritier ou pouvant ne pas accepter, pouvant être même une fille, aînée ou non, institué par testament ou institution contractuelle lors de mariage. La dot d’une fille sert souvent à l'héritier qui l’épouse à indemniser ses co-héritiers. Rarement est demandée la mise en vente de la maison-souche, dont la conservation par un seul n’excite aucune jalousie, car "c’est l’habitude". Les soultes, satisfont les enfants, mais si l’estimation du bien est trop élevée et grève trop l’héritier — ayant le quart par testament — la vente s’impose, mais cela est rare.
MAISON PAYS BASQUE D'ANTAN |
Pierre Lhande, dans un roman des plus palpitants, Mirentchu, nous montre l’héritier, voulant être marin et s’étant laissé tromper par un usurier amateur de biens, créant des situations tragiques : la maison-souche mise en vente, mais rachetée par la fille même de l’usurier, et, rendue, donnée à qui de droit !... D'autre part, un fils qui n’a pas réussi trouve, à ce foyer, le pain et le travail quotidiens."
LIVRE MIRENTCHU DE PIERRE LHANDE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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