UN FESTIVAL DE MUSIQUE BASQUE EN 1943.
En 1943, c'est sur Radio-Paris, 5 fois par semaine, que l'on peut entendre un festival de musique de régions européennes, dont le Pays Basque.
DISQUE MON PAYS BASQUE ANDRE DASSARY 1943 |
Voici ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire Les Ondes, le 28 novembre 1943, sous la
signature de M. de Vasselot-Pereira :
"Festival de Musique Basque.
Afin d’illustrer par une image haute en couleurs le triptyque, que j’ai consacré aux Euskariens, le 29 novembre passera dans le cadre des Harmonies Européennes un Festival de Musique Basque.
J’espère avoir su vous faire comprendre et admirer le caractère si personnel de cette province, qui a gardé pour lui son titre de "pays", émouvante formule qui englobe tout l’être moral et physique du Basque. Celui-ci, concis et intelligent, désigne ainsi les six provinces dont il est le maître depuis des millénaires.
ZAZPIAK BAT PAYS BASQUE D'ANTAN |
Autour de lui peuvent se mouvoir des Etats, des gouvernements, peu lui chaut, il saura mourir certes pour celui qui assure la police, entretient les routes, donne la gloire d’un drapeau, mais, c’est pour son "pays basque" qu’il vivra, chantera, dansera, dans une langue qui lui sera propre, le murant dans un immense orgueil.
Mais l’humanité, elle, s’intéresse encore à cet être curieux dont aucun événement ne peut ébranler la liberté, qu’aucune propagande ne peut empêcher d’accéder de plain-pied au droit d’élite. Aristocrate, le Basque l’est par le fait heureux d’être né au pays vascon et d’y mener une vie de traditions, de haut exemple moral, qui le fait "noble" dans le sens ancien du mot, qui implique plus une valeur morale qu’un titre : des devoirs plus que des droits.
Avant guerre, les touristes trop curieux allaient voir les Basques et leur pays sans les comprendre souvent, et je dirai... presque heureusement ! Aujourd’hui, sans les voir, nous allons tenter de les comprendre par la musique, essence même de leur âme. La chanson qui effleure les lèvres du paysan basque à propos de tout et de rien donne l’illusion d’un miroir clair.
Toute la vie simple et droite du Basque, est accompagnée par la chanson ; et les "Pertsularis" sorte de bardes appuyés au balcon de bois de la mairie, un jour de foire, racontent la vie quotidienne en petits couplets courts assez monotones, appelés "Berso-Berri", seulement accompagnés de la flûte ou "Chistu".
Contrairement à l’habitude acquise c’est en mineur que la mère berce l’enfant, que le pâtre rassemble ses brebis, que le soir tard, après l’égrenage du maïs, le fiancé à sa fiancée racontera des choses si belles et si pures, que sans fatigue elle l’écoutera la nuit entière, pour l’accompagner ensuite le matin au village entendre ensemble la première messe. Et cela s’appelle "aller Amoros", et la quittant ensuite, le Basque d’un pas plus léger dévalant la montagne s’écriera toujours en mineur :
Je suis jeune et joyeux. Et j’at le rire éclatant.
Content et heureux et gai sans ta moindre peine.
Charles Bordes dit : je défie un Basque de chanter en majeur. C’est ce que nous verrons en écoutant M. Louis Madré, passionné musicien et tout exprès pour nous chanteur des voix de son pays, nous dire de charmantes petites choses qui, pour tous les amoureux du pays basque, feront vivre ces images chères faites de l’équilibre dé l’esprit, de la grandiose beauté du paysage et de la simplicité magnifique d’âmes toutes droites.
La mélodie basque a une allure douce et tranquille, on n'y trouve pas d’allegro, parfois le même air est le seul lien entre les couplets d’une ou deux lignes qui se suivent sans la moindre suite d'idée, quelques mots suffisants au Basque pour dire ce qu’il a à dire et de sa naissance à sa mort, la chanson accompagne sa vie.
A côté des chansons dont plus de mille furent recueillies par le Père Azkue, le Père Donastia, et Charles Bordes, la musique basque accompagne des danses très particulières dont Iztueta, pauvre matelassier de Saint-Sébastien, publia en 1826 "Des anciens Basques et de leur origine, de leurs danses estimées joyeuses et sans taches". Iztueta fonde une école de quadrille, forme un élève, Olano, qui lui-même passe sa tradition maintenue aujourd’hui encore par Pujana.
Les danses basques sont donc depuis le XVIIIe siècle résumées par ces trois noms.
On y trouve cette curiosité musicale le "zortziquo" air dont la musique est en 5/8, mesure divisée en trois fragments de 3/8 et 2/8 qui se succèdent régulièrement. Cette écriture est moderne ou plutôt sa vulgarisation, car dès le XVIIIe siècle elle était commune au pays basque ; il n’y a rien de nouveau sous le soleil, même pour ceux qui croient l’avoir inventé !
Le théâtre basque prend ses sujets dans le domaine public et la pastorale est une survivance authentique des mystères du moyen âge, elle en a conservé le caractère et la technique, et le public "a émerveillement de voir apparaître sur la scène en figures réelles, vivantes et parlantes les personnages idéaux de sa vision intérieure."
MAÏTENA D'ETIENNE DECREPT PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ainsi est-il actif et participe-t-il à la création représentative. Les représentations ont lieu d’habitude sur la grande place du village et rien de plus étonnant pour l’étranger que d’apercevoir soudain, dans une vallée sauvage au détour d’une route, cette longue cavalcade, bariolée de bleu et de rouge, coiffée de scintillantes et barbares coiffures de plumes et de fleurs, qui s’avance au son d’une musique criante un peu semblable à la nouba arabe.
DANSEURS BAS- NAVARRAIS 1922 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Malgré un rituel singulièrement strict auquel doivent se soumettre les acteurs, la diction sans caractère personnel, la musique même qui n’aide pas à créer une ambiance favorable au moins pour les non-initiés, le drame réussit à émouvoir le public. La musique fait pourtant partie intégrante du drame, elle joue des "la montre" qu’elle conduit jusqu’au théâtre et elle accompagne la représentation par des reprises multipliées. On joue des morceaux très anciens auxquels on ajoute parfois quelques morceaux modernes et les instruments en usage sont peu nombreux : la flûte, ou txirola, et le soïuna ou tambourin de Gascogne.
PANDERETA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais il y a au moment du Carnaval les pastorales à sujet comique, les mascarades "souletines", constituées par de longs cortèges d’acteurs qui revêtent les costumes les plus bariolés et les plus étranges ; durant le trajet on chante et on danse sans discontinuer ; c’est l’ours qui effraye les brebis, la bohémienne, type représentatif du pays ; le "chererro" ; "le zamaLzain noir", etc.
ZAMALZAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le "bralia" est le plus, extraordinaire des ballets, dit Bordes, qu’on ne peut analyser ici, il est réservé aux "rouges" vrais enfants du pays tandis que les "noirs" sont les étrangers, et l’école de danse "souletine", en garde avec fierté toutes les traditions si compliquées pourtant.
Enfin les disques ont répandu "les passarues", les "fandangos", Arin-Arin, charmante danse trépidante où les castagnettes font un écho au bruit des talons.
Parce qu’un rayon de soleil est arrivé à pénétrer dans une rue de Fontarabie, où les balcons se rejoignent d’un bord à l’autre, parce qu’il a plu hier, et que l’on s’aime aujourd’hui, un groupe de jeunesse se forme, filles aux yeux noirs, Basques aux petits bérets et ceintures rouges, un accordéon joue, et sur la chaussée on danse avec légèreté et entrain, une figure de ballet, les danseurs comme la fleur et le papillon se quittent et se rejoignent, disent les couplets de la poétique chanson.
FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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