LE PORT DE BAYONNE EN 1837.
En Pays Basque Nord, le port de Bayonne est un port actif depuis de très nombreuses années et au 19ème siècle c'est un port important.
Voici ce que rapporta à ce sujet l'hebdomadaire Le Moniteur Industriel, le 2 juillet 1837 :
"Statistique des ports de France.
Bayonne.
En venant de Bordeaux, lorsque le voyageur arrive sur les hauteurs de Saint-Étienne, qui dominent Bayonne, il repose avec plaisir ses regards, fatigués de la triste uniformité des Landes, sur cette ville qui se déroule à ses pieds comme un panorama, sur ses fortifications, son beau fleuve couvert de navires, et sur ses riantes campagnes. Ce contraste d’objets pleins de mouvement et de vie avec la monotonie des solitudes qu’il vient de quitter le pénètre d’une prévention toute favorable à la ville vers laquelle il descend, et s’il s’est un peu occupé de l’histoire de cette contrée, l’intérêt s’accroît de ses souvenirs.
Il est en effet peu de villes qui en offrent de plus vifs et de plus attachans. Son origine remonte à l’histoire des Gaules. Nous ne chercherons pas à soulever le voile qui couvre cette vénérable antiquité : nous nous contenterons de glaner dans le champ assez fécond des faits constans et avérés.
Ce fut dans les murs de Lapurdum (nom primitif de Bayonne, qui se conserva jusqu’au Xe siècle) que les députés de la Novemlopulanie prirent la généreuse résolution de résister aux armes victorieuses du conquérant des Gaules. César chargea son lieutenant Crassus de les soumettre, et la cause de l’indépendance, de la justice et de la liberté succomba devant la supériorité de la discipline et de la science militaire de Rome. Bayonne devint dès lors le lieu de la résidence d’un tribun, d’une légion et d’une flotte stationnée dans l’Adour. C’était déjà alors une cité importante, capitale d’une contrée qui comprenait, d’un côté, la petite province de Labourd, dont Irun, Fontarabie et Saint-Sébastien faisaient partie ; et, de l’autre, le pays des Boïens, qui s’étendait dans les Landes, le long de la côte, jusqu’au bassin d’Arcachon.
Un grand nombre de souverains ont habité cette ville, ou du moins ils y ont résidé momentanément ; dans le nombre, nous citerons l’empereur Auguste, Julien l'Apostat, plusieurs de nos rois des première et seconde races, les rois d’Angleterre Richard II et Henri III, qui y fixa sa résidence ; Louis XI, François 1er, Charles IX, Henri IV, Louis XIV, Napoléon, et les rois d’Espagne Charles IV et son fils Ferdinand VII.
Bayonne a éprouvé bien des vicissitudes, prise en 712 par les Sarrasins, ses habitans embrassèrent l’islamisme, mais sans devenir, à ce qu’il paraît, de très fervents musulmans, car, assiégés vingt-deux ans après, ils capitulèrent et consentirent de très bonne grâce à redevenir chrétiens. Au VIIIe siècle, les Normands s’en emparèrent et s’y fortifièrent ; de là leurs flottilles remontaient l’Adour et le Gave, et allaient porter la dévastation dans le Béarn et la Gascogne.
Pendant la longue lutte entre la France et l’Angleterre, Bayonne était la principale place d’armes des Anglais ; ils y préparaient leurs armemens par terre et par mer ; et lorsqu’ils perdirent Bordeaux, elle devint le centre de leur puissance et le rendez-vous de tous les capitaines anglais et gascons.
Ce fut sous la domination anglaise que Bayonne acquit ces franchises qu’elle défendit depuis avec tant d’ardeur et de persévérance. Jean sans terre, devenu roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine, lui accorda une charte qui pourrait être enviée par beaucoup de villes de l’Europe moderne. La ville s’imposait elle-même, elle était gouvernée par un maire, nommé par le souverain sur la présentation de trois candidats, et par un conseil composé de cent pairs, dont douze échevins nobles, douze jurats négocians et soixante-seize conseillers bourgeois ou artisans, tous nommés librement par le peuple. Cette assemblée délibérait souverainement sur toutes les affaires d’administration, de justice et de police. La libéralité des institutions de la ville de Bayonne et son association aux villes anséatiques en fit une espèce de république comme Marseille et La Rochelle. Ses privilèges, quoique souvent modifiés, se sont conservés jusqu’à l’époque de la révolution.
ARMOIRIE VILLE DE BAYONNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les armes de Bayonne portaient une devise un peu gasconne : Numquam polluta, jamais souillée, ou toujours vierge. Pourtant elle a été prise et reprise sept fois alternativement par les Anglais et les Français, et ce ne fut que sous Charles VII qu’elle fut enfin réunie définitivement à la France. Depuis, ses habitans se signalèrent par leur dévoûment à la patrie ; ils se couvrirent de gloire par leur belle défense contre les Espagnols en 1523. Tous les habitans, hommes, femmes et enfans, accoururent à la défense de leurs remparts. C’est dans cette occasion que les arquebuses, les fusils, ayant manqué, l’on forgea
Cette arme que jadis, pour dépeupler la terre,
Dans Bayonne inventa le démon de la guerre.
En 1360, Bayonne éprouva un désastre inouï, et l’histoire n’offre pas l’exemple d’une aussi effrayante catastrophe. Une tempête terrible jeta tout-à-coup une si énorme quantité de sable à l’embouchure de l’Adour, que le cours du fleuve se trouva tout-à-coup obstrué.
LES BATEAUX SUR L ADOUR EN 1840 |
Le volume des eaux devint immense ; elles se répandirent dans la ville, dont elles engloutirent une partie, et le reste fut sur le point d’être complètement détruit. Sur les deux rives de l’Adour et de la Nive, elles s’élevèrent à une hauteur prodigieuse et causèrent d'immenses ravages. Enfin, ayant trouvé tout-à-coup une issue sur leur droite, elles s’y précipitèrent et s’ouvrirent à travers les sables un nouveau passage vers la mer, à six lieues au nord de la ville, dans un lieu appelé aujourd’hui le Vieux-Boucaut. Ce terrible désastre ruina Bayonne ; son port ne pouvant plus admettre que des navires de 25 à 30 tonneaux, tout le commerce de cette ville passa à Cap-Breton et au Vieux-Boucaut. Ce ne fut que 200 ans après que l'architecte Louis de Foix exécuta de grands travaux qui ramenèrent l'Adour à son ancienne embouchure. En 1684, elle fit une nouvelle excursion sur sa droite, du côté d’Anglet, mais les habiles travaux d’André Ferry forcèrent ce fleuve vagabond à reprendre son ancienne direction. Deux fortes digues en maçonnerie furent construites depuis pour maîtriser enfin son inconstance.
BAYONNE 1835 PAYS BASQUE D'ANTAN |
L’entrée du port de Bayonne est éminemment dangereuse ; elle a été funeste à une infinité de navires qui sont venus se perdre sur sa barre, banc de sables mobiles qui semblent fermer son embouchure. L’on a établi au Boucaut un corps de pilotes qui rendent les plus grands services ; ils sont chargés d’étudier continuellement la position du banc et d’introduire les bâtiments dans l’Adour, qui peut recevoir des navires de 500 tonneaux. Plusieurs projets avaient été formés pour l’amélioration de son cours ; le célèbre ingénieur Prony avait proposé, sous l’Empire, d’en resserrer le lit de 115 toises à 41 ; il pensait que la vitesse de la masse des eaux ainsi resserrées aurait enlevé et fait disparaître le banc de sable ; un autre projet, plus vaste et plus grand, formé à la même époque et renouvelé depuis sous le règne de Charles X, consistait à détourner le cours de l’Adour du côté de Biarits et d’en diriger les eaux vers un lac très profond situé au bord même de la mer. C’est là où l’on aurait créé un port.
GASPARD DE PRONY |
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