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samedi 9 mai 2020

UN VOYAGE À BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1857 (première partie)


VOYAGE À BAYONNE EN 1857.


Depuis le milieu du 19ème siècle et l'arrivée du chemin de fer les voyages se développent au Pays Basque.


pays basque autrefois labourd
BAYONNE 1852
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que relata le journal La Presse, dans son édition du 31 août 1857 :



"...A Bordeaux, on quitte un moment le fer pour prendre le pavé. Une nuée de voitures se disputent le profit de vous transporter d'une gare à l'autre. 




Vous voilà donc couché sur un autre lit de fer ; rien n'est changé, vous n'avez que quelques degrés de chaleur de plus. Seulement, en courant vers Bayonne, vous remarquez que le paysage se fait monotone et aride. Marécages et pignadas se disputent le terrain nu de ces déserts ; mais les Landes ont leur grandeur, leur majesté, leur poésie. C'est une mer de sable sur laquelle le regard se perd vers des horizons sans limites, qui font rêver à l'immensité de l'Océan et de Dieu.




De temps en temps, dans ces plaines humides et dépouillées paissent ces chevaux nains et ces vaches mignonnes, dont les points mobiles piquent l'espace et errent dans l'aridité de ce désert comme une fourmilière éparpillée. 




Un peu plus loin, les pignadas offrent leurs masses vertes et-mélancoliques. Autant le pin isolé est aristocratique et riant quand, développant sa taille de palmier et arrondissant sa tête de champignon, il ombrage la tourelle d'un château, autant les pins agglomérés en forêt paraissent tristes, pauvres et lugubres. 




Ces blessures que chaque arbre porte au flanc pour en laisser couler la résine font ressembler ces forêts à une légion d'assassinés, montrant leurs plaies encore béantes, et tordant vers le ciel, pour en faire descendre la vengeance, leurs bras de vivants fantômes. L'œil cherche dans ce paysage, pour l'égayer, ces bergers landais juchés sur de longues échasses qui sont leurs secondes jambes, et tricotant là-haut des bonnets de laine au milieu des troupeaux qu'ils gardent. 



landes autrefois
BERGERS LANDAIS 1910
LANDES D'ANTAN

Le hasard est rarement assez complaisant pour vous faire rencontrer ces géants de la solitude ; et messieurs les administrateurs du chemin de fer du Midi, qui ont l'imagination de leur latitude, devraient bien louer un groupe de ces bergers qu'on offrirait sur quelque point du parcours comme un ornement pittoresque et local. 




C'est ainsi que nous approchions des Pyrénées, dont les cimes azurées découpaient leurs arêtes à l'horizon. 




Comme ce Marseillais qui prédisait à un ami partant pour Constantinople qu'il y verrait beaucoup de Turcs , nous nous doutions bien que nous rencontrerions beaucoup d'Espagnols en Espagne. Mais, pour en avoir plus tôt, nous avions songé, dès la gare de Bordeaux, à nous enfourner dans un wagon à côté de quelque hidalgo. Justement, nous n'avions que l'em barras du choix ; tout le monde parlait espagnol autour de nous ; mais comme, dans ces lisières méridionales, la langue n'est pas un signe certain de nationalité, et que beaucoup de Français de Bayonne parlent l'espagnol, nous ne voulûmes donner notre préférence qu'à bon escient. Nous jetâmes notre dévolu sur une figure bronzée, à sourcils noirs, dont la main froissait un papelito et dont la tête, aux cheveux légèrement crépus, portait un chapeau andalou. Vous savez ce petit sombrero dont les bords, relevés forment comme une enceinte continue autour du rond-point passementé où se loge la tête et où fleurit une houppe de velours. Ce chapeau gagna toute notre confiance, et nous nous empressâmes de grimper à sa suite dans le compartiment de berline qu'il avait choisi. 




Nous étions enchanté de cette équipée, et nous croyions, en entrant dans ce wagon, entrer déjà en Espagne, lorsqu'il nous devint impossible de ne pas découvrir que nous avions en face de nous Joseph Kemp, du théâtre des Folies-Nouvelles, qui allait se faire applaudir à Bayonne, et à nôtre côté un rédacteur du journal l'Univers, M. Rispal, savant helléniste, qui allait régénérer sa santé aux Eaux-Bonnes. Nous étions en plein Paris, entre Saint-Sulpice et le boulevard du Temple.




Mais, direz-vous, nous avions pour nous rattraper le chapeau andalou. Ah ! bien ! oui, parlons-en ! 




Hélas ! le chapeau à houppe de l'Andalou avait été plus gascon que le blanc panache d'Henri IV. Ce chapeau, au lieu de couvrir un Andalou comme c'était son devoir, n'abritait même pas un simple Espagnol. L'individu qui le portait n'est autre qu'un ancien officier du 40e régiment de chasseurs, employé au ministère de la guerre. C'était un véritable abus de confiance en couleur locale. Croyez donc aux chapeaux, après cela ! 




Nous étions humilié, mais pas mécontent. C'est dans ces sentiments que nous arrivons à Bayonne ; mais nous y arrivons au milieu des éclairs et des coups de tonnerre de l'un de ces orages bruyants comme les populations qu'ils assourdissent. 




Bon, dis-je à part moi, voilà la pie qui fait des siennes. 




Et l'influence maligne que je me refusais à voir dans le chapeau andalou, je n'hésitai pas à la reconnaître dans l'orage et à l'attribuer à l'oiseau parisien. 




Il était quatre heures et demie. Tout Bayonne assistait à la course de taureaux, qui venait de commencer à quatre heures. Le célèbre torero Il Salamanquino avait déjà abattu trois taureaux : j'arrivais au beau moment. Je chargeai donc un de mes amis, qui était venu m'attendre à l'embarcadère, de faire emporter ma malle, et, malgré la pluie, je volai vers le cirque. J'allais y entrer, lorsque j'entendis un craquement affreux suivi d'un tumulte épouvantable, du milieu duquel s'élevaient des plaintes, des jurons et des cris, le tout enveloppé d'un nuage de poussière. L'estrade des musiciens venait de crouler. 



pays basque autrefois torero
TORERO EL SALAMANQUINO



Les journaux, que je me donne le loisir de ne plus lire depuis Paris, doivent vous avoir raconté cet accident. Vous savez comment beaucoup de spectateurs, chassés de. leurs places par la pluie qui les inondait, se réfugièrent vers l'estrade des musiciens, qui était à couvert, et comment cette agglomération subite sur le même point détermina la chute de l'estrade. 




J'assistai donc à cette déroute et à tout le désarroi de cette déroute sous une pluie battante. 




Les membres de la cuadrilla, picadores et banderilleros, coururent en toute hâte vers un omnibus qui devait les emporter, afin de ne pas mouiller leurs vestes brodées d'argent et leurs éblouissantes coiffures. Un picador, ne trouvant pas de place dans la voiture commune, enfourcha un cheval. Je suivis ce picador, qui me représentait don Quichotte par sa longue taille, et surtout par le maigre cheval qui flageolait sous ses grandes jambes. En arrivant sur le pont de la Nive, Rossinante, refusa d'aller plus loin. Le picador prit le parti de descendre et de traîner sa monture par la bride. Il était temps : un moment après, le cheval se rejetait de côté et tombait tout du long sur le trottoir. 

pays basque autrefois labourd
BAYONNE 1852
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le picador ne fit pas un seul pas en arrière ; il se contenta de tourner la tête, et, voyant le cheval tombé sur le flanc, il lâcha la bride et continua sa route, le laissant là crever tout seul et à son aise. Puis il s'en alla pesamment et avec peine ; car les picadors portent des espèces de jambières faites de peau de buffle et doublées de fer, pour les préserver contre les atteintes du taureau. 




Bientôt après, un servant du Cirque vint dépouiller le cheval de sa selle arabe et de sa bride, et le laissa nu, gisant et mort sur le pavé, jusqu'à ce que, quelques minutes plus tard, trois mules fringantes, élégamment caparaçonnées et couvertes de pompons, de grelots et de fanfreluches, se présentèrent en frétillant. Le cadavre du cheval fut attaché parle cou, et le pimpant attelage l'entraîna vers le Cirque."



A suivre...




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