LA PÊCHE À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1924.
En 1922, est introduit à Saint-Jean-de-Luz le filet tournant ou bolinche.
Cela quadruple le tonnage pêché en poisson bleu, sardine et anchois, qui prennent désormais
de très loin la première place dans l'activité du port.
Voici ce que rapporta à ce sujet la revue hebdomadaire La Côte basque : revue illustrée de
l'Euzkalerria, le 2 novembre 1924, sous la plume de Georges Velloni :
"Le Pays Basque économique et pittoresque.
La Pêche à Saint-Jean-de-Luz.
Si l’attention du touriste est attirée par les sinuosités curieuses de nos côtes, l’infini de l’Océan et les courbes altières dont les Pyrénées festonnent l’horizon, elle est également retenue à Saint-Jean-de-Luz par un coin pittoresque qu’une vie intense anime plusieurs fois par jour, élément d’intérêt dont il est trop rarement fait mention : le port.
Véritable Janus, Saint-Jean-de-Luz possède deux visages : la ville moderne, quartier de villégiature bordant la mer et le boulevard Thiers, avec ses hôtels, ses jolies villas, ses attractions, et la ville autochtone, la ville basque aux vieilles maisons curieuses, à l’église typique, aux rues fantasques, née à l’embouchure de la Nivelle, lieu de refuge des pêcheurs.
BOULEVARD THIERS SAINT-JEAN-DE-LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce deuxième visage de Saint-Jean, le plus intéressant, a été décrit, admiré, reproduit dans maintes oeuvres d’art, mais sa raison d’être, le port, n’a guère trouvé de glorifications que sous le pinceau des maîtres paysagistes locaux. Nul ne l'a vanté comme il mérite de l'être, tant au point de vue attractif qu’au point de vue économique.
Au point de vue attractif, le port de Saint-Jean intéresse l’étranger par son aspect et son cadre. Sur les parapets s’étalent les vastes filets aux fines mailles, bleus ou bruns, que bordent des flotteurs en liège, sur les quais évoluent les pêcheurs vêtus de bleu, de rouge ou de marron, fiers et robustes lutteurs des mers qui rapportent pour trophées les poissons aux écailles brillantes ; avec eux de robustes basquaises et des types intéressants de vieillards solides au poste. Parmi ceux-ci, il faut citer une figure célèbre dans toute la région, celle de Catherine Sarrasquette, connue sous le nom de Kattalin. Cette vigoureuse aïeule, âgée de 91 ans, semble être la mère de la grande famille de pêcheurs qui s’agite au long du quai sur lequel elle travaille depuis soixante ans et où elle fit toujours l’enchère jusqu’à ces derniers temps. Actuellement encore, elle y prend part en amateur, mais continue à suivre le marché en femme de métier qui ne laisse pas sa place aux autres. Ayant appris que son effigie paraîtrait dans nos colonnes, elle se déclara heureuse de savoir que sa photo irait à Paris, à défaut d’elle-même, dont le rêve était de connaître la capitale.
KATTALIN ESKERRA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Autour d’elle, c’est le va et vient laborieux de gens actifs et satisfaits de voir leurs efforts entretenir la prospérité du port — car le petit port de Saint-Jean est prospère, la pêche est bonne en mer et les travailleurs y sont heureux. — Parmi eux, depuis que la sardine se porte davantage vers nos régions, se glissent de nombreux pêcheurs bretons venus avec leurs femmes, dont les costumes si pittoresques dans leur pays semblent un anachronisme en pays basque. Le pourcentage des bretons augmente de jour en jour et il est à craindre qu’il ne devienne excessif par rapport aux gens du pays.
Pour servir de cadre à cette vie locale et précieuse, les demeures basques des quais, la maison de Louis XIV, celle de l’Infante, Ciboure et son église servant de socle à la colline de Bordagain, la jetée des pêcheries, et, à l’opposé de la mer, les rives de la Nivelle et les profils des premiers monts pyrénéens que domine la Rhune, forment un ensemble digne d’être signalé, capable de captiver les voyageurs les plus blasés. Sous un beau soleil, c’est de la gaieté, de la simplicité, de la vie saine, et de jolies lignes dans de la lumière.
Mais au-dessus de tout ceci, plane l’intérêt de l’industrie qui fit naître et prospérer St-Jean, celle de la pêche, qu’évoquent les hommes courageux des quais et les petits chalutiers à vapeur qui balancent leurs coques voisines sur l’eau clapotante du port auquel ils apportent la moisson de la mer.
La pêche fut toujours fructueuse sur nos côtes, et, peu à peu, elle se spécialisa lorsque se fondirent les entreprises ayant pour but de faire le commerce de gros des espèces de poissons les plus nombreuses. Le thon, la sardine et le maquereau dominant de beaucoup, on en fit la pêche en grand ; celle du thon a plutôt lieu en été, et nous arrivons à l’heure actuelle dans la pleine saison de la pêche à la sardine et au maquereau. Celle-ci est fort active en ce moment es suit une progression qu’indiquent éloquemment les chiffres des deux dernières semaines, concernant la sardine.
Du 9 au 15 octobre ont été pêchés 3 554 000 poissons représentant un poids total de 104 820 kilos, vendus au prix de 491 130 francs.
Du 16 au 25 octobre, ont été pêchés 5 305 000 poissons d’un poids total de 169 150 kilos, vendus au prix de 635 775 francs.
Les bateaux partent de nuit, entre 11 h. et 3 h. du matin, selon l’heure de la marée, et reviennent le lendemain dans l’après-midi.
Le poisson est pesé pour chaque bateau, à l’arrivée, puis débarqué sur les quais dans des casiers de dimension uniforme, contenant chacun un poids égal pour les maquereaux et une quantité d’unités semblable pour les sardines : 200 ou 250 par casier, selon la grosseur des poissons. Ceux-ci sont aussitôt vendus aux enchères sur le quai. L’enchère a généralement pour point de départ le dernier cours de la veille.
Quarante-six bateaux font journellement la pêche à la sardine et appartiennent en majorité aux principaux mareyeurs, MM. Badiola et Cie, Pascal Elissalt, Laffiteau, Plisson, Létamendia, etc. Plusieurs petits patrons se partagent des bateaux ou sont propriétaires d’un seul. A côté d’eux, se trouvent des revendeurs de gros, tels que Mme Veuve Bourdil, dont la maison est fort importante, des usines de mise en boîte et d’expédition ; parmi les principales se trouvent l’usine des Récollets, appartenant à M. Plisson, et les usines Chancerelle, représentées également en Bretagne.
SARDINES ALFRED CHANCERELLE CONCARNEAU |
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